Lutter contre l’échec scolaire et la pauvreté : une tâche assignée aux enseignants et aux travailleurs sociaux

Dans le cadre des recherches de l’asbl Le Grain sur les inégalités sociales et l’insertion socioprofessionnelle, Pierre Moreau retrace l’évolution de l’État-providence, devenu État-actif. Dans cet article, il pointe les enjeux et les conséquences pour les enseignants et les travailleurs sociaux sur le terrain, au contact des publics les plus fragiles et précarisés.

De l’État-providence

Nous avons vécu avec des politiques éducatives et sociales que l’on a dénommées « État-providence », à savoir que les pouvoirs publics arbitraient entre les intérêts divergents des groupes sociaux et parvenaient à redistribuer la richesse produite par le système économique. En quoi consiste cet État dit « providence » ? Sur le plan économique, c’est une économie de marché où le secteur privé est dominant. Mais cette économie est largement teintée de social grâce, notamment, à la participation de la puissance publique. Les pouvoirs publics interviennent dans l’économie de plusieurs manières :

  • en organisant eux-mêmes certains services publics de base : distribution d’eau, de gaz, d’électricité, du téléphone et autres télécommunications, la poste, le chemin de fer, certaines banques ou compagnies d’assurance… L’objectif premier de ces entreprises est le service public et non le profit ;
  • en organisant le dialogue social et l’arbitrage entre les conflits d’intérêts du patronat et des organisations syndicales ;
  • en organisant un système de sécurité sociale pour tous. Un acquis majeur du XX° siècle. Sans elle, nous savons que 40% de la population wallonne, par exemple, vivrait sous le seuil de pauvreté.
  • en mettant au point une organisation sociale qui, au delà de la sécurité sociale proprement dite, prend en charge un certain nombre d’exclus, de rejetés du système économique (handicapés, bénéficiaires de l’aide sociale ou du revenu d’intégration…).
  • en imposant un système fiscal où presque tous les bénéficiaires de revenus, les créateurs de richesse et les consommateurs participent plus ou moins équitablement aux recettes publiques.
  • et surtout, en prenant en charge la formation et la qualification de l’ensemble de la population, via un réseau extrêmement dense d’écoles, d’instituts, d’universités et de centres de formation qui permet à chacun d’acquérir une formation, non seulement pendant les 20 premières années mais tout au long de la vie…

Cette belle organisation de notre société, que le monde nous envie tant a pris le nom « d’État-providence ». Ce mode de fonctionnement est le produit d’une longue évolution historique. Il a été façonné par des rapports de force incessants entre le patronat et les travailleurs depuis la Révolution Industrielle du XIX° siècle. C’est l’aboutissement de près de deux siècles de conquêtes sociales menées dans les entreprises par les travailleurs, organisés en syndicats et menées au niveau politique par les citoyens organisés en partis politiques, essentiellement les partis socialiste et démocrate chrétien. Grâce à cette organisation, nos sociétés sont parvenues à allier efficacité économique et développement social. Elles ont réussi à faire reculer la pauvreté de manière particulièrement significative. Bon an mal an, chez nous, les personnes et les familles qui ne disposent pas du minimum vital se limitent à 5 à 6% de la population. C’est notre « quart-monde », une petite frange de population tellement marginalisée qu’elle en devient difficile à (ré)intégrer la société. Cette minorité constitue un record mondial. Il faut le rappeler. Les enseignants et les travailleurs sociaux contribuent largement à ce beau résultat. Grâce à l’enrichissement continu de nos sociétés depuis les cinquante dernières années , les hommes politiques, en accord avec l’opinion publique, ont également accepté d’investir dans les politiques sociales permettant de « remettre sur la route » les exclus du système, du moins, de leur attribuer un revenu de remplacement pour la plupart d’entre eux. Notre pays fut le premier au monde, en 1974, à attribuer une allocation sociale – le minimex – à toute personne dans le besoin et ne bénéficiant pas du minimum vital. Certains diront que c’était pour acheter la paix sociale !

Retenons de cette époque, encore récente, que l’idéal était de tenter de redistribuer les richesses pour parvenir à une plus grande justice sociale. Force nous est toutefois de constater l’existence d’un effet pervers : cette politique sociale « providentielle » a aussi créé une frange de personnes et de familles dépendantes de la société et le plus souvent des travailleurs sociaux, ne faisant plus aucun effort pour s’y insérer par leurs propres moyens. Après cinquante ans d’État-providence, les enseignants et les travailleurs sociaux réalisent douloureusement que leur idéal de redistribution des richesses, de lutte contre la pauvreté et d’une justice sociale effective concourt malheureusement à la déresponsabilisation des personnes et des familles qu’ils aident. Que 10% de la population ne sait toujours pas lire et comprendre un texte simple, écrire une phrase simple sans faute et calculer correctement jusqu’à 100.

A la mondialisation

On situe généralement à la fin des années quatre vingt le renversement de ce modèle d’État-providence sous l’impulsion de différents événements.

  • Le premier, en 1989, est la chute du mur de Berlin, puis celle de l’URSS et donc du système socio-économique qu’elle représentait. L’utopie du XX° siècle – le socialisme, un État sans classe sociale – tombait avec elle. Dorénavant, le système économique capitaliste n’a plus de concurrent. Il a les coudées franches. Il peut reprendre l’initiative.
  • Le deuxième est, ce que l’on dénomme généralement sous le vocable de « mondialisation ». Avec la fin du XX° siècle, le monde devient un village. L’évolution des techniques de communication, les marchandises (abaissement des coûts de transport), les capitaux (transferts électroniques) et l’information (internet) circulent de plus en plus librement et à bon marché.
  • Le troisième est le manque de croissance globale de notre économie face à un certain nombre de nouveaux compétiteurs. L’Europe occidentale a une croissance plus faible que d’autres zones économiques comme les États-Unis, l’Europe de l’Est et l’Asie du Sud et de l’Est.
  • Enfin, le quatrième événement est la difficulté croissante des États européens à financer l’État-providence, à la fois du fait de l’explosion des dépenses sociales et de formation, de la faible croissance économique et du vieillissement de la population.

L’effet conjugué de ces quatre phénomènes va entraîner toute une série de conséquences dans le paysage économique et social. On observe simultanément :

  • une course mondiale à la productivité : tout ce qu’on peut produire dans des pays à bas salaires sera délocalisé. Cela entraîne la chute de pans entiers des économies occidentales, essentiellement au profit des pays de l’Est européen et de l’Asie, principalement de la Chine.
  • une déstabilisation des États occidentaux qui assistent, impuissants, à ces délocalisations, sources de pertes de revenus fiscaux mais surtout d’une augmentation du chômage et des dépenses sociales. Des secteurs industriels importants comme l’acier, le verre, les chantiers navals, le textile sont touchés. Des entreprises ferment massivement ou se restructurent à intervalles réguliers, en se libérant chaque fois d’une part de leurs travailleurs. L’équilibre budgétaire des États occidentaux est de plus en plus précaire… celui des Sécurités Sociales également. Les déficits publics se creusent.
  • une économie qui s’internationalise de plus en plus. Les entreprises nationales fusionnent entre elles. On voit apparaître et se développer un nombre de plus en plus important de firmes multinationales dont la puissance économique est plus importante que celles des États. Ces puissances tentent d’optimiser au maximum leurs coûts par tous les moyens, y compris en fermant des succursales rentables, mais moins rentables que celles des pays à bas salaires.
  • un maître mot des entreprises : la compétitivité. Cette politique économique se traduit par la modération salariale, la volonté de rendre le travail de plus en plus flexible (horaires de travail, contrats à durée indéterminée ou d’intérim…) Le « détricotage » de la sécurité sociale et du droit du travail devient le credo des entrepreneurs. Cette nouvelle politique sociale est imposée aux travailleurs et aux pouvoirs publics sous le couvert de la nécessité de la compétitivité générale de l’économie.
  • la privatisation de toutes les entreprises publiques, au nom de l’efficacité supérieure du privé et de la libre concurrence.
  • le nombre d’exclus de ce système compétitif augmente sans cesse. Nous pensons à :
  • ceux qui sont en fin de carrière et qui tentent de négocier une sortie honorable… avec une pré-pension financièrement attractive par rapport à l’allocation de chômage traditionnelle ;
  • ceux qui sont jeunes, mêmes diplômés, trouvent de plus en plus difficilement un contrat de travail stable. Le diplôme ne protège plus d’une période de chômage avant d’entrer dans une carrière professionnelle. Quant aux autres, ceux qui sortent du circuit scolaire sans diplôme ou sans véritable qualification, c’est le parcours du combattant : ils sont orientés vers de nouvelles structures mises en place pour la circonstance (entreprises de formation par le travail, entreprises d’insertion, missions régionales, formations d’apprentissage CEFA ou classes moyennes…) ou ne bénéficient que de contrats précaires : stages, contrats tremplin, contrats de transition professionnelle…
  • ceux qui sont exclus du système de sécurité sociale – les usagers des C.P.A.S. – ont, eux aussi, de plus en plus de mal à s’insérer dans la société productive. Ils alternent des stages de formation avec des contrats de travail temporaires, type article 60 ou 61 de la loi sur les C.P.A.S., la plupart du temps, avant de retourner au chômage.
  • ceux qui sont bénéficiaires de l’aide sociale et du revenu d’intégration (ex-minimex) mais qui sont tellement éloignés du monde du travail qu’il devient illusoire de les intégrer un jour dans un contrat de travail ordinaire.

Les travailleurs sociaux sont particulièrement aptes à prendre ces personnes en charge. Ils essayent de les aider à retrouver un sens à leur vie en dehors du système productif, du monde du travail. Bien sûr, ils se rendent compte de l’augmentation du nombre d’exclus et des difficultés croissantes à les insérer mais, globalement, ils n’ont pas vu venir les choses. L’heure est dorénavant à l’austérité et au contrôle social. Pas plus que la plupart des enseignants, les travailleurs sociaux sont peu formés à l’économie politique… alors qu’ils en dépendent. La plupart du temps, ils ne s’intéressent pas à l’évolution politique et économique globale de notre société. Ils éprouvent souvent des difficultés à raisonner globalement, eux qui, la plupart du temps, travaillent dans l’individuel. Puis à l’État social actif

Ainsi donc, nous assistons à la mondialisation de notre économie. Les avantages sociaux de l’État-providence apparaissent de moins en moins légitimes. Une partie croissante de l’opinion publique commence à considérer que certains allocataires sociaux sont des profiteurs et que beaucoup d’entre eux sont ou deviennent à la longue passifs. Devant l’impossibilité des milieux économiques et politiques à créer suffisamment d’emplois, certains tentent de faire porter la responsabilité de la situation aux exclus du système en les culpabilisant. Combien de fois n’avons nous pas entendu des petites phrases du style « Celui qui veut vraiment travailler finit par trouver… » ou bien « Ils restent au chômage pour la protection sociale, mais ils arrondissent les fins de mois en travaillant au noir ».

L’idée émerge progressivement que la responsabilité du non-emploi repose d’abord sur la passivité des sans-emploi eux-mêmes. Que « s’ils s’activent et se forment, ils finiront par trouver… ». En Belgique, cette théorie a été introduite par l’ancien ministre fédéral de l’Emploi, Franck Vandenbroecke qui est allé puiser son inspiration outre-Manche, chez Tony Blair. Par ailleurs, dans les milieux de la Commission Européenne et ceux de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (O.C.D.E.), on considère que la Belgique distribue trop aisément ses allocations sociales, sans aucune contrepartie. Qu’il faut « activer » ces dépenses « passives ». Qu’il faut transformer les allocataires en chercheurs d’emploi, quitte à ce que ces emplois soient précaires, instables, à temps partiel. Qu’il faut répondre à certains besoins sociaux comme les besoins de main d’œuvre domestique qui, dans l’état actuel des choses, sont surtout couverts par des travailleurs « au noir ».

C’est la création, dans un premier temps, des « agences locales pour l’emploi ». Ensuite, ce sera la loi « Onkelinx » en 1993 visant l’obligation pour les jeunes minimexés de 18 à 25 ans de signer un projet individualisé d’intégration sociale. Cette philosophie de l’activation des allocataires sociaux s’est poursuivie avec l’autorisation donnée aux minimexés de travailler en sus de leur allocation à concurrence d’un certain montant (art 35 de l’A.R. du 11/7/2002). Plus récemment, on a assisté à la mise en place des « titres-service » visant à créer des emplois « bas de gamme » dans le secteur des services domestiques. Enfin, dernière évolution en date, la modification de l’article 80 de la législation du chômage, instituant un contrôle accru des chômeurs et les obligeant à justifier régulièrement de leurs recherches actives d’emploi auprès de l’O.N.Em sous peine d’exclusion : c’est le plan d’activation du chômage (P.A.C.).

Toutes ces mesures vont dans le même sens : elles montrent l’évolution de l’opinion dominante en ce qui concerne les raisons du maintien d’un volant important de personnes non employées en faisant porter la responsabilité sur les personnes elles-mêmes plutôt que sur la société qui ne parvient plus à créer suffisamment d’emplois. Et alors que le volume global des emplois disponibles sur le marché du travail se situe à 10% du nombre des sans-emplois, en Belgique.

Conséquences pour les métiers pédagogiques et sociaux

Cette évolution politique, économique et sociale ne sera pas sans conséquence sur les enseignants et les travailleurs sociaux. On voit apparaître des « travailleurs des métiers de l’intégration » ou « des métiers de l’insertion », une nouvelle catégorie de travailleurs sociaux recouvrant une diversité de formations différentes : assistant social, éducateur, médiateur, psychologue, agent d’insertion… Ces nouveaux travailleurs sociaux vont entrer dans les écoles, particulièrement les écoles techniques et professionnelles, les CEFA, les centres PMS… Ils vont se retrouver en première ligne de la lutte de la société contre l’exclusion sociale. On va demander aux enseignants d’être aussi des assistants sociaux, de s’intéresser à la situation sociale de leurs élèves, de pratiquer une pédagogie différenciée sachant qu’un enfant n’égale pas un autre enfant : que tout dépend de son origine sociale et familiale. Ces enseignants, devenus également agents d’intégration constituent dorénavant le dernier rempart de la société en vue de maintenir la solidarité sociale… et éviter peut-être l’explosion sociale.

Le travail de ces nouveaux agents sociaux va évoluer vers « l’accompagnement social », en vue d’aider ces populations fragilisées par l’évolution économique trop rapide de notre société. Mais ils devront veiller à ne pas prendre le parti des personnes exclues, au risque d’apparaître irresponsables et de se discréditer aux yeux des décideurs politiques. Ils ne se rangeront pas non plus du côté des décideurs de la société au risque de rendre leur action tout à fait inefficace auprès des publics marginalisés.

En fait, ces nouveaux enseignants et travailleurs sociaux sont pris en « sandwich » entre les exclus, d’une part et les représentants de la société, d’autre part (employeurs, hommes politiques, C.P.A.S.,…) Ils oscillent sans cesse entre les deux positions. Pour les uns, l’enseignement et le travail social coûtent trop cher et ne sont pas assez efficaces. Les enseignants – surtout ceux du technique et du professionnel – sont montrés du doigt parce qu’ils donnent trop facilement des diplômes à des élèves insuffisamment formés pour entrer dans les nouvelles entreprises performantes. Les travailleurs sociaux sont accusés, eux, d’être trop laxistes, de donner trop d’argent, de n’être pas assez exigeants. Le travail social ne parvient pas à faire sortir de l’exclusion un nombre suffisant de marginaux. Ils sont alors chargés de faire respecter les normes sociales, les règlements sociaux, c’est-à-dire, en fait, d’assurer un certain contrôle social, eux qui semblent être les derniers représentants crédibles de la société auprès de ces populations défavorisées. Pour les autres, ils sont rendus responsables des refus d’aide financière qui sont décidées à leur égard.

En fait, il est relativement aisé de monter un dossier administratif en vue de faire bénéficier une personne ou une famille d’un revenu de remplacement en cas d’accident dans le parcours de vie. Ce qui est bien plus difficile, ce qui prend énormément de temps, ce qui est la responsabilité et le cœur même de la fonction des travailleurs sociaux, c’est de rendre les personnes autonomes, libres et responsables. De les remettre debout. Ce qui est astreignant, c’est d’être confronté en permanence avec des personnes ou des familles en difficulté chronique, qui sont au bord du gouffre ou tout au fond depuis longtemps et qui sont aux prises avec des difficultés insurmontables de longue date.

C’est un long processus éducatif de re-construction. Un processus qui n’a pas pu être mené à bien auparavant par d’autres, notamment les enseignants, les hommes politiques, les animateurs de mouvements de jeunesse ou de centres culturels, les infirmiers et même les pasteurs ou le clergé…

Pour y parvenir, les travailleurs sociaux essayeront toujours de prendre en compte les spécificités culturelles des familles pour induire le changement et obtenir leur collaboration. Ils essayent de repérer leurs compétences plutôt que leurs lacunes. Ils misent sur leurs points forts, leurs capacités de résistance aux difficultés de la vie. Ils travailleront en collaboration étroite avec ce public fragile car ils les considèrent comme les experts de leur situation. L’objectif sera de co-construire des réponses innovantes avec eux.

Par leur travail de terrain et leur proximité avec les exclus, les enseignants et les travailleurs sociaux sont en fait des témoins privilégiés des mécanismes de l’exclusion. Sans doute, ne sont-ils pas suffisamment consultés par les décideurs politiques pour lutter vraiment contre l’exclusion. Sans doute, ne reportent-ils pas assez la réalité de l’exclusion et les moyens d’en sortir auprès des autorités et de leur hiérarchie. De par leur formation et leur appartenance majoritaire à la classe moyenne, les enseignants et les travailleurs sociaux peuvent être les interprètes pour expliquer aux exclus les règles de fonctionnement de la société et les moyens de s’adapter. Bref, être de véritables médiateurs sociaux en vue d’éradiquer la pauvreté. Un beau challenge. Toutefois, ils refusent de se laisser culpabiliser et affirment clairement qu’ils ne sont en rien responsables de la pénurie d’emplois et du nombre croissant d’exclus du système économique.

Si vous trouvez le moyen magique d’éradiquer la pauvreté… faites-le nous savoir

Parce qu’en définitive, pour que la situation sociale change, il faudrait que la situation économique évolue. De nos jours, ceux qui participent au fonctionnement normal de la société, c.à.d. qui ont un travail et un logement sont considérés comme des « inclus ».

Le recul de l’exclusion est, à l’évidence, lié à la santé économique de la société, donc au niveau de son emploi. Quand l’emploi stagne ou décroît, quand le chômage progresse, quand le travail au noir s’étend, quand les contrats de travail se précarisent (temporaires, intérims…), ce sont en premier lieu les plus fragiles de notre société qui sont frappés. C’est-à-dire les travailleurs non qualifiés, ceux qui sortent du circuit scolaire sans diplôme ni véritable qualification professionnelle… Nous assistons alors à une lente progression du nombre de chômeurs de longue durée, de mères de famille monoparentales vivant du revenu d’intégration sociale, de jeunes en grave échec scolaire, de « sans » de toutes sortes (sans papiers, sans abri, sans domicile fixe, sans droits, sans couverture sociale, sans emploi…).

Quand la croissance et l’emploi reprennent, la pauvreté recule. A condition que la croissance économique soit orientée vers la création d’emplois, chez nous. Ce n’est donc pas n’importe quelle croissance. Qu’on le veuille ou non, que l’on soit d’accord ou non, ce qui change vraiment la vie, c’est le travail. Le reste suit.

Ce qui nous manque probablement le plus, ce sont des jeunes entrepreneurs, qui acceptent de prendre des risques. Le risque, par exemple, de fabriquer ou de commercialiser des produits ou des services nouveaux, et donc de créer de l’emploi chez nous. Mais des jeunes qui acceptent de prendre des risques, même quand ils sont formés pour (écoles de commerce, ingénieurs de gestion…) et qui acceptent une telle mission, on en cherche. Le plus souvent, on les trouve dans les banques ou dans les sociétés multinationales : elles rémunèrent beaucoup mieux et ils ne prennent pas de risque personnel.

Dès lors, nous sommes persuadés que la réponse à la question du titre de ce paragraphe, volontiers provocatrice, se trouve essentiellement dans cet enjeu-là. Nous avons envie de retourner la question, et de poser aux décideurs économiques et politiques la question suivante :

« Si vous trouvez le moyen magique de créer des emplois… faites-le nous savoir ». L’éradication de la pauvreté nous sera donnée par surcroît !

Pierre MOREAU, Maître assistant e.r. au département social (I.S.S.H.A.) de la Haute École Roi Baudouin à Mons

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