Introduction
L’e-learning constitue un dispositif de formation qui apparaît au début des années 1990 dans la foulée de l’essor pris par les technologies multimédias et de l’internet. D’abord confiné au monde l’entreprise et singulièrement à celui des entreprises technologiques, l’e-learning s’est étendu au monde de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle.
Il est assez peu souligné que l’e-learning naît dans un contexte économique particulier qualifié de « Nouvelle économie ». Ce concept est créé dans les années 1990 pour désigner l’impact, considéré comme majeur, des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sur l’activité économique américaine dès la deuxième moitié de la décennie 1980. Plus spécifiquement, pour les tenants de la « Nouvelle économie », les TIC ont pesé – et continuent de peser – de tout leur poids sur l’activité de production, de consommation voire de financement et de régulation de l’économie américaine.
Une des caractéristiques de cette « Nouvelle économie » est qu’elle est marquée par des cycles d’innovation extrêmement courts[1]. A titre d’illustration, Atkinson, Court et Ward[2] constatent qu’il fallait en moyenne près de 6 ans, en 1990, pour passer de la phase de conception à la phase de production d’une automobile tandis qu’il ne fallait plus que 2 ans à la fin des années 1990.
Pour les travailleurs, ce raccourcissement dans les cycles d’innovation signifie que les compétences et les connaissances doivent être renouvelées rapidement. On constate en effet depuis plusieurs décennies un discours ambiant qui fait du renouvellement des compétences et des connaissances un impératif pour tout un chacun qui souhaite maintenir son employabilité. Dans ce contexte de « Nouvelle économie » tel que très brièvement décrit ci-dessus, on est en droit de se poser la question du rôle de la formation et en particulier de l’e-learning. L’e-learning contribue-t-il à la promotion de la personne, à son « émancipation », terme qui sera défini ultérieurement, ou au contraire, ce type de formation ne participe-t-il pas à une instrumentalisation de la formation dictée par l’économique. Si tel est le cas, nous serions loin du paradigme de promotion sociale et d’épanouissement individuel qui a marqué les politiques de formation d’adultes durant les trente glorieuses.
Dans cet article, nous défendrons l’idée selon laquelle l’ e-learning est porteur d’une intention émancipatrice. Plus précisément, les technologies du multimédia et de l’internet, qui constituent une des dimensions d’un dispositif e-learning, ambitionnent de libérer l’apprenant du contrôle exercé par l’intervenant pédagogique (le tuteur ou le formateur). En d’autres termes, ces technologies favorisent l’exercice d’une prise de contrôle de l’apprenant sur sa propre formation. Néanmoins, c’est le paradoxe, cette intention émancipatrice doit être soutenue par l’intervenant pédagogique pour devenir effective.
Cet article se divise en 3 parties.
Dans la première partie, nous définirons l’e-learning ainsi que ce qu’il faut entendre par la notion d’émancipation et de pédagogie émancipatrice. En particulier, nous soulignerons que l’autonomie d’action de la personne en formation est constitutive de cette émancipation.
Après avoir défini la notion d’e-learning et d’émancipation, nous aborderons la question de l’e-learning en la restituant dans l’histoire des technologies de l’enseignement à distance. Ce détour historique permettra de mieux appréhender, selon nous, l’intention émancipatrice qui se cache derrière ce dispositif de formation.
Dans un troisième temps, nous porterons un regard critique sur la portée émancipatrice de l’e-learning en montrant qu’il existe une distorsion entre, d’une part, cette intention émancipatrice et, d’autre part, les conduites effectives des personnes qui suivent un dispositif e-learning.
1. Définition de la notion d’e-learning et de pédagogie émancipatrice
Introduire cet article en présentant l’e-learning en tant que « dispositif de formation » n’est pas exempt de signification. En effet, comme le souligne Alberto et Kaiser[3], la notion de dispositif « renvoie à une conception stratégique de l’action et aux dimensions techniques de sa mise en œuvre »[4]. En d’autres termes, il y a dans tout dispositif de formation une intentionnalité, un caractère calculé. Un dispositif de formation représente un « agencement de moyens opérationnels (matériels et humains) en réponse à des besoins et à des buts »[5]. Ceci étant posé, quelle est l’intentionnalité de l’e-learning ?
A l’analyse, on constate qu’il existe une variété d’intentionnalités ou de finalités attachées au concept d’e-learning.
Prenons par exemple la définition de l’e-learning que nous propose la Commission européenne et qui est souvent citée dans la littérature. Selon la Commission, l’e-learning est défini comme étant « l’utilisation des nouvelles technologies multimédias et de l’internet pour améliorer la qualité de l’apprentissage en facilitant l’accès à des ressources et des services, ainsi que les échanges et la collaboration à distance »[6].
D’après cette définition, l’amélioration de la qualité de l’apprentissage constitue l’intentionnalité centrale de l’e-learning. Selon la Commission européenne, un dispositif e-learning qui ne viserait pas à l’améliorer la qualité de l’apprentissage manquerait sa cible. Ceci étant, notons que la définition de la Commission européenne ne prétend pas affirmer que l’utilisation des technologies multimédias et de l’internet entraîne, de facto, une amélioration de la qualité des apprentissages…
Il est une autre définition de l’e-learning qui met en avant une autre finalité pédagogique voire managériale. Il s’agit de la définition de l’e-learning proposée par le Laboratoire de Soutien à l’Enseignement Télématique (LabSET) de l’Université de Liège. Selon le LabSET, l’e-learning est un « apprentissage en ligne centré sur le développement de compétences par l’apprenant et structuré par les interactions avec le tuteur et les pairs »[7]. Dans cette définition de l’e-learning, il ne s’agit plus de mettre l’accent sur l’amélioration de la qualité de l’apprentissage. Il s’agit plutôt de faire l’e-learning un nouveau pourvoyeur de compétences.
Enfin, une troisième définition de l’e-learning met en avant des finalités organisationnelles. Ainsi, selon la définition issue du Centre de recherche luxembourgeois Henri Tudor, l’e-learning représente «tout mode d’apprentissage s’appuyant partiellement ou entièrement sur les technologies de l’information et de la communication dans le but de faciliter l’organisation et l’accès de la formation et de l’apprentissage»[8].
Il est frappant de constater qu’une analyse du concept d’e-learning au travers des éléments de définition verse dans une vision utilitariste de la formation. A lire ces définitions, l’e-learning trouve en effet sa justification dans des considérations pédagogiques (améliorer la qualité de l’apprentissage), managériales (développer des compétences) voire organisationnelles (bénéficier d’une formation qui libère des contraintes de temps et d’espace). Il est nullement fait mention d’une raison d’être de l’e-learning qui serait dirigée vers l’apprenant en tant qu’individu. Cette dimension est cependant essentielle pour comprendre la notion d’émancipation. En effet, avant d’être au service d’une quelconque finalité extrinsèque à l’apprenant, l’e-learning doit mettre, au cœur de ses préoccupations, l’apprenant dans ce qu’il a de singulier. Dans la seconde partie de cet article, je m’attacherai à mettre en évidence cette vision de l’émancipation en resituant le concept d’e-learning dans l’histoire des technologies de l’enseignement à distance.
Cependant, avant d’aborder cette deuxième partie de l’article, il est temps de définir plus précisément la notion d’émancipation et de pédagogie émancipatrice.
Dans une étude publiée en 2009 par l’asbl Le Grain, Stéphanie Devlésaver[9] entreprend de définir la notion d’émancipation et de pédagogie émancipatrice. Selon l’auteure, « l’émancipation peut être définie comme la sortie, l’affranchissement d’une tutelle »[10].
Dans le domaine de l’éducation et de la formation, une pédagogie sera dite émancipatrice lorsqu’elle sera en mesure de développer les savoirs et les capacités d’un individu en vue de libérer celui-ci d’une autorité, d’une servitude ou d’un pouvoir.[11]
Plus précisément, elle écrit:
Une pédagogie émancipatrice peut être définie (… ) comme les conceptions et les pratiques de l’activité éducative qui visent l’accès au pouvoir et à l’autonomie d’action des individus et des groupes sociaux dominés. (…). Il s’agit de vouloir, pour ce public, l’accès au savoir, la maîtrise intellectuelle, culturelle et affective, qui doit permettre à ceux qui sont privés de pouvoir et de savoir de prendre confiance en eux, d’avoir (en coopération avec d’autres) une emprise plus grande sur leur environnement économique et social et, si possible, d’agir collectivement sur cet environnement et, si possible encore, d’y modifier les rapports sociaux de domination dans un sens plus équitable[12].
Cette définition met en avant tant la portée individuelle d’une pédagogie émancipatrice (celle-ci doit amener l’individu à grandir en termes d’autonomie d’action et de pensée) que sa portée collective voire sociétale (cette pédagogie vise également à modifier les rapports sociaux).
Pour ce qui concerne l’e-learning en tant que véhicule d’une pédagogie émancipatrice, il faut reconnaître que l’émancipation dont il est question a, selon nous, une portée strictement individuelle. L’e-learning n’a pas pour vocation de modifier les rapports sociaux mais plutôt de libérer l’apprenant de la tutelle de son formateur ou de sa formatrice. En d’autres termes, si l’e-learning a des vertus émancipatrices, c’est parce qu’il contribue à autonomiser l’apprenant vis-à-vis de l’intervenant pédagogique.
Au cours de la deuxième partie de cet article, j’analyserai les quatre générations des technologies de l’enseignement à distance en tentant de monter que les possibilités d’autonomisation de l’apprenant vis-à-vis de l’intervenant pédagogique vont grandissantes de génération en génération. Cette autonomisation se marque notamment par la capacité de l’apprenant à construire son propre savoir au contact de son formateur ainsi que des autres apprenants.
2. Les 4 générations de technologie de l’enseignement à distance
Garrisson & Anderson[13] distinguent quatre générations de technologies de l’enseignement à distance: la génération de l’imprimerie, la génération du multimédia, la génération de la télématique et enfin, la génération de l’apprentissage flexible qui n’est autre que la génération de l’e-learning.
Avant de décrire par le menu chacune de ces générations, une remarque s’impose. La succession de ces générations tend à véhiculer l’idée selon laquelle il y aurait un progrès technologique d’une génération à l’autre, chaque génération supplantant la précédente. Pourtant, comme le souligne Garrisson & Anderson[14], il n’en est rien. La dernière génération des technologies de l’enseignement à distance, à savoir la génération de l’apprentissage flexible ou de l’e-learning n’a pas fait disparaître la génération de l’imprimerie. Plutôt que de parler d’un progrès technologique linéaire d’une génération à l’autre, on pourrait davantage parler d’un phénomène d’hybridation entre les générations. La génération de l’imprimerie, qui naît au début du XIXe siècle en Angleterre dans le cadre de l’apprentissage de la sténographie, fait comme son nom l’indique essentiellement usage de l’imprimé en tant que support pédagogique. Or, de nos jours, le support imprimé est encore largement utilisé dans l’ enseignement à distance mais, contrairement au XIXe siècle, les supports imprimés sont diffusés non pas par voie postale mais via internet. En d’autres termes, la technologie de l’enseignement à distance basée sur le support imprimé fait usage d’un élément qui constitue la pierre angulaire de la génération de l’apprentissage flexible.
Ceci étant dit, revenons plus précisément aux caractéristiques des diverses générations de technologies de l’enseignement à distance.
2.1 Génération de l’imprimerie
La génération de l’imprimerie est principalement basée sur l’usage d’un manuel rédigé par le formateur ou une équipe pédagogique. Cependant, à y regarder de plus près, la manière de rédiger ces manuels a connu une évolution au fils des ans qui a consisté à mettre graduellement l’apprenant et ses besoins au centre des préoccupations du formateur.
En effet, les manuels rédigés au début de l’enseignement par correspondance sont écrits préalablement à toute interaction entre le formateur et l’apprenant[15]. Autrement dit, ces manuels ne tiennent nullement compte des circonstances particulières des apprenants comme par exemple leur connaissance préalable de la matière, leur style d’apprentissage préféré… Ce qui frappe dans ces manuels, c’est l’absence de l’apprenant, le fait que celui-ci soit sans voix. Le manuel vise surtout à remplacer la voix absente du formateur.
Au cours du XXe siècle, le manuel imprimé va évoluer. Il ne s’agira plus de « faire parler le formateur » mais plutôt, il s’agira pour le formateur d’instaurer un dialogue avec l’apprenant[16]. Ainsi, les styles d’écriture des manuels deviennent tels que l’apprenant a l’impression, en les lisant, que son formateur est à ses côtés, en train de lui chuchoter des questions ou encore de lui demander de réaliser une quelconque activité.
Il est à noter que le manuel est généralement produit par une équipe de spécialistes qui comprend un spécialiste en ingénierie pédagogique, un expert en contenu, un graphiste, un éditeur et un gestionnaire de projet[17].
La production des supports imprimés relève véritablement d’une division du travail de type tayloriste avec des contrôles managériaux rigides et des méthodes de responsabilisation de chacun des acteurs de la chaîne de production[18].
2.2 Génération du multimédia
La deuxième génération de l’enseignement à distance que l’on appelle également la génération du multimédia est caractérisée par l’utilisation des médias de diffusion de masse telles que la radio ou la télévision[19]. Bien qu’il y ait eu dès les années 1920 une utilisation de la radio à des fins d’enseignement et d’apprentissage, il faudra attendre la fin des années 60 et l’avènement de la télédistribution par câble pour voir se développer ce type d’enseignement.
Comme pour la génération précédente, dans la génération du multimédia, l’apprenant travaille de manière indépendante, il n’est pas membre d’un groupe. Cependant, cette indépendance dans l’apprentissage ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas de dialogue entre l’apprenant et le formateur. Ce dernier s’instaure au cours de la deuxième moitié du XXe siècle au travers de l’utilisation du téléphone.
Notons que la génération du multimédia est marquée par une augmentation dans les coûts de production des supports pédagogiques. On passe en effet de supports imprimés de la première génération à des supports multimédias qui nécessitent la mobilisation d’une importante équipe de production[20].
2.3 Génération de la télématique
La génération de la télématique qui apparaît dans les années 1980 fait usage de technologies telles que l’audioconférence ou la vidéoconférence.
Contrairement aux deux générations précédentes qui étaient caractérisées par des interactions uniquement entre les formateurs et les apprenants, la génération de la télématique autorise pour la première fois une interaction entre apprenants[21].
L’apprenant est désormais membre d’un groupe constitué par ses pairs avec lesquels il peut désormais communiquer de manière synchrone ou asynchrone. Cette capacité nouvelle à pouvoir communiquer entre pairs a un impact en termes d’autonomisation de l’apprenant. En effet, elle lui ouvre la possibilité de créer de nouvelles connaissances de l’interaction qu’il entretient avec les autres membres du groupe. Désormais l’apprenant peut s’engager dans des discussions ou projets collaboratifs avec d’autres apprenants. De ces échanges, naissent de nouvelles connaissances.
2.4 Génération de l’apprentissage flexible
La génération de l’apprentissage flexible représente la génération de l’e-learning dans laquelle nous sommes actuellement plongés. Cette génération se caractérise par l’usage massif d’internet comme moyen de communication entre apprenants ainsi qu’entre les apprenants et le formateur. En outre, elle est marquée par l’utilisation du multimédia interactif ainsi que l’accès quasi illimité à des ressources pédagogiques au travers du web.
La flexibilité dont il est question dans cette génération porte sur les dimensions de temps, d’espace et de rythme d’apprentissage. En effet, de nos jours, l’e-learning est communément présenté comme étant un dispositif de formation qui autorise de se former quand on veut (flexibilité temporelle), d’où on veut, pour autant que l’on ait un ordinateur connecté à internet (flexibilité de lieu) et à son propre rythme.
Vu sous le prisme de l’autonomisation de l’apprenant vis-à-vis du formateur, la génération de l’apprentissage flexible ou de l’e-learning augmente considérablement les possibilités d’interaction apprenants-apprenants et formateur-apprenants. Ce faisant, le savoir n’est plus la chasse gardée du formateur, il se construit au travers d’un réseau constitué par les apprenants et le formateur. Par ailleurs, la facilité d’accès à des ressources pédagogiques via le web fait en sorte que le formateur n’est plus l’unique dépositaire du savoir. Désormais, ce savoir est distribué entre le formateur et l’apprenant.
L’analyse des quatre générations des technologies de l’enseignement à distance qui culminent avec la génération de l’apprentissage flexible ou l’e-learning a tenté de mettre en évidence l’intention émancipatrice qui est cœur de ces dispositifs d’apprentissage. Cependant, l’intention est une chose, la réalité de terrain en est une autre. Qu’en est-il de la réalité des dispositifs e-learning ? Que nous apprennent celles et ceux qui participent à ces formations ? Ont-ils/elles le sentiment d’être plus autonomes à l’issue de ces formations ? Il s’agit des questions que nous souhaitons aborder dans la troisième partie de cet article.
3. L’autonomisation de l’apprenant dans l’e-learning: de l’intention à la distorsion
Entre 2003 et 2007, une recherche a été menée dans trois pays européens (Allemagne, France et Italie) portant sur la « Variation de l’environnement et la réussite de l’apprentissage »[22]. Dans le cadre de cette recherche, une étude exploratoire, auprès d’une population de 45 adultes ayant suivi une Formation Ouverte et à Distance ( FOAD)[23] qui mêle des phases en présence et à distance, a été menée dans le but d’appréhender leurs attitudes vis-à-vis du contrôle de l’apprentissage par un intervenant pédagogique (tuteur ou formateur)[24].
Le résultat de cette étude révèle que l’autonomisation de l’apprenant vis-à-vis d’un intervenant pédagogique est inégalement développée en FOAD.
En effet, 18 % des adultes interrogés déclarent ne pas avoir besoin du contrôle de l’apprentissage par un intervenant pédagogique. Ces répondants que l’on qualifierait « d’autodidactes performants » sont capables d’organiser leurs apprentissages suivant leurs dispositions, leurs préférences et leurs contraintes sans avoir recours à un intervenant pédagogique. D’ailleurs, ces répondants affirment non seulement ne pas avoir besoin de l’intervenant pédagogique mais également d’y attacher peu d’importance[25].
Par contre, 60 % des répondants estiment que la présence d’un intervenant est nécessaire que ce soit durant les phases présentielles ou durant les phases distancielles[26]. Pour cette majorité d’adultes, la capacité d’autonomie avant l’entrée en FOAD est acquise mais elle n’est pas suffisamment développée. Dès lors, le travail de l’intervenant pédagogique est primordial. Il devra développer la capacité d’autonomie de l’adulte du point de vue méthodologique, cognitif et psychoaffectif[27].
Concernant la dimension méthodologique, le formateur proposera des techniques de planification des activités d’apprentissage ou mettra en place des activités pédagogiques qui permettront à l’apprenant de mieux connaître ses rythmes d’apprentissage, ses modes de réactivités. D’un point de vue cognitif, l’intervention pédagogique consistera à demander aux apprenants de répondre à des questionnaires d’autodiagnostic. Enfin, d’un point de vue psychoaffectif, l’apprenant travaillera la gestion de ses émotions face à l’exposition de soi au regard d’autrui[28].
Enfin, pour 22 % des adultes en formation, la présence d’un intervenant pédagogique est indispensable tant durant les phases présentielles que durant les phases distancielles. Pour ces répondants, il s’agira de travailler en priorité la dimension psychoaffective de l’autonomie avant d’aborder ses dimensions méthodologiques, cognitives ou méta-cognitives. Ainsi l’intervenant pédagogique veillera-t-il à (re)construire une image positive de l’apprenant dans son apprentissage et un renforcement de son sentiment de réussite.[29]
Les résultats de cette étude montrent que l’e-learning n’est pas en mesure d’autonomiser l’apprenant au point tel que celui-ci n’ait plus besoin du contrôle d’un intervenant pédagogique durant sa formation. En effet, la majorité des apprenants (82 %) doit recourir à un formateur ou à un tuteur pour développer leur capacité d’autonomie.
Conclusion
Au cours de cet article, nous avons tenté de montrer que les technologies de l’enseignement à distance et en particulier l’e-learning favorisent l’autonomie de l’apprenant vis-à-vis de l’intervenant pédagogique (tuteur ou formateur). En d‘autres termes, l’e-learning permet une prise de contrôle de l’apprenant sur sa propre formation. C’est ce que nous avons appelé « l’intention émancipatrice » de l’e-learning.
Selon nous, cette intention émancipatrice constitue un potentiel qui n’est pas suffisamment reconnu et exploité. En effet, l’e-learning n’est pas seulement un dispositif de formation censé améliorer la qualité de l’apprentissage, développer des compétences voire libérer des contraintes de temps et d’espace.
Pour l’apprenant – et nous pensons plus particulièrement aux demandeurs d’emploi qui recourent à l’offre de formation à distance du Forem et du Réseau des Centres de compétences[30], l’e-learning doit être aussi le moyen de gagner en autonomie tant d’un point de vue méthodologique que cognitif ou psychoaffectif.
Cependant, cet article a également mis en évidence que cette capacité d’autonomie est inégalement répartie chez les adultes qui suivent les dispositifs e-learning. Face à ce constat, ces dispositifs doivent être en mesure d’évaluer la capacité d’autonomie des personnes qui entrent en formation et le cas échéant la renforcer à l’aide du tuteur ou du formateur.
La tâche n’est pas aisée. Elle est cependant le prix à payer pour faire de l’e-learning un dispositif de formation véritablement émancipateur.
Bibliographie
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A propos de cet article
Cet article s’interroge sur la portée émancipatrice de l’e-learning en formation d’adultes. La question est de savoir si l’e-learning en tant que technologie de l’enseignement à distance de la dernière génération est susceptible d’émanciper l’adulte en formation en développant sa capacité d’autonomie vis-à-vis de l’intervenant pédagogique (tuteur ou formateur).
Après avoir passé en revue les diverses générations de technologies de l’enseignement à distance, l’article s’attache à mettre en évidence une distorsion entre, d’une part, l’intention émancipatrice qui se trouve au cœur de ces technologies et d’autre part, la réalité des dispositifs e-learning qui révèle que la capacité d’autonomie est inégalement distribuée chez les adultes qui suivent ces dispositifs de formation.
A propos de l’auteur
Franklin KIMBIMBI est responsable du Service Innovation et Développement au Forem. – franklin.kimbimbi@forem.be
Notes
[1] Statistical Indicators Benchmarking the Information Society, SIBIS. Workpackage 2: Topic research and indicator development. 2001, Topic Reportn°4: Education. Task 2. 1. (Update) + 2. 2. Date de consultation 03/09/2013 http://www.sibis-eu.org/files/D2-2/SIBIS_WP2_eduction.pdf
[2] Atkinson, Robert D., Court, Randolph H. et Ward, Joseph M. The State New Economy Index. Benchmarking Economic Transformation in the States. Washington D.C.: Progressive Policy Institute. Technology and New Economy Project, July 1999.
[3] Alberto B. et Kaiser A. « La formation à distance sélectionne un public d’autodidactes : résultats réflexifs à partir d’une enquête à visée exploratoire ». Savoirs, 2009/3, n°21, pp. 21-95.
[6] Cité par AGENCE WALLONNE DES TELECOMMUNICATIONS. E-learning, Formation, Enseignement. Qu’est-ce que l’e-learning ?
Date de consultation 3/09/2013 – http://www.awt.be/web/edu/index.aspx?page=edu,fr,gui,080,010
[7] Cité par LEARN-ON-LINE, le portail de la formation à distance en Belgique.
Date de consultation 03/09/2013 – http://www.learn-on-line.be/glossary/4/lettere
[8] ALL ABOUT E-LEARNING.LU, une initiative du Centre de Recherche Public Henri Tudor. Qu’est-ce que le e-learning?
Date de consultation 03/09/2013 – http://www.allaboutelearning.lu/cms/elearning/content.nsf/id/QuestCeQueLeE-learning
[9] Tilman F., Grootaers D., « Comment définir la pédagogie émancipatrice ? Quels sont les critères d’une formation à visée d’émancipation ?, Définitions », in Devlesaver S., Femme, Formation et insertion ? Quels défis pour quelle émancipation ?, Le Grain asbl, 2009, pp1-63 – http://www.legrainasbl.org/images/PDF/2009_femmes_formation_insertion_quels_defis_pour_quelle_emancipation.pdf
[13] GARRISSON . D. R. et ANDERSON, Terry. E-learning in the 21st century. A framework for research and practice. London & New York: Routledge Falmer, 2003.
[15] ROWTREE, Derek. A new way with words in distance education. 1999.
http://www.etc.edu.cn/articledigest4/foreignarticles/a_new_way_with_words_in_distance_education.htm
[17] GARRISSON D. R. et ANDERSON, Terry. E-learning in the 21st century. A framework for research and practice. London & New York: Routledge Falmer, 2003.
[22] Cité par Alberto Brigitte et KAISER A. « La formation à distance sélectionne un public d’autodidactes: résultats réflexifs à partir d’une enquête à visée exploratoire ».
Savoirs, 2009/3, n°21, pp. 21-95.
[23] La Formation Ouverte et à Distance (FOAD) est un terme utilisé en France pour désigner l’e-learning.
[24] Alberto B. et KAISER A., op. cit.
[30] Le Forem en association avec le Réseau des Centres de compétence proposent un catalogue de formation à distance dans le cadre du Plan d’Accompagnement des Chômeurs.