Le conseil de classe en formation: le travail en groupe à l’ISCO

entretien avec Christian Piret et Anne Scheune

L’Institut Supérieur de Culture Ouvrière développe depuis sa création une politique volontariste d’émancipation de la classe ouvrière par le biais de la mise en place d’une formation de niveau graduat universitaire. Dans différents lieux de la Communauté Française, l’ISCO propose pour des groupes d’adultes des formations solides à horaire décalé intégrant l’expérience des participants dans des cours de niveau scientifique, selon des méthodes participatives. Un des piliers de la formation est la participation de chacun des acteurs au sein du conseil de participation. En effet, aucun diplôme n’est exigé au départ : la méthode de travail privilégie l’expérience de vie des participants. Il est demandé aux candidats d’avoir la volonté de s’engager dans une formation collective, d’accepter de s’y remettre en question, de travailler solidairement avec d’autres pour acquérir des outils qui permettront de contribuer à la construction d’une société plus démocratique.

Pour approcher de plus près cette réalité et cette particularité de l’ISCO, nous avons rencontré deux personnes qui connaissent très bien la pédagogie participative et l’ISCO d’aujourd’hui : l’actuelle directrice CIEP – ISCO communautaire Anne SCHEUNE ainsi que le jeune retraité, l’ancien directeur-coordinateur communautaire Christian PIRET.

Au travers de conversations non directives, nous avons fait le « tour » de la problématique et nous vous en proposons une synthèse édifiante quant à l’efficacité de la méthode du conseil dans l’apprentissage.

L’ISCO

Bien que l’ISCO existe depuis de nombreuses années, ses finalités profondes n’ont guère changé. Ce sont les contextes socio-économico-politiques qui ont évolué, amenant l’ISCO à affiner ses façons de travailler. La philosophie première est donc toujours d’offrir à des personnes engagées socialement, politiquement et syndicalement la possibilité de se former à des outils efficaces, adaptés à leur préoccupations d’engagement. Dans le cadre de l’ISCO, différentes réalités se croisent : la vie professionnelle, la vie familiale et l’engagement.

L’ISCO s’appuie sur plusieurs piliers : la méthode, l’économie, la sociologie et la philosophie, l’histoire et l’initiation politique (Voir http://www.ciep.be/) et fonctionne selon une méthodologie qui nous interpelle : le travail en groupe dans les conseils d’élèves.

Le public de l’ISCO se constitue essentiellement de militants, souvent bénévoles, avec un engagement social ou associatif fort et qui suivent une formation d’acteur de changement.

Au vu du nombre d’étudiants débutant la formation et ceux la terminant, on peut affirmer que le travail en groupe conduit clairement les étudiants au terme de la formation. Sans l’apport matériel, psychologique, intellectuel de ces groupes, nombre d’étudiants abandonneraient la formation, rattrapés par les préoccupations familiales, professionnelles, et autres,… Le travail en groupe s’avère donc d’une importance cruciale.

Le conseil d’élèves à l’ISCO

Les étudiants participent donc à la gestion de la formation par le biais de conseils de classe élargis. Plusieurs fois l’an (4 ou 5 notamment en début d’année et fin d’année) des moments de travail s’organisent sous forme de conseil d’élèves. L’ensemble des acteurs d’une année de formation se réunit pour discuter du déroulement de la formation. Par « ensemble des acteurs », il faut comprendre à la fois :

  • tous les étudiants de l’année en question, de la classe, du groupe ;
  • tous les formateurs opérant avec le groupe ;
  • le responsable régional de la formation du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC),qui suit les étudiants de l’année considérée ;
  • ainsi qu’un responsable national qui supervise la formation au sein du mouvement et qui suit également le groupe en question.

Ce sont généralement les étudiants qui préparent l’ordre du jour, auquel les formateurs ajoutent les points les concernant. On y retrouve généralement les éléments suivants : évaluation des cours, du fonctionnement des sous-groupes, exigences pour les évaluations de fin d’année. Les réajustements et améliorations à apporter dans un cours, dans les relations entre les différents groupes du conseil de classe sont les autres points abordés en cours d’année. Enfin, des informations sociales et syndicales ainsi que sur la vie (régionale et locale) du mouvement complètent l’ordre du jour en un point « divers ».

La discussion au sein du conseil s’organise autour des projets pédagogiques mis en place par les formateurs. Il s’agit donc de la gestion de la formation dans ses aspects pratiques. Avant le conseil élargi de classe, les formateurs se réunissent entre eux et rencontrent les responsables régional et national afin de présenter les contrats pédagogiques et établir des liens entre leurs différents cours. L’idée fondamentale selon laquelle les formateurs ne sont pas seulement des individus isolés donnant un cours, mais bien des acteurs conscients d’appartenir à une équipe, avec un projet commun avec les étudiants, charpente cette première rencontre. Le conseil devient alors un fil conducteur pour les professionnels de la formation.

Cette préparation du conseil est donc porteuse d’une dynamique et d’une réflexion commune autour de préoccupations touchant à :

  • la conception des cours (complémentarité, portée)
  • l’organisation concrète de ceux-ci
  • certains messages à faire passer ensemble (par exemple les remarques sur les absences, souvent significatives de problèmes plus profonds ou l’étalement des travaux).

Cette dynamique et cette réflexion interne au groupe d’enseignants ne s’imposeraient pas avec autant d’acuité s’il sans ces conseils de classe. L’intégration des cours est aussi une finalité importante du conseil élargi de classe. Durant ces moments institutionnalisés, les étudiants peuvent, collectivement, dans un cadre défini pour le faire, poser des questions et demander des explications.

Les étudiants interviennent dans ces conseils au sujet d’insatisfactions, de difficultés surgies lors de certains cours (professeur trop rapide, manque d’exemples, etc.), trouvant dans l’ensemble des acteurs institutionnels une oreille attentive à leurs difficultés. D’ailleurs des réponses sont souvent déjà ébauchées au cours du conseil lui-même.

Les conseils sont donc des moments privilégiés de participation et de rencontre au sein de chaque groupe. C’est ainsi l’occasion de se centrer sur des objectifs communs et progresser plus rapidement ou plus efficacement vers la concrétisation des objectifs.

Les conseils élargis sont des moments formels de formation, avec à la fois une fonction d’information, mais aussi d’analyse et même parfois de décision. Au début de bon nombre de cours, surgissent régulièrement des interventions, des interpellations des étudiants vis-à-vis de leur formateur, tant sur la forme du cours (façon de travailler, mode et moments d’évaluations, quantité de documents et de travaux à fournir) que sur le fond (par exemple les étudiants voudraient voir tel sujet abordé).

Avec des groupes formés d’étudiants adultes engagés dans la vie professionnelle, voire même des groupes uniquement constitués de délégués syndicaux, la gestion des relations s’avère parfois mouvementée mais toujours porteuse de résultats concrets. Si une certaine demande plus particulière surgit, le conseil la travaille en groupe. En cas de difficulté et de non-réponse, le groupe la confiera soit au responsable régional qui suit la formation, soit au responsable communautaire pour qu’ils lui trouvent une réponse satisfaisante pour les différentes composantes. En effet, la responsable régionale qui coordonne la formation voit régulièrement les étudiants,avec une proximité géographique et une disponibilité intellectuelle qui facilitent les contacts. La coordinatrice nationale, ancienne coordinatrice régionale ne se sent pas exclue lors de ces conseils de classe élargis. Bien qu’elle ne fréquente pas de manière assidue ni les formateurs, ni les étudiants d’une antenne locale, son vécu antérieur l’aide à comprendre les problèmes.

La proximité entre tous est donc bien réelle : point de division entre groupe des formateurs et groupe des étudiants. Le fait que les formateurs se soient vus avant le conseil élargi de classe ne suppose nullement pour les étudiants que ces formateurs forment un groupe qui pourrait entrer en opposition voire en compétition avec leur propre groupe.

C’est de la rencontre de ces acteurs que doivent sortir solutions, réajustements nécessaires, au(x) problème(s) rencontré(s), comme par exemple la complémentarité des cours, les modalités d’évaluation, de travail en sous-groupe, etc.

De la sorte, la dynamique propre à l’ISCO peut se mettre en place par la rencontre des personnes qui deviennent ainsi acteurs institutionnels privilégiés du déroulement de leur formation. Accepter le conseil d’élèves, c’est accepter l’institutionnalisation des rapports entre ces acteurs : élèves, formateurs, conseillers régionaux et communautaires ; à la fois les confrontations de points de vue entre formateurs et étudiants.

Les sous-groupes de travail

Le sous-groupe constitue un autre outil institutionnel de formation intéressant.

En effet, le groupe des étudiants se structure en sous-groupes de travail. Se créent ainsi d’autres affinités plus particulières nées de préoccupations communes aux membres du sous-groupe. Ces petits groupes se réunissent pendant deux heures un jour par semaine, autre que les jours de cours. L’objectif est de revoir les cours suivis, préparer les cours suivants et autres travaux , remettre à niveau un élève absent.

Cette méthode permet une meilleure progression individuelle, une meilleure approche de la matière ainsi qu’une appropriation plus efficace des cours. Si la progression individuelle des étudiants n’est peu favorisée par les temps communs en conseils d’élèves, les moments hebdomadaires de travail en sous-groupe ont en revanche une influence positive.

La grande diversité d’origine, de qualification et des expériences de vie s’aplanit grâce aux travaux en sous-groupe. C’est lors de ces moments de travail en commun que la libre expression et le travail « en miroir » favorisent la progression des uns et des autres. C’est au cours de ces moments de travail en sous-groupe que le formateur interviendra pour répondre à une question ou éclaircir tel ou tel point de la matière. De cette manière, les formateurs perçoivent plus facilement les difficultés collectives ou/et individuelles et peuvent y répondre adéquatement. Le fonctionnement en sous-groupes est toujours un point mis à l’ordre du jour de ces conseils d’étudiants.

Dérive des préoccupations, orthodoxie de l’idée

Ces conseils de classe sont nés dans la mouvance des années 60. A l’époque, chacun devait à tout prix être acteur de sa propre formation. Actuellement, les questions posées sont souvent de l’ordre du confort d’apprentissage, de l’étalement des périodes d’évaluation de la manière dont se déroulera l’évaluation plutôt que des questions d’harmonisation des cours et de leur complémentarité.

Il s’agit bien souvent de préoccupations de « potaches angoissés par la bonne réussite de leurs cours » plutôt que des remarques de gens coparticipants du projet de leur propre formation. Ils ne se rendent pas compte qu’ils pourraient éventuellement modifier ce projet et avoir prise sur les aspects institutionnels. Les autorités institutionnelles restent garantes de la cohérence mais attendent des étudiants, grâce aux conseils de classe, des suggestions de changement. Si des propositions apparaissent de manière généralisée, elles deviennent alors une véritable question qui se pose à l’institution et qu’il faut traiter au mieux.

L’ISCO accueille globalement deux types de public : celui qui suit la formation pour la qualification académique attribuée au terme des 4 ans (trois ans et une année préparatoire appelée année zéro) et les personnes, militants syndicaux et autres personnes engagées socialement qui se désintéressent du « diplôme » et qui suivent les cours pour progresser dans leurs démarches militantes.

Cette deuxième catégorie est plus souvent sujette aux interrogations, remarques institutionnelles, et autres critiques concernant les cours. Encore qu’ils donnent l’impression de ne pas croire à la possibilité de changement qu’offre réellement le conseil de cours, comme s’ils étaient assommés par le fatalisme ambiant, marqués par 30 ans de restructuration d’entreprises. Bien que « l’imagination au pouvoir ! », scandé par les étudiants lors des manifestations de mai 68 ne fait plus recette, il est important de garder cette structure formée par tous les acteurs de l’ISCO, où ils peuvent se rencontrer et où chacun a son mot à dire. Cette structure issue d’une réflexion approfondie et partagée par tous les étudiants et enseignants permet la construction d’une culture propre à tous ainsi que l’accord sur des concepts clés (par exemple le rapport à la loi, la construction collective des savoirs) et des convictions qui sous-tendent les actes d’apprentissage. Malgré, parfois, le découragement face à l’inefficacité toute relative de ces rencontres, elles doivent être régulièrement activées pour permettre à chacun de progresser dans sa propre recherche. Les supprimer au profit d’heures de cours serait une erreur. Les conseils apportent énormément et restent des moments institutionnels privilégiés où chacun peut réfléchir ensemble à la formation reçue et ce, même si l’on est parfois déçu des remarques émises par les autres acteurs.

L’ISCO existe depuis plus de 40 ans, ce n’est pas l’insatisfaction de l’un ou l’autre qui pourrait bouleverser le programme, le fonctionnement et le déroulement de la formation.

Si des éléments de la formation devaient évoluer, le coordinateur communautaire et le coordinateur régional restent les garants de l’historicité institutionnelle. Effectivement, ces acteurs institutionnels portent en eux des idées différentes mais veillent à maintenir la cohérence, la qualité et le contenu des cours (pertinence par rapport à la demande des étudiants) ainsi que la pédagogie privilégiée de ces formations, pédagogie née au début du 20ième siècle avec Monseigneur Cardijn qui s’appuie sur trois piliers de la Jeunesse Ouvrière Catholique (JOC) : Voir – Penser – Agir. Les coordinateurs restent vigilants à les maintenir dans la droite ligne du mouvement.

La volonté des promoteurs de maintenir un lieu et des temps institutionnels de conseil montre toute l’importance d’une telle rencontre enjoignant le jeune à être partie prenante de sa formation, à réfléchir sur son propre vécu et ses motivations. C’est une logique d’action porteuse d’approfondissements des savoirs et de pistes d’actions nouvelles mettant l’adulte en position d’acteur de son évolution et partenaire exigeant.

Le conseil est partie intégrante de la « culture ISCO ». Non seulement la participation à ces conseils est incluse obligatoirement dans le contrat passé entre l’étudiant et l’ISCO mais de plus en y assistant les formés participent concrètement à leur formation. En effet, ils assument à tour de rôle la présidence et l’animation de la réunion ainsi que le secrétariat de celle-ci (rédaction du rapport). Le conseil de classe est ainsi aussi un élément incontournable de la pédagogie mise en place par l’ISCO : apprendre aux étudiants à animer un groupe, présider une réunion, présenter un ordre du jour, le faire respecter, accorder la parole à chacun et organiser le respect des uns et des autres dans le feu des débats. Tout cela fait partie d’une compétence que l’on acquiert en présidant les conseils d’étudiants.

Il en est de même pour le rapporteur qui développera des compétences comme retirer l’essentiel d’une réunion, faire une note de synthèse argumentant une décision, exposer clairement les arguments développés lors de la réunion. Les coordinateurs veillent à lutter contre la routine qui risque de s’installer facilement : c’est celui qui anime bien la première fois qui continuera d’assurer la présidence des autres réunions et de même pour le secrétariat. A l’ISCO, chaque étudiant, à tour de rôle, sera président et secrétaire du groupe.

La pratique du conseil d’élèves devient ainsi réellement l’acceptation d’un lieu de droit d’information, de formation, de rencontre, de réflexion, de confrontation, de partage du pouvoir. Il est aussi un temps formel et institutionnalisé de remise en question éventuelle tant pour les étudiants que pour les formateurs.

La participation au conseil mais aussi l’obligation d’une séance de travail hebdomadaire en sous-groupe (essentiel dans la philosophie et la pédagogie de l’ISCO) sont nées de la concrétisation d’espérances en des valeurs démocratiques (travailler ensemble dans un lieu où chacun est l’égal de l’autre) et pédagogiques (formation de groupes hétérogènes où les uns « apprennent » aux autres ce qu’ils maîtrisent mieux).

Le respect et la soumission à la loi de l’ISCO avec la présence obligatoire aux conseils d’élèves et surtout aux sous-groupes sont des impositions institutionnelles non dérogeables et contraignantes de la formation – c’est dire l’importance que ces valeurs revêtent pour le MOC. Car dans la Démocratie, ce qui est incontournable, ce sont les valeurs fondamentales et non les mécanismes qui les entretiennent. Mais il est difficile de s’accorder sur ces valeurs pour en dresser une liste exhaustive ; citons cependant celles admises de façon consensuelle : liberté, respect de l’individu, égalité de tous les hommes, dignité des personnes, ainsi que toutes celles définies et reprises dans la charte des droits de l’Homme. Le conseil et l’obligation institutionnelle d’y assister, c’est reconnaître le formé comme sujet de droit, acteur de son apprentissage.

Dans cette pratique du conseil, des difficultés apparaissent quand des discussions soi-disant pédagogiques cachent des conflits personnels que les coordinateurs ne maîtrisent pas et qu’ils ne parviennent pas à déceler. Sous le couvert du pédagogique, des « comptes se règlent » ; il s’agit là d’une difficulté du système. Dès que ce phénomène est repéré, le mieux est d’envoyer les personnes qui ne s’entendent pas dans un coin pour qu’elles y règlent leurs conflits individuels sans les ramener au niveau collectif du groupe. La difficulté, pour les coordinateurs qui ne connaissent pas toujours bien le groupe, est de bien se situer dans la complexité de la réalité en décodant les différents niveaux et de ne pas les confondre[1]cf. les niveaux d’Ardoino dans l’excellent article de G. Pirotton, « Comprendre les réalités sociales : questions de niveaux. » ainsi que l’article de Magali Urbain sur « Les apports de … Continue reading.

Avec la pratique des conseils au fil des années de la formation, les participants, les étudiants, parviennent à très bien respecter les différents niveaux et leur cloisonnement, ils refusent l’intervention au conseil à un niveau personnel laissant cet aspect pour d’autres lieux.

Un autre risque pour le système serait de prendre une décision sans la réaliser. Cette attitude donnerait raison à ceux qui pensent que le conseil d’élèves ne sert à rien. Mais le suivi des décisions est un risque que court tout groupe inscrit dans un projet.

Pluralisme et autonomie

La formation et le conseil d’élèves comme principes pédagogiques permettent-ils de rendre les personnes plus autonomes, principe d’autonomie ou principe reproducteur de l’idéologie du MOC ?

Le MOC, depuis environ 1972, est pour le pluralisme politique et constitue une vaste planète idéologique qui regroupe les différents partis de la gauche plurielle (exception faite du libéralisme et de l’extrême droite). L’idéologie n’est en rien un carcan qui embrigade mais crée au contraire un dynamisme permettant à chacun de s’exprimer de manière autonome dans la mouvance progressiste de la gauche. Ce dynamisme est porté par l’ensemble des acteurs du conseil et il pousse les dissidents de la pensée dominante du mouvement à la réflexion et au changement personnel. Jamais personne n’a été exclu de la formation pour des convictions politiques et le conseil permet d’aider les formés dans leur recherche d’idéal social et politique. Une exception cependant: d’anciens militants de mouvements d’extrême droite ont été exclus de la formation car ils ne désiraient pas modifier leurs jugements.

Le rapport traditionnel asymétrique entre formateurs et formés est modifié par la pratique du conseil. Le conseil permet les explications et la compréhension réciproques, relations entre acteurs qui atténuent l’écart institutionnel de l’enseignement classique. Les décisions de réussite et échec, formidable emprise de l’un sur les autres sont renégociées, adaptées, revues grâce au travail en conseil. Le pouvoir tout puissant du professeur est nuancé par le travail d’écoute, d’analyse et de réajustement au sein du conseil d’élèves.

La philosophie MOC-ISCO n’est pas de favoriser l’individuel mais bien de travailler avec le groupe, celui-ci agissant ensuite sur l’individu.

Actuellement, le seul accompagnement individuel institué est organisé dans le cadre du mémoire afin d’aider l’étudiant dans sa recherche et dans la rédaction de son travail. Dans ce cas, une commission d’accompagnement individuelle est mise en place et est composée d’un directeur de mémoire et d’un accompagnateur qui travaillent régulièrement avec l’étudiant. Cet accompagnement favorise de manière significative la progression personnelle mais reste dans le cadre du mémoire. En faire plus dans le cadre de l’accompagnement individuel au cours de l’année supposerait une augmentation des moyens en personnel et les budgets actuels ne le permettent malheureusement pas.

L’après ISCO

L’ISCO est une alternative à la continuation d’études de type universitaire et à horaire décalé pour des personnes qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas pu continuer des études. Au terme de la formation (trois ans à 24 journées/an précédés d’une année préparatoire à 14 journées), les étudiants sont devenus permanents syndicaux, certains ont progressé dans leur entreprise, d’autres ont changé d’emploi, se réorientent professionnellement et d’autres encore ont augmenté leur engagement social en prenant des responsabilités là où ils étaient engagés avant comme simples militants ou bénévoles. L’ISCO amène ses étudiants à s’impliquer davantage dans la vie sociale, syndicale, associative des milieux où ils évoluent. Quelques étudiants continuent des études universitaires vers une formation universitaire de deuxième cycle (Master) en politique économique et sociale (FOPES).

Si des étudiants quittent l’ISCO en cours de formation, c’est, pour beaucoup, dû aux impondérables et priorités de la vie. L’interruption des études est très rarement liée à la formation. Le plus grand nombre d’abandons survient au cours ou après l’année d’orientation et ce malgré les séances d’information et les interviews individuelles pour préciser attentes et objectifs de chacun. Parfois, certains étudiants, lorsque les freins à leur formation disparaissent, reprennent leur formation, et les années acquises restent alors comptabilisables pour leur cursus.

Ce qui motive les étudiants à aller jusqu’au terme de leur formation, c’est essentiellement l’ensemble du processus mis en place par l’ISCO et les conditions dans lesquelles se déroule la formation. C’est aussi l’impact induit par les heures de travail en groupe (conseil et sous groupe hebdomadaire) et le soutien qu’ils y ont trouvé. A cela, il faut y ajouter également les moments forts des cours en semaine et le samedi ainsi que les avantages, non négligeables, procurés dans le cadre de la loi sur le congé éducation.

La formation ISCO avec sa méthodologie adaptée au public visé continue d’être la digne héritière de la grande réflexion générée par Monseigneur Cardijn au sein de ses Jeunesses Ouvrières Catholiques au temps où le monde ouvrier changeait pour une plus grande justice sociale, partout dans le monde.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 cf. les niveaux d’Ardoino dans l’excellent article de G. Pirotton, « Comprendre les réalités sociales : questions de niveaux. » ainsi que l’article de Magali Urbain sur « Les apports de Henri Mintzberg ».

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