Gestion de la violence dans les écoles: texte issu d’un atelier …

Texte issu d'un atelier - synthèse des débats

Suite à un atelier concernant la violence dans les lieux de formation, avec les participants, nous en avons tiré une synthèse. Les participants formaient un panel équilibré de travailleurs sociaux du secteur de l’aide à la jeunesse et de la justice et des représentants du monde de la formation.

Par les questions soulevées et les récits tirés du quotidien, ces témoins privilégiés, acteurs de première ligne se sont forgés une opinion personnelle sur la gestion de la violence au sein des lieux de formation et ont tenté de s’approprier une définition personnelle de la violence.

Ce sont ces réflexions que nous vous soumettons en espérant des réactions en retour via notre forum.

Situons la problématique !

Dans un premier temps, nous tenterons approche de la définition de la violence afin d’en tirer une typologie. Dans un second temps, nous aborderons la gestion de la violence dans ses aspects pratiques.

L’école n’est plus ce havre de paix et de sérénité tel que le voulait Jules Ferry en créant son école républicaine où chaque élève, en endossant son tablier, oubliait au vestiaire les difficultés de la vie quotidienne et les différences sociales. Chacun était l’égal de l’autre et la violence restait reléguée au vestiaire de l’uniformité. Mais ces temps sont révolus. Les lieux de formation,aujourd’hui ne sont plus des endroits clos mais des espaces ouverts où s’exprime pleinement la vie, et dans son sillage des facettes moins louables telles que la violence ou l’agressivité.

Des essais de définition

Il est très difficile de définir stricto sensu la violence tant elle est multiforme et susceptible d’être perçue différemment selon les antagonistes. De nombreux chercheurs se sont penché sur cette réalité quotidienne avec plus de précision scientifique et académique que les participants à cet atelier.

De plus, le niveau de perception de la violence dans les écoles, en dehors des faits matériels objectifs constatés, est évaluée différemment par chacun en fonction de son histoire personnelle, professionnelle, la précarité De sa situation, le niveau de stress, etc.

Les violences se déclinent sous de nombreuses formes, jusqu’aux plus inattendues, que ce soit la violence verbale, psychique et physique. Les rivalités interpersonnelle, les chahuts, les grèves en sont les formes les plus courantes. A un stade plus sévère, le racket, l’extorsion, les cris, les gros mots sont devenus des expressions quotidiennes d’agression dans nos écoles. Ces différentes manifestations se retrouvent hélas, à des degrés divers en d’autres lieux : bureaux des juges de la jeunesse, la rue, les transports en commun, halls des gares centrales, partout où la jeunesse (de 3 à 77 ans ?) se trouve confrontée à des règles, à des modèles régulés forts, à des limites de plus en plus difficiles à accepter mais qui sont néanmoins nécessaires pour permettre à cette jeunesse de grandir.

Le choix des études, un choix trop souvent négatif

Il semble, pour poursuivre plus avant cet essai de typologie de la violence, que l’intensité des agressions soit influencée par le projet de vie ou d’étude et de formation du jeune.

Peu de jeunes ont l’occasion de poser un choix positif et réfléchi de leur école. Trop souvent le choix de la filière scolaire (professionnelle, technique, générale) s’opère par la négative, sous forme de renoncement. L’élève fera du technique car le conseil de classe le déclare inapte à suivre l’enseignement général. Parce qu’il « dérape » dans les cours généraux, ce sera l’enseignement professionnel qui retiendra les faveurs du jeune obligé de poursuivre ses études jusqu’à 18 ans afin de satisfaire à la loi sur l’obligation scolaire. Ce choix négatif de la filière peut se conjuguer avec un choix de proximité avec l’école : la fréquentation d’un établissement sera fonction de sa proximité avec l’habitation de l’élève (dans les écoles professionnelles de la périphérie de Charleroi, la moyenne des élèves font moins de 4 km de trajet pour rejoindre l’école). Autres facteurs d’influence : la fréquentation de l’école par la fratrie ou les copains souvent d’ailleurs, eux aussi, en difficulté.

Ces choix « négatifs », fruits du hasard de la vie se conjuguent avec l’absence d’image forte valorisant les métiers : malheureusement aujourd’hui l’image charismatique du métier pratiqué par le père ou la mère a disparu. Il s’agissait pourtant de références positives permettant d’orienter un choix scolaire autrement que le hasard de la vie. De plus, les difficultés économiques, les lacunes culturelles imposent à nombre de familles en difficulté (financière, sociale, culturelle) d’inscrire leurs enfants dans les écoles les plus proches. Ce faisant, l’élève devient est ainsi un jeune arrivé contre son gré, sans projet réel de formation, dans des écoles professionnelles et techniques (surtout celles qui sont en discrimination positive). Ainsi naissent des situations où la violence devient instinctivement pour certains étudiants la seule issue possible à une vie vécue comme insatisfaisante.

Autre origine de la violence dans une classe : l’ennui. Le désintérêt généré par une inadaptation du jeune au niveau ou à la classe dans laquelle il est tenu de passer la majorité de son temps. Et c’est ainsi que pour « passer le temps » et exprimer un ras-le-bol face une situation beaucoup de jeunes dérangent, chahutent, agressent voisins et professeur.

Et comment gérer cette violence ?

Contenir la violence nécessite l’intervention différenciée dans les champs de trois types d’acteurs : les élèves, les parents et les enseignants. Certains osent même envisager que l’intervention du législatif, aidé par le politique, serait souhaitable.

Pour ces derniers, l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans est une ineptie et abaisser l’âge de cette obligation à 16 ans ramènerait dans les classes des jeunes motivés pour leurs études par le choix d’un métier, d’une filière davantage mûrie et réfléchie.

D’autres encore prônent l’attribution aux tribunaux de la jeunesse de prérogatives qu’ils n’ont pas actuellement. Ils pourraient par exemple libérer le jeune et ses parents de l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans, par jugement et dans des cas ciblés et bien définis par le législateurs. Certains, plus radicaux encore, suggèrent de libérer le jeune de toutes ses obligations scolaires pour autant qu’un projet de vie et de formation alternatif compense sa scolarité.

Prévenir plus que guérir

Gérer la violence dans les écoles nécessite l’utilisation de techniques de la gestion des conflits où le maître mot est : éviter à tout prix !

L’écoute

Au quotidien, la gestion de la violence dans les classes passe par la compréhension (du jeune, de la famille, de la situation, …), la patience et la justice au travers de techniques de médiation individuelle et collective où il est impératif de privilégier l’écoute active. Cette écoute, idéalement « à froid » c’est-à-dire en dehors de moments de crise et de tensions, se focalise aussi bien sur les « acteurs directs » du conflit (élèves) que sur les parents et les enseignants.

Le plaisir

Enfin, rendre l’intérêt d’apprendre, la soif et le plaisir de la découverte, de l’étude sont aussi des pistes à ne pas négliger dans la lutte contre la violence.

Cependant, quelques règles simples permettent de réduire la violence au sein des écoles. Chaque école a ses « recettes » mais on peut globalement énoncer sans trop de risques de se tromper que les points suivants réduiront sensiblement la violence au sein de l’établissement.

L’inscription

Le désamorçage de la violence passera par une inscription réfléchie et discutée entre le jeune, ses parents et le préfet, le proviseur, le directeur ou le responsable de la discipline. L’inscription ne doit pas se résumer à un simple remplissage de fiche mais un vrai dialogue entre les différentes parties ainsi qu’un accueil personnalisé de chacun. Pour cela, les écoles doivent refuser les élèves « marchandises », ceux qui sont indispensables au nombre total d’heures professeurs (NTPP) attribué à l’école. Ce NTPP permet d’organiser le nombre de groupes en formation et fournit en plus les subsides de fonctionnement (constructions éventuelles, les aménagements des locaux).

La participation

Dès le premier jour de classe, l’accent sera mis sur cet accueil de chacun et de toutes les classes en présence des parents et du personnel. L’élève et ses parents seront accueillis, plus facilement acceptés par tous, et aidés par des activités et différents projets de dépassement de soi (classes vertes, participation à des œuvres caritatives si elles sont voulues et acceptées par tous – élèves, professeurs, parents, direction). Ce sont là aussi des éléments contribuant à une amélioration des relations au sein du groupe et donc une réduction des risques de violence. L’appartenance à un groupe, l’identification de chacun a un inédit possible, à un projet facilite la canalisation des énergies des participants par une identification à l’œuvre commune, à une image mobilisatrice forte.

La sensibilisation à la loi

Les services de police, les magistrats des tribunaux de la jeunesse apportent également leur aide à la gestion de la violence dans les écoles par des actions de sensibilisation et de rappel de la loi (notamment en ce qui concerne les assuétudes), l’admonestation d’élèves déviants (par exemple en rupture avec son obligation scolaire, ceux qui se livrent à des actes répréhensibles, …), la médiation et la négociation entre auteurs et victimes et, en dernier recours, par l’application de sanctions pénales en cas de jugement. Mais le pouvoir judiciaire ne peut intervenir que lorsque des plaintes ont été déposées et que les faits sont avérés et étayés par des preuves concrètes matérielles irréfutables.

D’autres pistes encore …

Faire appel au partenariat

Les services de médiation scolaire et les services de première ligne sont également des outils au service de la gestion de la violence. Trop souvent, les écoles font appel à ces services quand il est déjà trop tard pour le jeune, avec des conséquences déjà irréversibles.

La mise en place d’un dialogue régulier, d’une écoute réciproque entre école et ces services, une connaissance réciproque des personnes d’où naîtra ainsi, on ose l’espérer, une franche collaboration sont des éléments propres à réduire de façon significative la violence au sein de nos écoles. Cette violence qui n’est d’ailleurs souvent que le cri audible d’une douleur plus cuisante enfuie au plus profond des adolescents confiés à l’école.

La violence est la seule réponse à cette tension interne, elle est souvent le seul outil dont croit disposer le jeune pour nous faire entendre son mal-être. A nous, formateurs, animateurs, enseignants, acteurs de l’éducation permanente, de lui en procurer d’autres.

Laisser un commentaire à l'auteur.e

Recherche