Marre …
Marre du décalage entre le dire et le faire :
Marre de demander aux étudiants de rendre leurs élèves acteurs, autonomes, citoyens et de si peu ou si mal le pratiquer nous-mêmes avec eux ; marre de chercher des petites parcelles d’autonomie à laisser à ces mêmes étudiants ; marre de prolonger à l’infini le système scolaire dans lequel baignent depuis le plus jeune âge ces étudiants futurs professeurs, tout en leur demandant de lutter pour faire changer ce système ; marre du « ne faites pas comme moi » …
Marre des tranches de saucisson :
Marre de l’horaire découpé en tranches qui prévaut dans le supérieur comme dans le secondaire (alors que le maternel et le primaire l’ont pour la plupart abandonné), et qui amène à tout devoir penser en tranches de cours, clefs sur porte, « prêt-à-porter » ; marre de se dire qu’entre collègues qui se suivent d’heure en heure dans une classe, on perd un fameux temps à se répéter mutuellement, sans même que les étudiants ne se rendent compte que nous parlons de la même chose…
Marre des miniatures :
Marre de ne pouvoir penser qu’en termes « mini » les initiatives un peu plus audacieuses, parce que ça prend trop de temps ; marre de devoir écourter les quelques activités plus engageantes, plus impliquantes…
Bref, marre de se couler jour après jour dans un moule qui nous ressemble trop peu.
Désirs …
Désir de vivre en classe les valeurs qui nous tiennent à cœur. Désir de favoriser réellement l’auto-socio-construction des savoirs. Désir de se donner un vrai projet commun, de construire ensemble, de passer des regrets à l’action collective. Désir de partager le pouvoir avec nos étudiants, qui seront d’ailleurs nos collègues dans quelques temps. Désir d’allumer des feux, de faire grandir, de faire confiance.
Bref, désir de se redonner ensemble du pouvoir et de l’autonomie dans le travail pour permettre à ces grands élèves de reprendre du pouvoir et de l’autonomie sur leur vie scolaire.
Forts de ces ras-le-bol et désirs communs, forts aussi de nos références théoriques communes en socio-pédagogie, nous avons cogité, débattu et concrétisé un projet de formation de plus en plus précis, accepté puis soutenu par la Direction de notre école. Puis ce projet s’est concrétisé en un nouveau système de formation, mis en oeuvre la première fois en 2004-2005 : la classe coopérative verticale Sciences Humaines.
Cette expérience riche et unique est l’objet d’ajustements réguliers et bénéficie de l’expertise d’un Comité d’Accompagnement.
Un système de formation …
La classe coopérative verticale Sciences Humaines veut faire de la formation des étudiants un ensemble
- intégré et cohérent : les cours ne sont plus juxtaposés mais l’ensemble est articulé dans un système global,
- fonctionnel : les activités sont orientées vers un but socialement utile,
- dont les références théoriques sont celles des méthodes actives – en particulier la pédagogie Freinet et la Pédagogie institutionnelle – et sont explicitées avec les étudiants en cours de formation. Cela signifie notamment que, pour tous les cours prévus dans la grille officielle (sauf les quelques cours qui doivent être suivis avec les étudiants des autres sections), toutes les heures de cours des étudiants des 1e, 2e et 3e régendat sciences sont regroupées en un seul espace-temps.
La grille-horaire classique est remplacée par une grille du temps spécifique, qui est :
- à la fois rigide et stable : des lieux et des temps imposés comprenant des temps de travail et d’apprentissage, des temps d’expression et de communication et des temps d’organisation et de décisions collectives ainsi qu’une programmation des différents projets sur l’année.
- à la fois souple et dynamique : des temps de travail individuel, des ateliers de groupes, des projets collectifs, etc., temps gérés et organisés collectivement par quinzaine.
Cet espace-temps est géré collectivement entre étudiants et enseignants à travers les institutions de la classe coopérative (les différents Conseils et la réunion de programmation), et sur base du Programme de formation dont les professeurs sont garants et responsables. Ce Programme de formation décrit l’ensemble du système et les objectifs à atteindre et présente chacun des cours en distinguant ce qui est négociable de ce qui ne l’est pas. Le système de formation est basé sur un renforcement de l’autonomie et de la coopération : plus d’autonomie avec plus de travaux individuels et plus de coopération avec plus de projets coopératifs. Les cours au sens traditionnel du terme se limitent alors aux activités de structuration indispensables.
Les enseignants veillent à ce que l’ensemble des activités couvrent, de manière intégrée et fonctionnelle plutôt que juxtaposée et formelle, l’ensemble des objectifs de formation des différents cours de la grille officielle obligatoire. En ce qui concerne le système d’évaluation, notre volonté est de distinguer le plus clairement possible l’évaluation formative et l’évaluation sommative. Elles sont trop souvent confondues alors que leurs fonctions sont très différentes, voire contradictoires.
Dans notre système de formation, l’évaluation formative est très présente : d’abord de manière informelle et fonctionnelle dans les différents projets et activités socialisées, mais aussi de manière systématique et organisée, en particulier à travers les temps de Suivi et le Feedback. La volonté de rendre à l’évaluation formative sa véritable fonction : aider chacun à progresser. Jusqu’à la fin du mois de mai, chacun est là pour apprendre, chacun a le droit de se tromper et de recommencer autant de fois qu’il est nécessaire et chacun a droit à l’aide des professeurs.
L’évaluation sommative, quant à elle, est absente durant toute la période de cours tandis que le mois de juin lui est consacré. En juin, les professeurs changent de rôle : ils n’aident plus à se former mais ils contrôlent. Cette évaluation certificative se fera généralement par le biais d’examens, dont l’objet et les modalités sont explicitées plus loin, pour chaque cours.