Groupes efficaces I : les interventions au sein d’un petit groupe

Les réunions de groupe sont aussi incontournables que multiples. Pour y agir plus efficacement, il peut être utile de pouvoir repérer la nature des interventions qui s’y déroulent et juger de leur contribution ou non à l’efficacité du travail de groupe.

La dynamique des groupes a dégagé plusieurs grilles d’observation des interventions des membres d’un groupe, permettant une appréciation qualitative de la participation individuelle et des rôles joués par chaque intervenant au cours d’une réunion.

L’article présente trois typologies, portant sur trois dimensions du travail de groupe.

Une typologie des interventions au sein d’un groupe de travail selon leur objectif principal

Il s’agit moins ici de s’intéresser au contenu des réunions de travail qu’à la manière dont chacun est intervenu dans les réunions, et ainsi d’apprécier son “ implication ”. Ainsi se précise comment et pourquoi il est intervenu.

Les interventions dans le groupe

Voici une typologie des différentes sortes d’intervention dans le travail de groupe, selon le but principal qu’elles visent[1].

  • Interventions à propos de la production, du contenu du travail
    • Apporter une information, un point de vue, un commentaire, une précision, un raisonnement, une suggestion
    • Donner une évaluation sur l’avancement du travail, formuler un jugement (c’est juste, c’est faux, parce que …
    • Demander une information, un point de vue, …
    • Demander une évaluation sur l’avancement des travaux
  • Interventions à propos de l’organisationdu travail
    • Préciser l’objet de la réunion (le sujet du débat, l’objectif de la rencontre, le problème, la marge de manœuvre dont on dispose, …)
    • Rappeler en cours de route, l’objet de la réunion, si le groupe s’égare
    • Contribuer à l’élaboration d’une méthode de travail (la proposer soi-même, aider le groupe à la trouver, y être fidèle, …
    • Demander une impression, un souhait
    • Exprimer une impression, un souhait
  • Interventions à propos de la clarification des débats
    • Reformuler ou résumer l’intervention d’un participant (pour que chacun dans le groupe soit au clair avec elle)
    • Rappeler les étapes parcourues et l’itinéraire suivi dans de la discussion
    • Faire un bilan intermédiaire et final du débat
  • Intervention à propos de la stimulationdes participants
    • Approuver, exprimer ou montrer son accord
    • Inviter les autres à l’écouter
    • Montrer de la solidarité. Relever le statut d’autrui
    • Poser des questions relatives au thème de la réunion
    • Dynamiser le groupe s’il est trop passif
    • Calmer un participant (ou le groupe) qui s’échauffe, se montre désagréable ou agressif à l’égard de tel ou tel
    • Plaisanter, détendre l’atmosphère, montrer de la satisfaction
    • Aider le groupe à analyser son vécu affectif (pourquoi il est déprimé, agressif, etc., ou pourquoi il est enthousiaste, content, etc.)
    • Inviter un participant à s’exprimer

Les comportements relevés ci-dessus sont considérés par les chercheurs en dynamique des groupes comme des attitudes qui favorisent le travail de groupe efficace. Les comportements opposés constituent autant d’attitudes qui contrarient, freinent voire bloquent le travail de groupe efficace.

Un animateur de groupe efficace cherchera à adopter un maximum de ces attitudes positives. Cependant, dans un groupe bien rôdé, ces fonctions sont assumées en grande partie par les membres eux-mêmes, diminuant ainsi le rôle de l’animateur.

Usage possible de cette typologie

Le premier usage de cette grille est celui de l’évaluation, par un observateur extérieur, des comportements individuels des membres d’un groupe et de leur contribution à l’avancement des travaux, en fonction de la nature de leurs interventions, positives ou négatives.

Le second usage est la capacité de décoder, à chaud, au sein même de l’activité de groupe, les agissements des collègues et le rôle qu’ils jouent dans la dynamique du groupe, pour ajuster ses propres attitudes. Cette observation en situation est valable pour le participant lui-même qui s’interroge sur son propre mode de participation.

Enfin, sur un plan plus normatif des apprentissages, cette grille est une source d’inspiration pour chercher à acquérir des comportements favorables à l’avancement du travail en groupe.

L’analyse réalisée grâce à cette typologie suppose de pouvoir observer le déroulement de la réunion. Cependant, elle peut servir de guide dans une autre réunion qui aurait pour but de comprendre ce qui s’est passé dans une réunion antérieure.

Questions-clés pour démonter un processus de décision collective

Les questions suivantes permettent de faire un démontage des décisions prises par un groupe de travail. Ces questions cherchent à mettre en lumière la “ grammaire ” interne à une prise de décision collective.

  • Qui décide ?
    • Personne. La décision est adoptée par inertie, par fatigue, par démission, …
    • Une seule personne. Celle-ci peut être le chef, un expert, un membre du personnel particulier, un ancien, …
    • Quelques personnes pouvant être une minorité active, des délégués ou porte-parole, les plus concernés formellement, …
    • Le plus grand nombre. La majorité l’emporte et fait taire les minorités, …
    • Tous ou presque, ralliés à une formule dans laquelle tout le monde se retrouve.
  • Que décide-t-on ?
    • Dès règles ?
    • Des activités ?
    • Des attributions, des rôles, des fonctions, … ?
    • Des investissements, des travaux, des aménagements, … ?
    • Des mesures financières, … ?
  • Comment décide-t-on ?
    • Par consensus ?
    • Par vote (différentes formes de vote)
    • Par autoritarisme du président ?
    • Après analyse et négociation ?
    • Dans l’urgence ?
    • Formellement ?
    • Confusément ?
    • Sur base d’une formulation claire ?
    • Sur base d’une proposition floue ?
  • En fonction de quoi décide-t-on ?
    • Argumentation rationnelle ?
    • Raisons affectives
    • Séduction, pression, manipulation, souci de plaire, … ?

Usage Possible de cette typologie

Ces questions permettent de décortiquer une prise de décision et de s’interroger sur son caractère démocratique ou non (qui décide ?), sur son enjeu (que décide-t-on ?), sur le processus qui a permis la décision (comment décide-t-on ?) et enfin sur la nature de l’argumentation qui a été utilisée pour conclure (en fonction de quoi décide-t-on ?). Cette radiographie de la décision est souvent utile pour évaluer, dans la suite, la pertinence d’une décision par rapport à un problème, ainsi que le degré d’adhésion des personnes concernées. Il est clair que les réponses au questionnaire ci-dessus, mettent en évidence des mécanismes qui contribuent à prendre des décisions efficaces et d’autres qui vont entraîner des décisions inappropriées ou peu mobilisatrices. Cette grille aide donc à comprendre pourquoi la production d’un groupe apparaît tantôt pertinente, tantôt inadéquate.

Au cours même d’une réunion, la connaissance de cette grille permet de décoder, à chaud, au sein même de l’activité de groupe, le fonctionnement poursuivi. Si celui-ci apparaît favorable à une production rationnelle et démocratique, l’intervenant cherchera à le renforcer. Dans le cas inverse, il attirera éventuellement l’attention sur cette évolution négative et cherchera à ce que les décisions soient prises selon des mécanismes plus propices à une « bonne » décision.

Enfin, dans le cadre d’un apprentissage, cette typologie constitue un instrument d’évaluation de ses propres comportements et un programme de capacités d’action à acquérir, si l’on veut être un intervenant, et a fortiori un animateur, efficace de groupe.

L’analyse réalisée grâce à cette typologie suppose de pouvoir observer le déroulement de la réunion. Cependant, elle peut servir de guide dans une autre réunion qui aurait pour but de comprendre ce qui s’est passé dans une réunion antérieure.

Questions-clés pour évaluer l’efficacité du fonctionnement d’un groupe de travail

Cette grille peut être utilisée comme instrument de diagnostic d’une réunion de travail[2]. Elle se base également sur les interventions des membres du groupe mais elle considère celles-ci surtout du point de vue du fonctionnement global du groupe. Elle suppose de pouvoir observer le déroulement de la réunion ou de réfléchir, a posteriori, à ce qui s’est passé dans une réunion-clé. Les observations de cette seconde grille recoupent en partie celles de la première grille, tout en les complétant.

Questions-clés

Comportements concernant les décisions
  • Les décisions ont-elles été prises d’une manière réfléchie, basées sur les faits et le raisonnement ? Ou ont-elles été adoptées pour des raisons affectives ou suite à rapport de force ? Les conclusions ont-elles été le résultat d’un compromis, d’une négociation plutôt que d’un raisonnement logique et rationnel ?
  • Les décisions ont-elles été prises à l’unanimité, chacun ayant eu la possibilité de faire part de son point de vue et de le faire entendre ? Ou les décisions ont-elles été forcées par un participant ou une minorité dominante ? Ont-elles été le résultat d’un vote, d’un marchandage, d’une pression, … ?
Comportements concernant la discussion
  • Tous les membres sont-ils intervenus ? Ou certains membres n’ont-ils pas réellement participé et sont-ils restés en dehors de la discussion ?
  • Les membres étaient-ils préoccupés de trouver une solution qui convienne à tous ? Ou ont-ils rivalisé pour exercer le plus d’influence possible ou pour faire triompher un point de vue personnel ?
  • Les interventions ont-elles été utiles et fécondes, visant l’essentiel ? Ou y a-t-il eu beaucoup de discussions vaines et stériles, sur des points de détail ?
  • Le groupe a-t-il su tirer parti des compétences et des connaissances de chacun ? Ou seule l’expertise de certains était-t-elle utilisée ?
  • Les idées et les renseignements importants ont-ils émergé au bon moment ? Ou ont-ils surgi plus tard qu’ils n’auraient dû ?
  • Différentes possibilités ont-elles été examinées systématiquement ? Ou le groupe est-il resté enfermé dans une seule façon d’envisager la question ?
  • Les participants se sont-ils écoutés. Ou se sont-ils ignorés ?
Comportements concernant la procédure
  • Les participants se sont-ils mis rapidement d’accord sur une méthode de travail ? Ou la discussion a-t-elle été improvisée ?
  • La procédure-t-elle a été suivie et les changements d’orientation pris délibérément ? Ou la discussion s’est-elle égarée et a-t-elle régulièrement bifurqué, à l’insu des participants ?
  • Le sujet a-t-il été traité de manière systématique. Ou a-t-il été traité de manière désordonnée ?
  • Les acquis de la discussion et les alternatives en présence étaient-ils clairement identifiés au moment où une décision a été prise ? Ou non ?
  • Le temps a-t-il été utilisé de manière appropriée ? Ou a-t-il été mal réparti ?
Comportements concernant les divergences
  • Les points de désaccord ont-ils été débattus logiquement et rationnellement sans que l’un ou plusieurs membres se laissent dominer par des attitudes émotionnelles ? Ou certains ont-ils mêlé affectivité et argumentation rationnelle ?
  • Les divergences voire les conflits ont-ils été reconnus et assumés ? Ou la préservation de la paix et de la bonne entente a-t-elle semblé prioritaire ?
  • Les participants ont-ils accepté d’évoluer dans leurs opinions et leurs positions ? Ou sont-ils restés attachés à leur point de vue de départ ?
Comportements concernant le “ climat ”
  • L’atmosphère était-t-elle détendue. Ou était-elle tendue ?
  • Les membres ont-ils été spontanés ? Ou se sont-ils exagérément surveillés, retenus dans leur parole ?
  • Les participants étaient-ils ouverts et tolérants ou méfiants et soupçonneux ?
  • Les remarques hors propos et les plaisanteries ont-elles contribué à détendre l’atmosphère ? Ou ont-elles été intempestives et perturbantes ?

Références

[1] Cette typologie est rédigée en s’inspirant de Bales R.F., Interaction Process Analysis, Cambridge, Mass,1950 et de Maisonneuve J., La dynamique des groupes, Paris, PUF, 1968.

[2] Cette fiche est rédigée en s’inspirant de Remouchamps R., Mathot R., L’efficacité du travail en groupe, Bruxelles, Vie ouvrière, 1972, p.92-96.

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