Projet de Ville, projet pédagogique émancipateur…

Et terrain propice au développement de la pédagogie du projet ?

Ce texte fait partie de la suite de actes du colloque de la journée d’études du 25 Octobre 2006. Ces articles résument et approfondissent les idées échangées lors des ateliers de l’après-midi.

Toile de fond d’un inédit possible : le « Projet de Ville »

Si le projet de Ville s’est inspiré de la politique de la ville en France, il reste un concept particulièrement large et fourre-tout dont les contours précis sont à définir. Chez nous, il est la traduction au niveau local du contrat d’avenir conçu par les techniciens de la Région wallonne. Cette dernière insiste lourdement sur les procédures participatives qui doivent accompagner cette démarche citoyenne.

Même si, dans l’hexagone, la « politique de la ville » a abouti à un échec difficile à vivre, les derniers évènements de novembre 2005 dans les banlieues urbaines et les tensions en découlant le confirmant, l’idée de se projeter à moyen terme dans l’avenir (2015, 2020,…) semble bien acceptée par tous, et ce, malgré les nombreuses incertitudes et le climat fataliste ambiant.

Deux approches pour un même objectif !

De plus, les stratégies globales pour améliorer le bien-être des habitants, mais aussi celui des techniciens et des politiques divergent encore profondément. Pour certains convaincus, la priorité doit être donnée au développement local en s’appuyant sur un cadastre des potentialités proches et mettant en veilleuse…les facteurs endogènes. D’autres croient au développement de pôles d’excellence et à l’apport d’investissements « exogènes » (création de zones franches), renforçant notre modèle de développement actuel permettront d’atteindre cet objectif fondamental de bien-être.

Des deux approches difficilement conciliables induisant forcément des pratiques différentes et des modes de gestion communale distincts. Si c’est le modèle « citoyen » qui prévaut, on parlera d’initiatives collectives et volontaires et d’habitant expert, acteur et auteur Par contre, dans le cadre d’un modèle culturel entrepreneurial dominant, on parlera plutôt de qualité totale pour les services et d’habitant-client.

C’est sur cette toile de fond qu’émergeront les projets de Ville de St-Ghislain et Colfontaine, communes de quelques 20.000 âmes qui ont décidé de tenter l’aventure.

Projet de ville, projet émancipateur ?

En dehors des « actions-starters » ponctuant la progression du projet de Ville (PdV) et assimilables à une pratique par projets, en quoi et à quels moments-clés de son déroulement le projet de Ville pourrait-il être considéré comme pédagogique et émancipateur ?

La dimension émancipatrice du PdV apparaît clairement dès le déroulement de la négociation de départ. Cette dernière précise immédiatement, le niveau d’intervention des tiers-extérieur et leur rôle, clairement explicité (aide à la décision, opérateur d’appui,….) avec leurs limites et leurs espaces d’autonomie, permet à chacun de se situer ,et de s’exprimer en fonction de là où il se trouve. La durée de l’intervention, son caractère formatif, les effets comportementaux qu’elle engendrera sont autant d’éléments qui pourront être intégrés lors de la formulation de la commande publique.

L’animation du groupe porteur, pilote du dispositif (composé au départ de différents chefs de services, voire d’un ou deux élus…), permettra aussi d’aborder la dimension de l’intervention. Son action ne se limitera pas à améliorer la gestion technique des services mais à gérer l’ensemble du projet avec les différents acteurs locaux impliqués. Dans le cas spécifique de l’amélioration des services, on parlera plus volontiers de projet de services. Ces derniers ne sont pas superposables avec le projet de Ville même si l’amélioration de la qualité des services reste un atout certain pour atteindre les défis, les objectifs du PdV.

L’évolution de la parole et de l’attitude des acteurs et promoteurs intervenant dans le cadre des rencontres citoyennes confirmeront les effets émancipateurs du PdV, effets qui touchent toutes les personnes concernées, habitants, élu ou responsable de service. Leurs interventions et leurs paroles, d’abord privées et « patriotiques » évolueront vers une prise de paroles « publique » et explicative. Les interpellations se complexifieront au cours du développement de l’action et ils seront amenés à répondre à certaines interpellations, parfois délicates mais qui exigeront chaque fois, un effort de clarification, de précision des critères qui les ont amenés à prendre certaines décisions.

Au cœur de l’action, des moments-clés !

Le traitement des comportements inciviques manifestés par certains habitants (vitesse excessive en voiture, stationnement sauvage, pollutions, chahut nocturne, dégradations diverses,…) indissociable des solutions plus techniques envisagées par ailleurs (casse-vitesse, parkings,…) sont des moments importants de la vie citoyenne. C’est précisément l’éradication de ces comportements inciviques très fréquemment évoqués qui engendre le plus de débats, notamment sur l’équilibre à trouver entre solutions répressives et solutions éducatives. Et ces « confrontations » permettront l’émancipation des acteurs et des sujets.

La relance de l’action collective (même si elle doit passer aujourd’hui par des négociations plus individualisées et plus existentielles) reste une préoccupation récurrente durant tout le déroulement du processus pour les promoteurs et les animateurs du PdV. Les actions starters constituent, elles, la partie visible et symbolique de l’iceberg du PdV !

Partie visible du PdV : l’action starter. La conception (l’émergence), la réalisation concrète et la valorisation des actions starters sont une étape importante dans la démarche du projet de Ville.

A la fois produits et résultats d’un processus parfois long, pénible et parsemé d’embûches (rencontres « vidange » avec les habitants, manque de pratiques collectives des services communaux,…) et d’un cheminement ayant englobé diagnostics partagés, accouchement de défis à atteindre et apprentissage à la négociation, ces actions impliquant, dans le meilleur des cas, des élus, des professionnels et des habitants motivés, sont aussi un test, à la fois de capacité à travailler ensemble et de reconnaissance des expertises réciproques. Ce sont des moments-clés qui conditionneront, du moins partiellement, la réussite du projet de Ville.

L’action starter, emblématique du changement entrevu, n’est pas la panacée universelle (comme d’ailleurs la pédagogie du projet), c’est une concrétisation, parmi d’autres, des aspirations citoyennes et une méthode de travail qui, pour être efficace, doit remplir de nombreuses conditions d’application.

Des conditions d’action !

L’action starter est en quelque sorte au projet de ville ce que la pédagogie du projet est au projet pédagogique (d’un établissement scolaire, par exemple) : à savoir un moment fort, intense, fruit d’une démarche rendue possible grâce à la bonne volonté et l’implication de tous les acteurs concernés, une action qui marquera les esprits mais qui ne pourra être reproduite de manière systématique.

Pour se donner un maximum de chances de réussite, l’action doit :

  • être portée (faute d’avoir été déclenchée par eux) par un minimum d’habitants, d’élus et de représentants des services qui s’épauleront mutuellement pour aboutir,
  • être choisie parmi un ensemble de propositions constructives, récoltées notamment dans les rencontres citoyennes,
  • être à la portée des habitants concernés , voire leur permettre de « mettre la main à la pâte » (le cadastrage des « projets » envisagés dans la cadre du PdV permettra d’identifier les actions de ce type),
  • doit envisager dans son processus un dispositif d’évaluation permettant à la fois de « mesurer » la productivité du groupe porteur et la qualité de la réalisation finale mais aussi l’évolution des attitudes, des comportements des participants, voire même les objectifs pédagogiques atteints,
  • doit avoir une portée sociale et publique évidente,
  • doit profiter à un maximum de citoyens et
  • être reliée à un « thème fédérateur » qui lui permettra de rebondir par la suite (effet « contaminateur-boule de neige »), elle ne peut être seulement « patriotique »,
  • enfin produire du changement dans le temps et dans l’espace (développement « durable »).

Des conditions de réussite

L’action starter est amenée à remplir différentes fonctions qui peuvent être les suivantes :

  • une fonction symbolique
  • une fonction validatrice et évaluatrice
  • une fonction pédagogique
  • une fonction communicationnelle

La réussite d’une action starter sera le signal fort pouvant déclancher de nouvelles « vocations ». Cette action « starter » est destinée tout particulièrement aux septiques et aux craintifs, de sa réussite dépendra l’adhésion des moins convaincus.

Elle validera le bien-fondé de la démarche tout en permettrant d’évaluer la qualité du processus enclenché et la progression des comportements de tous les publics impliqués

Elle doit en effet permettre de réaliser un bond en avant significatif au niveau, et des représentations mentales des acteurs et de leurs attitudes personnelles mais aussi au niveau des processus organisationnels mis en oeuvre

Enfin elle jouera, à travers les « reportages » qui lui seront consacrés, mais aussi grâce aux témoignages transmis par les porteurs de la démarche (qui auront pris plaisir à y participer) une fonction communicationnelle non négligeable.

A titre d’exemples concrets, citons :

  • l’élaboration de circuits-découverte de la commune de Colfontaine s’appuyant sur les anciens sentiers et ruelles empruntées par les mineurs et sur les terrils recolonisés par la nature,
  • l’aménagement d’un mini-amphithéatre de plein air dans le parc de Baudour (St-Ghislain),
  • la mise en œuvre d’opérations nature-déchets-propreté ,….

Conclusion

Pour conclure le projet de Ville, dans la mesure où on l’envisage comme une utopie agissante susceptible d’activer les potentialités locales et de faire travailler tous les acteurs locaux autrement, peut être une réelle opportunité pour développer une pédagogie émancipatrice. Il permettra aux habitants, aux élus, aux techniciens de s’impliquer de manière plus militante dans la vie de leur commune.

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