MENA en décrochage scolaire et/ou en difficultés d’adaptation aux pratiques d’enseignement classiques

un projet alternatif à l’obligation scolaire via des organismes de formation par le travail

Le centre El Paso, centre d’accueil pour MENA (Mineurs Etrangers Non Accompagnés) à Gembloux propose un projet alternatif à la scolarité classique de jeunes en décrochage scolaire ou en difficulté d’adaptation au système scolaire traditionnel. Ce projet pilote découle d’un constat : le système scolaire belge, malgré l’ensemble des filières proposées, ne répond pas aux besoins et aux profils de certains mineurs étrangers. Ce projet permet donc à 5 jeunes d’avoir accès à une formation en EFT (Entreprise de Formation par le Travail) ou en OISP (Organisme d’Insertion Socio Professionnelle). Les entreprises déploient un dispositif pédagogique particulier fondé sur la transmission pratique du savoir et le compagnonnage en entreprise.

Pourquoi un tel projet ?

En Belgique, tout jeune de moins de 18 ans est soumis à l’obligation scolaire. Les MENA se voient donc imposer un modèle scolaire auquel ils devront tôt ou tard adhérer sans pour autant y être préparés. De plus, le système scolaire, malgré l’ensemble des filières proposées, ne répond pas aux besoins et aux profils de certains MENA. Il existe un réel décalage entre l’offre des différents types d’enseignement et le profil des jeunes (infra-scolarisés, non scolarisés, présentant des troubles d’apprentissage ou rencontrant des difficultés scolaires dues aux adaptations socioculturelles auxquelles ils doivent faire face). Une des adaptations plus difficiles est pour certains de reprendre le chemin de l’école, en particulier lorsque dans le pays d’origine ils avaient le statut de « travailleur » ou avaient pour mission d’envoyer le fruit de leur travail à leur famille. La difficulté d’adaptation est parfois engendrée par un trauma lié à leur errance qui entrave définitivement leur possibilité apprentissage ; parfois, ce sont d’autres facteurs tels que les arrivées sur le territoire en cours d’année scolaire, les rythmes de travail et les méthodes inadaptés, le décalage culturel et la non obtention de titre de séjour. Les conséquences liées à cette inadaptation ont un impact négatif tant sur le jeune que sur les institutions : rejet, absentéisme, réorientations multiples, dévalorisation de soi, parfois même risque de marginalisation sociale.

C’est au vu de ces différents constats que le centre El Paso a mis en place un dispositif d’apprentissage adapté aux MENA. Celui-ci propose un cadre pédagogique spécifique qui tient compte des particularités culturelles et identitaires de chacun, des difficultés en termes d’apprentissage et en termes de parcours de vie. Nous souhaitions élargir le panel d’orientations possibles en proposant une option supplémentaire pour ceux qui n’entrent dans aucune des alternatives scolaires proposées. Nous voulions répondre aux problèmes d’exclusion scolaire, sociale et professionnelle rencontrés par certains jeunes et leur permettre d’aller vers l’autonomie sociale et de devenir acteurs de leurs propres projets de vie en Belgique ou ailleurs. Le but du projet est que ces jeunes puissent bénéficier d’un apprentissage adapté basé sur une pédagogie seulement mise en œuvre pour un public d’adultes en Fédération Wallonie Bruxelles.

« Nous avons démarré le projet pilote en septembre 2010 avec deux partenaires : le centre El Paso de Gembloux (centre d’accueil pour MENA, promoteur du projet) et le Nouveau Saint-Servais (EFT et OISP, les opérateurs de formation). Les jeunes ont d’abord, dans un premier temps, été intégrés au niveau du Nouveau Saint-Servais et puis nous nous sommes rendus compte qu’ils ne répondaient pas à leur obligation scolaire, chose primordiale puisqu’ils sont mineurs et qu’on accueille dans le projet des 16-18 ans. Donc nous avons interpellé le Centre de Formation en Alternance de la Communauté française (CEFA de Suarlée-Namur, garant du cadre scolaire), qui a accepté de rentrer comme troisième partenaire en décembre 2010 dans le projet et d’inscrire les jeunes au sein de l’école et pouvoir, en tout cas grâce au Fonds Social Européen libérer l’équivalent d’un temps plein pour désigner un accompagnateur dans le cadre de ce projet pilote »

Les stagiaires répondent donc à l’obligation scolaire via leur inscription au CEFA dans un Module de Formation Individualisé (MFI). Cet outil va leur permettre de définir un projet scolaire précis et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé durant une période de 6 mois reconduite à 6 mois supplémentaires en fonction des difficultés d’apprentissage du mineur.

Leurs acquis sont donc évalués en termes de :

  • Compétences sociales, à savoir l’évaluation du Savoir-Etre Professionnel du jeune en entreprise (SEP) : il s’agit d’un entretien semi directif, orienté par une grille de thèmes sélectionnés au préalable. La grille créée est divisée en 4 sous groupes : attitudes comportementales, comportement au travail, relations sociales et adaptation à l’activité.
  • Compétences techniques, via l’Entretien d’Evaluation des Compétences Techniques (ECT). Sous la forme d’un entretien directif, le jeune est donc amené à s’évaluer autour de l’acquisition de compétences techniques basiques.

Dans l’entreprise, les apprentissages théoriques découlent de la pratique quotidienne (apprentissage par essai et erreur). Un système de compagnonnage individualisé est mis en place à travers lequel le projet singulier du jeune est pris en compte.

Le public cible

Nous ciblons un public de MENA dont l’âge est compris entre 16 et 18 ans. Ils doivent posséder un niveau minimum de compréhension de la langue française pour pouvoir adhérer au projet. Ils doivent être en difficulté d’apprentissage, avoir une scolarité décousue ou inexistante. Ces jeunes ont parfois un parcours d’errance complexe (qui s’étend souvent sur plusieurs pays) et leurs profils psychologiques sont parfois perturbés.

L’entrée du jeune dans le projet

Différents motifs d’entrée sont à identifier pour la venue du jeune dans le projet pilote:

  1. le décrochage scolaire (décrochage de la scolarité traditionnelle ce qui peut occasionner des retards de plus en plus fréquents et/ou des absences répétées)
  2. des difficultés d’orientation (renvois scolaires multiples)
  3. une volonté de travailler (désir d’être actif, de gagner de l’argent)
  4. un parcours d’errance

Pédagogie particulière

Nous permettons simultanément à 5 MENA en difficulté scolaire d’avoir accès à des opérateurs de formation capable de déployer un dispositif pédagogique particulier fondé sur la transmission pratique du savoir, l’accompagnement et le compagnonnage en entreprise durant une période variant de 6 à 12 mois (période prévue par le MFI).

« Les jeunes sont sous la supervision d’un parrain au sein-même de l’entreprise, qui va inculquer au jeune un apprentissage qu’on appelle « inductif », donc un apprentissage par essais et erreurs. Donc au lieu d’avoir des longs discours derrière les bancs, comme peut le proposer une école traditionnelle, le jeune va vraiment travailler au cœur-même de la matière par un système de manipulation d’outils, par du démontage, du remontage de mécanismes, d’appareils. Il va travailler en atelier sur des circuits électriques, il va donc se tester à tout un tas de choses et de la matière vont émerger des notions théoriques. »

Au départ du dispositif pilote, seules deux options étaient envisagées grâce à la collaboration avec le Nouveau Saint-Servais (électricité et électroménager). Par la suite, il y a eu une réelle volonté d’élargir le panel d’options possibles pour accroître le domaine d’apprentissage et toucher davantage de jeunes du point de vue géographique.

Ainsi, les différentes options proposées sont :

  • l’électricité, le bobinage ainsi que les travaux de maintenance (NSS à Saint-Servais) ;
  • l’HORECA (La Calestienne à Beauraing)
  • la maçonnerie, le carrelage, le plafonnage, les enduits terre et chaux, la toiture, la peinture, les revêtements sol et mur, la menuiserie, le chauffage et sanitaire, l’isolation, l’ossature bois et l’éco-construction (Quelque Chose A Faire à Monceau-sur-Sambre).

L’horaire des stagiaires est calqué sur un rythme scolaire (tous les jours de la semaine de 8h30 à 16h30). Leur programme de formation comprend des cours de français à raison de deux heures par semaine (ADAS à Namur et cours de Français Langues Etrangères (FLE) au Nouveau Saint-Servais) leur permettant à la fois de poursuivre leur apprentissage de la langue française et de suivre leur formation pratique. Ils reçoivent une indemnité de formation d’un euro brut par heure de formation effective. Cette compensation financière est importante pour le jeune, elle est le symbole de la contractualisation d’une relation d’apprentissage particulière. Nous supposons que les résultats obtenu en termes d’assiduité de fréquentation y sont en partie liés.

Les jeunes bénéficient d’un accompagnement tout au long de leur parcours par l’accompagnatrice CEFA. Cet accompagnement va se réaliser en 3 grandes phases : accrochage, stabilisation et orientation.

La première phase consiste en une insertion du jeune dans l’entreprise (présentation de l’organisme de formation, introduction aux formateurs, à l’équipe de travail, …).

Ensuite la phase de stabilisation repose sur le développement et le maintien d’objectifs d’apprentissage.

Enfin, nous effectuons avec le jeune, un travail d’orientation qui consiste en une recherche de projet scolaire clarifié, le contact avec le futur établissement, la recherche de patron (dans le cas d’une formation en alternance). Lors d’entretiens individuels, l’accompagnatrice les aide à élaborer un projet individuel, à s’orienter vers un choix d’études, à mettre à niveau des connaissances élémentaires de base, à apprendre à respecter les règles de vie en commun et à acquérir les compétences minimales nécessaires en entreprise pour intégrer par la suite une filière de l’enseignement classique et retrouver ainsi une certaine stabilité.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les responsables scolaires de chaque centre d’accueil mais également avec les tuteurs légaux des jeunes et toute personne gravitant autour de ceux-ci.

Voici les principales valeurs défendues par cette pédagogie :

  • Le jeune est accepté et reconnu tel qu’il est
  • La valorisation du jeune est omniprésente et continue
  • Il n’est pas sanctionné par un système normatif de points
  • Les outils d’apprentissage sont adaptés
  • Le rythme proposé est soucieux de celui du jeune
  • L’apprentissage inductif permet de déduire la théorie de la pratique proposant un processus dynamique et moins infantilisant
  • Le contexte de formation favorise le sentiment d’appartenance à un groupe et l’ouverture identitaire
  • Les évaluations continues et adaptées au public permettent au jeune de développer des compétences tout en renforçant l’image de soi et l’entrain à la création d’un projet de vie stable et équilibré

Le projet pilote en chiffres

Depuis le démarrage en septembre 2010, nous avons accueilli au total 32 jeunes dans le projet pilote.

Au niveau de la nationalité, les jeunes accueillis venaient principalement de Guinée (12), du Maroc (6), de la Côte d’Ivoire (3) et de l’Afghanistan (2). D’autres pays sont représentés : l’Angola, la Palestine, le Kosovo, la Tunisie, le Cameroun, le Mali, l’Albanie, le Pakistan et l’Algérie.

Voici un graphique illustrant les nationalités des MENA du projet pilote :

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Figure 1 : Graphique illustrant les nationalités des MENA du projet pilote au mois de mai 2013

En ce qui concerne la répartition géographique des jeunes accueillis en Belgique bénéficiant de l’expérience pilote, nous observons que beaucoup de jeunes provenaient des centres Fedasil de Bruxelles (7), de Pondrôme (6), de Gembloux (5) et de Florennes (3). D’autres centres tels que Jodoigne, Assesse, Jumet et Rixensart sont également représentés. Toutefois, certains jeunes accueillis dans le projet ne dépendaient pas toujours d’un centre : en effet, le projet a également permis d’accueillir des jeunes à la rue et en autonomie.

Voici un graphique illustrant la répartition géographique des MENA du projet pilote :

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Figure 2 : Répartition géographique des MENA du projet pilote

La sortie du projet

A 18 ans et quel que soit le statut administratif (régularisé ou non), le projet de formation en entreprise s’arrête pour le stagiaire. Nous essayons donc de les préparer un maximum à cet ultimatum et organisons avec eux leur orientation.

Les motifs de sortie des jeunes sont en général :

  • une nouvelle orientation scolaire ou professionnelle (CEFA, enseignement technique, professionnel, …)
  • la cessation de tout projet de formation (lié parfois à une absence de régularisation ou à un transfert disciplinaire)
  • d’autres motifs (tels que des fugues ou des disparitions)

Même s’il ne bénéficie plus du plan de formation en entreprise, le jeune est toutefois suivi 6 mois après la sortie du projet.

Le travail en réseau avec un ensemble de partenaires (SIEP, FOREM, Carrefour emploi formation, Maison de l’emploi, SEM (Service d’Entraide Migrant), AMO, Inforjeune, Droit des jeunes) permet d’une part le relai dans l’accompagnement du jeune mais également de trouver des points de chute en cas de difficulté ultérieure.

Bien que la majorité des jeunes réintègrent une forme de scolarité ultérieure et que la plupart optent pour un mode de formation en alternance (CEFA), d’autres jeunes choisissent de reprendre leurs parcours d’exil, quittant le pays ou retournant à la rue.

Conclusions / perspectives du projet

De ces trois années d’expérience, nous pouvons tirer de nombreuses conclusions :

  • Le projet a permis de répondre aux problèmes d’exclusion sociale et professionnelle de MENA en leur permettant de développer une réelle autonomie sociale et donc de devenir acteurs de leurs projets (exemple : certains jeunes ont augmenté considérablement leurs capacités langagières facilitant à leur tour une meilleure capacité d’organisation, …).
  • Les échanges que nous avons eu avec les différents partenaires (CEFA, centres Fedasil, établissements scolaires, ADAS, cours de FLE, …) nous ont permis de développer, de peaufiner au mieux notre projet pilote et de lui apporter de nombreux réajustements. Ils ont contribué à offrir un accompagnement toujours plus individualisé au jeune que ce soit au niveau social, scolaire, professionnel, psychologique, …
  • Les résultats en termes de stabilisation scolaire des jeunes sont très élevés : 60 % des jeunes qui ont intégré le projet poursuivent actuellement une scolarité régulière et adaptée.
  • De nombreux outils de diffusion ont été créés (DVD, articles de presse ainsi qu’un futur dépliant illustrant le projet pilote et son fonctionnement).
  • Bien que le projet soit destiné à un public mixte, le constat est que seul un public masculin en a bénéficié. Cela s’explique notamment par le choix des options proposées dans l’expérience pilote, options destinées majoritairement à un public masculin.
  • Bien que le projet ne permettait l’accueil que de 5 jeunes de manière simultanée, la proportion de jeunes demandeurs d’intégrer ce dispositif était nettement supérieure.
  • Le projet a pu apporter aux jeunes une expérience utile notamment dans le pays d’origine (notamment dans le cas de jeunes qui décident de rentrer au pays d’origine après leur formation car ils se sentent mieux armés).
  • La formation donnée a permis aux stagiaires certes d’acquérir des compétences sociales et professionnelles supplémentaires mais, l’élément le plus marquant est que, cette formation a été un point d’accroche pour l’ensemble des jeunes autour duquel un parcours scolaire et de vie a pu être ré-ébauché.                    
  • La plus-value que le projet donne en matière de scolarisation et donc de socialisation est très importante. Elle s’illustre au travers des résultats engrangés en termes de « ré-accrochage scolaire ». Jamais ceux-ci n’auraient été atteints dans un processus scolaire classique dans lequel les jeunes en situation d’échec ou de rupture de scolarité répétés ne trouvent plus sens.
  • Enfin, nous avons pu nous rendre compte de l’issue positive et favorable du projet en termes de résultat, notamment en fonction des nombreuses sollicitations dont nous avons fait l’objet (demande d’articles, de présentations du projet, nombreuses sollicitations de la part de centres, de tuteurs et de candidats potentiels en attente), ce qui nous motive à tout mettre en œuvre pour tenter de pérenniser le projet.

Notre position

« Au départ du processus, on a affaire à des jeunes qui sont déstructurés par rapport à l’école, qui n’ont pas une idée claire de leur projet d’avenir. Ce sont des jeunes en général qui ont subi parfois pas mal d’échecs scolaires, qui sont en difficulté d’adaptation et donc c’est vrai que par cette prise en charge très individualisée on parvient progressivement à ce que le jeune trouve une place au sein-même de l’entreprise, qu’il puisse en tout cas créer du lien avec les formateurs et donc on constate qu’il y a une augmentation de la confiance en soi, de l’estime de soi. Et donc, le jeune, puisqu’il trouve sa place en entreprise peut, progressivement laisser place à l’acquisition de compétences. »

« Nous trouvons l’expérience positive à plusieurs points de vue. Premier point de vue, c’est qu’il est possible au niveau local de dépasser des complexités institutionnelles énormes inhérentes à la Belgique. Nous avons travaillé avec la Communauté Française, l’Aide à la Jeunesse, la Région Wallonne indirectement au travers des EFT, avec la Communauté Française Enseignement qui a mis un équivalent temps plein à notre disposition, avec le centre El Paso qui est un PPP Aide à la Jeunesse. Donc voilà 4 partenaires qui se mettent ensemble. Deuxième élément c’est que nous avons mis sur la table beaucoup de matériels méthodologiques et pédagogiques nouveaux et de qualité qui permettent effectivement à des EFT ou à des OISP et à l’Aide à la Jeunesse de travailler ensemble. Et troisième élément extrêmement positif c’est qu’on voit une dynamique très importante au niveau des jeunes qui ont participé à ce processus. Ils s’y sont accrochés et si, au départ, nous espérions qu’il y aurait un net acquis en matière de compétences techniques, il faut reconnaitre que c’est plus au niveau d’un réel accrochage dans un parcours de vie que nous avons eu des résultats »

« Au bout de ces trois années d’expérience, il s’avère que c’est un projet très intéressant tant pour le jeune que pour les structures d’accueil MENA qui sont aussi très satisfaites que leurs jeunes puissent bénéficier d’une prise en charge individualisée. Nous pensons que le jeune vit tellement de choses en décalage avec son pays d’origine, qu’il est important de privilégier une prise en charge aussi individualisée. »


 Ce projet est soutenu par la Ministre de l’aide à la Jeunesse, par la Ministre de l’enseignement, par l’Union européenne, le Fonds Social Européen ainsi que le Centre de Coordination et de Gestion des Programmes européens.


* Pour El Paso : Pauline Toussaint, coordinatrice pédagogique: 0479/35.14.87 et 081/62.55.00 – Pour le CEFA : Alexia Tasacos, accompagnatrice CEFA-FSE : 0479/66.89.19

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