Qwè les mecs ? Oufti les filles ! Complices aveugles, les enseignants ?

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Depuis plus de deux ans, Le Grain asbl se penche sur la problématique du genre. Plusieurs ateliers de pédagogie sociale ont accueilli des acteurs de terrain dans des champs et problématiques les plus divers : formation, insertion, … Des études ont été publiées, des articles sont parus sur notre site, les recherches continuent, la réflexion s’organise et les collaborations se multiplient.

Ainsi, dans notre « trésor » issus de diverses collaborations avec des sympathisants du Grain, des perles sont découvertes. En voici une ! Elle date, certes, mais est toujours d’actualité. En effet, les statistiques communautaires du Ministère de l’Éducation Communautaire les plus récentes confirment l’article ci-dessous. Nous vous invitons à le lire, à vous pencher sur cette problématique avec autant de bonheur que nous l’avons fait.

Ce texte est la transcription d’une présentation PowerPoint que nous tenons à votre disposition.

Allons-y, lancez-vous !

à propos de Jacques Cornet[1]

Introduction

En avril 2003, au cours de sciences sociales 2e année, une étudiante de Tenter Plus de HELMo-Ste-Croix, Régendat en sciences humaines, (Cours de sciences sociales : 3e année présente) au groupe une de ses lectures : « Trop fortes les filles ! »[2].

Ainsi, les filles réussissent (beaucoup) mieux que les garçons à l’école, et paradoxalement, les garçons s’orientent (beaucoup) plus que les filles vers les filières socio-économiquement valorisées. Une double inégalité paradoxale, de réussite et d’orientation, remet donc en cause la visée égalisatrice de l’école. Cette présentation suscite une certaine émotion, inégalement répartie … entre filles et garçons et pour tous, beaucoup d’intérêt. Une décision en ressort : le cours de 3e année en sciences sociales sera consacré à la réalisation commune d’une recherche sur ce thème.

1. Le projet de recherches : question de départ, problématique et méthodologie

Nous sommes donc repartis en septembre 2003 de cet article (Trop fortes les filles !) et de la brochure « égalité à l’école » de la CFWB[3] avec le projet de mener nous-mêmes une recherche en sciences sociales à ce propos. Les enjeux de ce projet étaient multiples :

  • notre propre formation en sciences sociales, en priorité évidemment;
  • mais également, la prise de conscience pour nous, futurs enseignants, de notre participation à la reproduction des ces inégalités paradoxales et, on pouvait l’espérer, une modification de nos pratiques;
  • la prise de conscience et la modification des pratiques pour les enseignants avec qui nous allons travailler, • et enfin, modestement, la production et la diffusion de connaissances en cette matière.

Nous avons donc eu la volonté de mener cette recherche du début à la fin en en respectant les différentes étapes, depuis l’émergence du questionnement jusqu’à une forme ou l’autre de publication (au sens de rendre public), en passant bien sûr par la construction d’une problématique et par le recours à des modèles d’analyse et par des investigations sur le terrain.

La question de départ à laquelle nous avons abouti dans un premier temps était la suivante : « Que se passe-t-il dans la classe, et comment les élèves se construisent-ils comme filles et comme garçons ; comment mieux comprendre les inégalités scolaires entre filles et garçons à l’école ? »

En bons apprentis-chercheurs, nous avons suivi les méthodes classiques[4] et commencé par une exploration assez large de la question : revue de la littérature et rencontre de personnes-ressources. Et nous avons abouti assez rapidement à quelques constatations, étonnements et questionnements.

Nous avons d’abord constaté l’excellente et abondante documentation[5], statistique entre autres, sur la question, inutile donc d’en rajouter dans ce sens. Nous avons, ensuite, été surpris de la « violence »[6], constatée dans les études, des attitudes en interaction dans la classe : temps de paroles inégalement répartis, positionnements réciproques, renforcement des conduites stéréotypées, non seulement par les pairs, mais également par les enseignants et enseignantes.

Nous nous sommes étonnés de la contradiction entre cette valorisation des garçons par les enseignant(e)s et leurs résultats scolaires inférieurs, contradiction que nous aimerions explorer : « Les garçons sont-ils si bêtes ou si contrariants que, plus suscités, ils travaillent moins !? ».

Enfin, nous nous sommes interrogés sur la contradiction des problématiques en présence pour expliquer cette double inégalité de réussite et d’orientation, présentant les filles, selon l’angle explicatif choisi, comme dominées et victimes de la détermination sociale, comme stratèges habiles cherchant leur intérêt dans les différentes situations sociales, ou comme personnes engagées dans une certaine réalisation de soi, en fonction de leurs valeurs, et pour chaque point de vue, l’équivalent complémentaire pour les garçons.

C’est donc au cœur de ces contradictions : plus aux garçons qui en font moins, et filles comme dominées, comme stratèges ou comme engagées, que nous avons décidé de travailler. Pour des raisons d’intérêt (nos goûts personnels), de faisabilité (nos moyens, en temps notamment) et d’opportunité pédagogique (nos objectifs de formation), nous avons opté pour une recherche qualitative intensive pour explorer ces contradictions, pour un travail d’observation dans quelques classes et pour des rencontres approfondies avec quelques élèves, filles et garçons.

1e hypothèse : les filles sont dominées

C’est l’explication la plus classique, dans la tradition structuro-fonctionnaliste. La socialisation primaire, en famille principalement et dans les médias, préparerait les petites filles (et les petits garçons) à jouer leur rôle de femme (et d’homme) selon leur statut social en fonction de normes et de valeurs liées à la répartition des rôles et à la division du travail en vigueur dans une société dominée par les hommes[7].

Le processus serait double : par identification et par renforcement. Les petites filles s’identifieraient principalement à leur mère-courage qui, plus qu’avant pour l’exercice de leur profession et autant qu’avant pour les tâches ménagères aussi bien qu’éducatives, devrait encore et toujours faire preuve au quotidien d’altruisme, de persévérance et d’organisation dans le travail, de soin et d’application, de dynamisme discret et de générosité efficace. Les petites filles tiendraient leurs classeurs comme leurs mamans tiennent leur ménage.

Ces dispositions chez les petites filles en identification à la mère, et l’inverse complémentaire chez les petits garçons en identification à leur père, seraient renforcées par l’éducation, à la fois par les attentes de leur entourage auxquelles elles s’efforceraient de répondre et par les encouragements et marques d’affection dès qu’elles y répondent. Cette socialisation primaire resterait donc une machine efficace à fabriquer des petites filles et des petits garçons conformes aux rôles traditionnels. L’école renforcerait elle-même, à la fois par les interactions entre élèves et, surtout, par les pratiques des enseignant(e)s, des attitudes chez les filles, d’écoute et d’application, d’humilité et de réserve, d’ordre et d’organisation, de soin et de régularité, toutes attitudes scolairement très rentables, ce qui expliquerait leur meilleure réussite. Et c’est en vertu de ces mêmes qualités qu’elles s’orienteraient vers des professions conformes aux rôles traditionnels, véritables prolongements de leur fonction naturelle de femme (reproductrice), de mère et de ménagère : aide-soignante, puéricultrice, institutrice, secrétaire dévouée, infirmière, logopède, assistante sociale, … L’école, au contraire, renforcerait chez les garçons, à la fois par les interactions entre élèves et surtout par les pratiques des enseignant(e)s, des attitudes inverses de contestation et d’opposition, de fanfaronnade et de compétition stérile, de dispersion et de versatilité, de recherche de domination, toutes attitudes scolairement très peu rentables, ce qui expliquerait leur moins bonne réussite. Et c’est en vertu de ces mêmes qualités qu’ils s’orienteraient vers des professions conformes aux rôles traditionnels, véritables prolongements de leur fonction naturelle de mâle (producteur) : maçon, camionneur, ingénieur, cadres et patrons de l’industrie et du commerce.

Nous étions évidemment très curieux de vérifier, principalement par l’observation des interactions dans les classes, mais aussi à travers les interviews dans une évaluation des dispositions sexuées construites, dans quelle mesure cette explication reste valide en comparaison des deux autres.

2e hypothèse : les filles sont calculatrices

Plus fidèle à l’individualisme méthodologique ou à l’interactionnisme, cette explication fait des filles des acteurs beaucoup plus libres, réalisant des choix en termes d’évaluation coûts / bénéfices. Les filles, plus que les garçons, seraient des acteurs conscients des réalités sociales et économiques, renonçant à les changer, mais bien décidés à s’y adapter en fonction de leurs intérêts.

Ainsi, dans la dynamique de la classe, elles renonceraient à entrer en compétition avec les garçons, le jeu, ni l’enjeu, n’en valant pas la chandelle, ce qui ne les empêcherait pas de regarder avec une ironique sympathie les gesticulations des garçons. Elles renonceraient aussi à s’attirer la confiance et l’exigence combinées de l’enseignant, à revendiquer une égalité de traitement, d’autres comportements présentant plus d’avantages scolaires, ce qui ne les empêcherait pas non plus de regarder avec plus d’ironie et moins de sympathie l’inconscience conservatrice de leurs profs. Elles optent donc aux moments et aux lieux adéquats pour les comportements scolaires rentables, ce qui explique leurs meilleurs résultats, se réservant d’autres comportements plus jouissifs (et féroces pour les garçons et les enseignants) en d’autres lieux et circonstances.

C’est cette même logique stratégique qui expliquerait les choix d’orientations pour les filles. Elles opteraient pour des professions qui leur permettraient d’allier au mieux exigences professionnelles et exigences familiales : enseignantes pour l’équivalence d’horaire avec les enfants en âge scolaire, professions pouvant s’exercer au moins en partie à domicile, … etc.

C’est aussi avec beaucoup de curiosité que nous avons tenté d’évaluer la pertinence de cette explication aussi bien dans l’observation des interactions dans la classe que dans les interviews et le type de rationalisation de leurs stratégies comportementales.

3e hypothèse : les filles sont engagées

Enfin, une perspective théorique beaucoup plus récente, encore difficile à situer[8], fait des filles des acteurs sinon plus libres, en tout cas des sujets plus émancipés. On n’est plus ici ni dans une logique de détermination sociale, ni dans une logique stratégique d’anticipation des sanctions solaires et du marché du travail, mais dans une logique de construction du sujet par lui-même. Les filles, plus que les garçons, grâce justement à la volonté émancipatrice des mères et de l’école dans une situation de domination, seraient devenues beaucoup plus autonomes par rapport aux pressions sociales, aux normes et valeurs associées aux rôles traditionnels. Aussi bien, dans la dynamique de la classe, dans l’investissement scolaire, que dans le choix des options et des filières et que dans l’orientation professionnelle, les filles témoigneraient finalement d’une grande maturité sociologique, cherchant principalement à se réaliser elles-mêmes dans le respect des autres.

Si elles travaillent plus, ce ne serait pas par plus grande soumission, mais par plus grand intérêt d’apprendre ; si elles choisissent le latin, l’histoire, la biologie ou les sciences sociales, ce ne serait pas par fuite mais pour le caractère plus épanouissant de ces matières scolaires à fonction principalement formative, quand les garçons choisissent plus les maths et la physique, non par goût, mais par plus grande soumission à la pression sociale pour des disciplines scolaires à fonction principalement sélective ; et enfin, si elles optent pour des carrières de recherches (bio-médicales, par exemple, où elles sont largement majoritaires), de travail social, enseignant ou médical, ce ne serait ni par soumission aux rôles traditionnels, ni par recherche d’horaires moins contraignants, mais bien parce qu’elles estiment pouvoir mieux se réaliser dans ces professions moins bien payées financièrement, mais bien plus épanouissantes sur le plan personnel. C’est avec une curiosité encore plus passionnée que nous avons tenté d’évaluer cette visée émancipatrice et prometteuse, et que nous avons tenté de l’évaluer, principalement à travers les entretiens et le niveau d’expression des valeurs humanistes dans leur présentation de soi, mais aussi et plus difficilement dans l’observation des interactions dans la classe.

Corollaire aux 3 hypothèses : Les garçons sont des dominants soumis

Quel que soit le modèle explicatif envisagé pour comprendre la réussite supérieure des filles et leur orientation « inférieure », les garçons apparaissent toujours comme à la fois bénéficiaires et victimes de la domination masculine. Ils bénéficieraient d’un plus grand temps de parole à l’école, d’une attention et d’une considération supérieures de la part de leurs professeurs, et s’ils réussissent, ce qui dépend plus de leur origine sociale, ils auraient un meilleur accès aux filières et carrières prestigieuses. Mais cela serait au prix d’une beaucoup plus grande soumission aux statuts et rôles, aux normes et valeurs traditionnels.

Infériorisés par la meilleure réussite des filles, les garçons se sentiraient obligés d’entrer dans la compétition et la surenchère, compétition et surenchère qui les conduiraient soit aux échecs et relégations, soit aux orientations scolaires prestigieuses, dans les deux cas, d’une certaine manière, pour en faire plus que les filles. L’émancipation des filles favoriserait ou renforcerait le malaise identitaire chez les garçons. Et cela serait perceptible dans la classe.

Et pour les garçons plus encore que pour les filles, l’origine sociale serait déterminante en combinaison avec les effets de genre[9]. Les garçons d’origine sociale défavorisée, et peut-être plus encore d’origine immigrée, renforceraient leur identité virile par des comportements scolairement suicidaires. Quant aux garçons d’origine sociale élevée, c’est dans les maths et la physique qu’ils chercheraient leur virilité !

Il nous était assez difficile de croiser les deux effets (d’origine sociale et de genre), mais nous étions également curieux d’évaluer aussi bien dans l’observation des interactions dans la classe, que dans les interviews, comment les garçons se situent face à la meilleure réussite des filles, comment s’exprimerait leur malaise identitaire et en quoi leurs positionnements pourraient leur être préjudiciables pour leur réussite scolaire.

Notre modèle d’analyse : une combinaison complexe

Nous avons évidemment conscience que ces types idéaux liés à des modèles théoriques sont différents sans être concurrents, contradictoires sans êtres exclusifs et qu’il est assez manifeste que les filles (et les garçons) sont à la fois dominées, calculatrices et engagées et que dans un contexte de désinstitutionnalisation du monde[10], chacun(e) est obligé(e) de se reconstruire en composant avec les différentes logiques, celle de l’intégration (rôles et normes), celle du marché (intérêts et stratégies), celle du sujet (valeurs et projets). Il sera donc intéressant d’évaluer dans quelle mesure ces trois logiques sont à l’œuvre et en quoi elles nous permettent de mieux comprendre les variations scolaires et de mieux maîtriser, avec plus de conscience, nos pratiques pédagogiques. Il est vraisemblable aussi, et nous avons essayé d’y être attentifs, encore que cela soit difficile à cerner, que dans les dispositions et variations individuelles[11], la part de dispositions relativement permanentes, socialement déterminées et la part de variations individuelles, personnellement construites sera variable en fonction d’autres critères, liés à l’origine sociale des personnes. Au risque de sortir d’un déterminisme pour tomber dans un autre, on peut sans doute faire l’hypothèse que l’émancipation sexuelle est aussi liée à l’émancipation sociale et que l’engagement personnel des filles dans une émancipation scolaire qui conduit à une réalisation de soi plus délibérée dépend des ressources culturelles familiales liées à la position sociale et aux conditions de vie de ces familles. Et inversement pour les garçons, comme proposé ci-dessus.

Dispositifs de recherche

Pour mettre à l’épreuve les modèles explicatifs décrits ci-dessus, nous avons mené deux types d’investigations : des observations dans les classes, pendant différentes heures de cours avec des professeurs hommes et femmes différents, de disciplines différentes, et des entretiens approfondis et répétés avec des élèves, filles et garçons, membres des classes observées.

Ces investigations ont été menées dans quatre écoles différentes : deux écoles d’enseignement général et deux écoles d’enseignement technique et professionnel. Il n’y a donc aucune prétention de représentativité de notre part. Nous voulions simplement confronter notre modèle d’analyse à la réalité empirique et espérions ainsi mettre au jour des tendances dispositionnelles nous permettant de mieux comprendre les inégalités filles/garçons. Le lecteur jugera de la pertinence de nos résultats. L’observation dans la classe était d’abord guidée par une grille d’observation assez stricte (grille jointe en annexe), construite à partir d’observations déjà réalisées dans les classes par d’autres recherches dans ce but et dans une orientation plus fonctionnaliste, faite d’indicateurs de tout ce qui témoigne d’une logique déterministe en matière de rôles et statuts, de normes et valeurs (voir ci-dessus des filles dominées et des garçons dominants soumis).

Le caractère assez systématique de cette grille a été compensé par une attention particulière à tout ce qui pourrait révéler la présence des deux autres logiques, stratégique, comme recherche d’intérêts dans un rapport coûts/bénéfices, et projective, comme recherche de réalisation de soi à travers des valeurs humanistes. Chacune des observations de classe a été réalisée conjointement par trois observateurs qui ont comparé leur rapport d’observation après sa rédaction pour en composer un commun après discussion et sans gommer les divergences qui pouvaient s’avérer significatives par la suite.

Pour les entretiens, nous nous sommes inspirés très librement de Portraits sociologiques ([12] en réalisant deux entretiens par personne distant de deux semaines chacun. Chaque entretien a été réalisé par deux interviewers de sexe différent pour deux ou trois interviewés de même sexe entretenant entre eux des liens amicaux. Chaque groupe de témoins a été entretenu autour de ce qu’est être fille ou garçon dans ce cadre, un par entretien, portant autour de deux thèmes : (1) l’école et l’histoire scolaire du sujet et ses projets d’avenir en cette matière, ainsi que ses projets professionnels, (2) la famille et l’histoire du sujet dans sa famille et ses projets d’avenir en cette matière, les loisirs, les copains et les participations autres que familiales et scolaires et ses projets d’avenir en cette matière. Il s’agissait d’entretiens semi-directifs avec un guide d’interview par entretien (guides d’interview en annexe).

Ces entretiens essayaient aussi de faire la part du déterminé et du construit, du stratégique et du projeté, des normes, des intérêts et des valeurs. Ils essayaient d’évaluer dans quelle mesure des dispositions sexuées plus ou moins permanentes ou non, plus ou moins variables selon les contextes et plus ou moins déterminées par les rôles attendus ou plus ou moins construits par les projets personnels pouvaient influer sur la réussite et l’orientation des uns et des autres.

2. Résultats de la recherche : des dispositions scolaires en tensions

L’étroitesse de notre échantillon et sa diversité nous ont rapidement fait prendre conscience des limites de notre travail. En effet, tant dans les observations que dans les entretiens, les différences entre établissements et, principalement, entre enseignement général et enseignement professionnel et corollairement les différences en termes d’origine sociale des élèves se sont avérées beaucoup plus spectaculaires que les différences de genres.

Néanmoins, bien que ces différents facteurs soient évidemment corrélés entre eux, il est apparu, dans l’analyse des observations et des interviews, possible d’isoler des éléments liés au genre et apparaissant avec une certaine régularité. Même si ces éléments pouvaient apparaître de manière contradictoire d’un type d’enseignement à l’autre. Dès lors, il nous a semblé pertinent de proposer une interprétation transversale des résultats des observations et entretiens, interprétation transversale aussi bien aux établissements qu’aux genres. Il nous a semblé pertinent de rendre compte des variations individuelles en lien principal avec le genre, mais aussi avec l’origine sociale, le type d’école ou tout autre facteur non identifié, à travers cinq axes de tensions que nous distinguons ci-dessous.

C’est du matériau d’analyse (observations et interviews) que nous avons dégagé ces tensions, en référence bien sûr avec notre modèle d’analyse. Cela veut dire que nous n’avons pas appliqué de force notre modèle d’analyse au matériau, mais que, inspirés par notre modèle, nous avons dégagé de ce matériau ce qui nous apparaissait comme des régularités et que nous avons reconstruit ces régularités en cinq axes de tensions. Ces axes de tensions (répétitif) expriment des dispositions liées au genre et qui favorisent ou défavorisent la réussite scolaire et qui participent également à l’orientation scolaire. Voici ces cinq axes de tensions :

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Avant de détailler chacun de ces axes à partir de notre matériau, rappelons le principe des axes des tensions : il est dialogique. Cela veut dire, dans notre cas, que chaque garçon ou fille est traversé par chacun de ces axes et que personne n’est entièrement identifiable sur un seul pôle d’un seul axe.

L’axe des rôles masculins et féminins

Pour les 16 cours observés (4 cours différents dans 4 écoles différentes), ce sont bien sûr plus des rôles d’élèves qui ressortent en interaction avec des rôles d’enseignants dans un contexte institutionnel scolaire, et cela bien plus que des rôles masculins et féminins. Et il faut bien dire que ces rôles d’élèves se définissent le plus souvent de manière négative. Les cours sont pratiquement tous donnés en dialogue frontal, un dialogue frontal où le temps de paroles de l’enseignant est largement dominant et où les échanges verbaux sont très peu organisés. La plupart des élèves (filles et garçons) prennent la parole de manière totalement spontanée, parfois de manière intempestive, souvent même si un autre élève est déjà en train de parler. D’autres élèves (filles et garçons) bavardent entre eux, témoignent verbalement ou non verbalement de leur désintérêt, voire de leur ennui. Lorsqu’il est question d’exigences (exercices, travail, interrogation, devoir), la plupart des élèves (filles et garçons) tentent de remettre la commande en questions ou de négocier les exigences à la baisse. Dans l’enseignement professionnel, la grande majorité des élèves (filles et garçons) ne disposent que d’un matériel scolaire très réduit (pas de mallette, pas de cours en ordre, souvent pas de papier pour écrire, …) et sont rarement en ordre (journal de classe, par exemple). Bref, des élèves qui s’ingénient à jouer le rôle de celui qui en fait le moins possible en relation avec des enseignants qui ont partiellement renoncé à jouer le rôle de celui qui en exige le plus. C’est à l’intérieur de ces rôles d’élèves assez négativement stéréotypés (l’âge intervient certainement : 3e année du secondaire) que des différences assez claires apparaissent entre filles et garçons, de manière individuelle, mais aussi en interaction avec l’enseignant.

Les filles apparaissent malgré tout, en effet, comme beaucoup plus scolaires en général. Elles disposent d’un matériel plus complet et mieux rangé. Leurs classeurs sont mieux tenus. Elles demandent plus la parole et interviennent moins sauvagement. Quand elles ne participent pas au cours, elles bavardent entre elles plutôt que de manifester leur opposition. Elles posent plutôt des questions de compréhension à propos du cours et des questions de précision (ce qu’il faut « savoir ») à propos des exigences. Si de manière générale, les filles apparaissent à l’école comme beaucoup plus organisées, avec des cours, des classeurs, un journal de classe, du matériel plus en ordre que les garçons, et si, pour la plupart, elles trouvent normal de devoir entretenir leur chambre à la maison elles-mêmes, elles tiennent aussi à corriger cette image féminine traditionnelle en disant que leur chambre est « bordélique » avec des vêtements par terre et des feuilles ou des livres au pied du lit.

Les garçons, à l’inverse, sont moins en ordre, interviennent beaucoup plus intempestivement, s’affirment dans la classe par leur prise de parole sans autorisation et en coupant la parole à d’autres, et surtout aux filles, se moquent des filles et de leurs réponses et accaparent en général une bonne part de l’attention de l’enseignant. Ils posent plutôt des questions de remises en questions formelles à propos du cours et des questions de revendications à propos des exigences.

L’attitude des enseignants est assez interpellante. Il est étonnant de constater un mode de fonctionnement assez largement partagé : le dialogue frontal sans réelle gestion des échanges. Ce mode de fonctionnement favorise évidemment des attitudes masculines préjudiciables à la réussite scolaire des garçons et préjudiciables à l’assurance des filles. Les enseignants, hommes ou femmes (mais les femmes étaient plus nombreuses dans les cours observés) se laissent assez largement accaparer par les garçons, et souvent avec une certaine complaisance, soit pour des rappels à l’ordre, soit le plus souvent pour des renforcements, de l’aide, ou une recherche de connivence. Quoi qu’il en soit, les enseignants participent ainsi sans le vouloir au renforcement chez les garçons d’attitudes d’affirmation de soi, d’ailleurs assez puériles, mais de toutes façons en dehors du travail scolaire lui-même, en dehors de (ou contre) l’ordre scolaire. Et ils participent également au renforcement d’attitudes chez les filles d’application effacée.

Dans un des cours observés, une situation apparaît assez symboliquement représentative. Au cours des interactions dans la leçon, l’enseignant ignore à trois reprises la demande de paroles d’une fille et permet les interventions sauvages d’un garçon qui finit par demander de l’aide pour sa prise de notes. Le professeur s’interrompt alors pour aider ce garçon et va même jusqu’à emprunter l’effaceur de cette même fille qu’il a ignorée pour effacer lui-même les notes erronées du garçon. Ainsi cette fille ne trouve sa place dans le groupe qu’en étant au service efficace et discret des autres (et surtout des garçons) et ce garçon ne trouve sa place dans le groupe qu’en essayant de la prendre toute justement et cela, avec un égocentrisme dépendant.

Lors des interviews, les propos des uns et des autres confirment assez largement ces attitudes, principalement pour l’enseignement général. Les garçons disent des filles que « elles veulent toujours en faire plus ». Les filles disent que « ce sont les garçons qui font rire, ils lâchent des conneries ». Les filles parlent volontiers des cours, de leur contenu, de leur intérêt ou non, de leur travail ou non, alors que les garçons parlent plus volontiers des bêtises qu’ils y font. Deux filles diront des filles que « elles sont plus consciencieuses, plus méticuleuses, moi, je recopie mes cours le soir, cela me fait perdre du temps, mais j’étudie plus facilement ». Ce type de propos est tout simplement inimaginable dans la bouche d’un garçon. Elles se disent également fières de prêter leurs notes aux autres. Dans les interviews, les différences entre l’enseignement général et professionnel apparaissent très fortes également (en lien très certainement avec les origines sociales). Ainsi les malaises identitaires en termes d’identités masculines et féminines sont exprimés par les élèves de l’enseignement professionnel et beaucoup moins dans le général. Les filles du professionnel prennent distance par rapport à leur propre milieu familial, affirment ne jamais se confier à leur mère mais beaucoup à leurs amies et leur « copain ». Certaines disent fuir le plus possible leur famille. Alors que les filles du général valorisent beaucoup leur propre famille et affirment se confier et parler beaucoup avec leurs parents et principalement avec leur mère.

Les tâches ménagères sont, en général, effectuées par les mères et l’aide est demandée aux filles et non aux garçons. Ou, si elle est demandée aux garçons, ils disent trouver les moyens de se défiler. Ce (non) partage des tâches est l’occasion pour trois des filles interviewées (du professionnel) d’exprimer sans s’en rendre compte les contradictions dans lesquelles elles sont prises.

Ces trois filles ont chacune un « copain » qui compte beaucoup : « on est sérieuse et fidèle avec ». « Le rôle d’un copain, c’est d’être là tout le temps, quand on en a besoin, nous aimer, … ». (…) « Notre copain, plus tard, devra avoir le rôle du père ». (…) « Chez nous, notre père ne fait rien à la maison, mais chez moi, ce ne sera pas comme ça ! Mon copain devra cuisiner, nettoyer comme moi, ou sinon, c’est un manque de respect. Chez nous, quand mon père rentre du travail, le souper doit être prêt, il ne débarrasse pas la table puis il va devant la télé. » (…)

Mais aussi, « l’origine (italienne, 3e génération), c’est notre fierté, mais on n’ira pas habiter là-bas, car on est nées en Belgique et on a nos souvenirs … C’est important que notre copain soit de la même origine que nous, ou sinon la mentalité n’est pas la même ». Et à un autre moment, l’une d’elles ajoute : « Le plus important, c’est la vie sentimentale, la famille ; même s’il faut être caissière pour eux, je le ferais ! ».

D’autres filles du professionnel s’affirment dans l’interview comme rebelles et valorisent des attitudes de mauvais garçon (voir plus bas) bien peu compatibles avec les rôles traditionnels. Néanmoins ces mêmes filles « rebelles » ont des cours en ordre et savent jusqu’où il ne faut pas aller à l’école.

Ce ne sont certes pas les filles du général qui pourraient tenir ce genre de propos concernant leur couple ou famille futurs. Si, au contraire, elles valorisent beaucoup leur famille actuelle et parlent avec leur mère de leur avenir, c’est en lien avec le présent scolaire et sans parler de leur avenir familial. Elles puisent dans leur famille présente des motivations en lien avec les rôles traditionnels, mais en les valorisant. Des choix d’options ou des projets professionnels s’y rattachent et tournent autour de l’aide et du relationnel. « On a choisi les sciences sociales parce qu’on s’intéresse aux gens ». Elles disent avoir « la passion du contact, de l’aide, des voyages humanitaires, des problèmes des SDF, … », problèmes dont elles parlent entre elles à la récréation et avec leur mère en famille. Ainsi la conformité au rôle traditionnel devient implication personnelle (voir plus bas).

Les garçons, aussi bien du général que du professionnel, ne parlent pas famille. Ce n’est pas leur truc. De manière assez traditionnelle, ils parleront plus de leurs hobbies, sports, sorties, intérêts extérieurs. Sauf un garçon d’origine turc et dans l’enseignement professionnel qui a tenu, face à deux intervieweuses (et un interviewer plus en retrait) à faire de la provocation. Cette provocation est malgré tout révélatrice d’un malaise identitaire qui n’est pas sans répercussion sur l’intégration et la réussites scolaires.

« C’est un homme qui gouverne à la maison. Débarrasser la table, faire le ménage, s’occuper des enfants, c’est un truc de femme. Un homme qui fait la vaisselle, j’ai envie de lui cracher à la figure, ça me fait pitié, c’est une mauviette. (…) Il faut frapper sa femme et ses enfants, comme ça, ils ne le feront plus, j’ai été élevé comme ça. (…) Obligé que je me marie avec une fille de Turquie, qui sait faire à manger à l’ancienne, comme ma mère. Il me faut une fille du village, qui ne se la pète pas. (…) Une fille doit s’occuper de la maison. Une femme est au foyer. Elle peut travailler si elle rapporte beaucoup d’argent. (…) L’argent, ça fait tout. L’amour ne rapporte pas d’argent. Les sentiments, on sait vivre sans. »

On voit donc à travers ce qui vient d’être relevé que les rôles traditionnels masculins et féminins restent bien à l’œuvre dans l’élaboration des dispositions personnelles. Rôles traditionnels féminins qui favorisent des dispositions scolaires adaptées à l’ordre scolaire et favorables à la réussite, et rôles traditionnels masculins qui favorisent des dispositions contraires à l’ordre scolaire et défavorables à la réussite. Ajoutons que pour ce que nous avons observé, l’école et les enseignants ne prennent aucunement en compte ces prédispositions et que dans le fonctionnement observé de la classe, les enseignants, au contraire, ont tendance à renforcer ces dispositions sans en avoir conscience et sans le vouloir.

L’axe de l’implication personnelle

Cet axe de l’implication personnelle est sans doute celui où se marquent les plus grandes différences. Bien sûr, notre échantillon est très réduit et les observations à ce propos mériteraient d’être vérifiées. Elles semblent en tout cas très pertinentes pour la compréhension du phénomène étudié (double inégalité scolaire filles / garçons). Au lecteur de confronter ces observations avec sa propre réalité. Mais de manière simplifiée, on peut constater une grande implication scolaire pour les filles du général, une grande implication extra-scolaire pour les garçons du général et une affligeante et forte désimplication pour les filles et garçons du professionnel. Autant dans l’observation que dans les interviews, aucun intérêt véritable pour rien n’apparaît chez les garçons et les filles du professionnel, aucun intérêt en tout cas suscitant une mobilisation de la personne, une activité orientée vers un but, un travail de soi sur soi. Ils semblent entièrement pris par le bon plaisir (ou l’ennui au cours) du moment : papotages des filles et commentaires au sujet des garçons, sorties en boîte, alcool, drogues douces, jeux vidéo, séries télévisées, … On peut faire l’hypothèse que cette désimplication, cette incapacité à se mobiliser dans une activité orientée vers un but joue grandement dans leurs difficultés scolaires. Et à nouveau, l’école et les enseignants, sans doute par incapacité institutionnelle et personnelle, font bien peu pour travailler cette disposition au travail indispensable à la réussite de quelque projet que ce soit.

La désimplication scolaire apparaît même comme la norme de groupe. La honte suprême est de passer pour une intello. Ce sont les filles qui le disent, que, même si parfois elles s’intéressent à un cours et ont envie de proposer une bonne réponse, elles se l’interdisent pour ne pas se faire traiter d’intello. Les garçons n’ont même pas besoin de le dire tant cela leur paraît évident. Il est vraisemblable que cette norme anti-scolaire, cette infamie de collabo soit leur œuvre en grande partie. Dès lors, pour l’enseignant, installer un climat de travail et d’apprentissage dans la classe devient une véritable gageure.

Il faut cependant nuancer un peu ce noir tableau. Plusieurs des filles interviewées se montraient très « mobilisées » par leur couple et leur projet familial lié à un fort désir d’indépendance par rapport à leurs parents. Elles se disaient prêtes à fournir le travail nécessaire pour avoir les points suffisants pour ne pas doubler. Il reste évidemment que cette motivation de ne pas doubler pour ne pas rester dépendantes de ses parents une année de plus est une bien pauvre motivation pour apprendre. L’option choisie ou non peut bien sûr jouer aussi. Ainsi certains garçons en hôtellerie se disaient très fiers de cuisiner pour leurs parents des recettes apprises à l’école. Leur implication personnelle dans les cours techniques de l’option était ainsi très positive, mais ils déclaraient en même temps ne pas comprendre pourquoi on leur imposait des cours généraux qui « ne servent à rien ».

Dans une des deux écoles d’enseignement général (la plus socialement favorisée), les filles, à l’opposé, en font presque trop. Elles disent étudier le temps qu’il faut pour tout connaître, elles visent les résultats satisfaisants pour elles. Si elles n’obtiennent pas les résultats qu’elles veulent, elles se disent qu’elles pourraient mieux faire. Elles ne comprennent pas que certaines personnes n’étudient pas ou peu. Elles sont fières de dire le temps (important) qu’elles ont mis pour étudier une matière. Elles ont peur de perdre leur fierté en demandant de l’aide lorsqu’elles sont en difficultés. Et surtout elles disent le faire pour elles-mêmes. L’une d’entre elles accompagne sa sœur à l’université pour y suivre des cours avec elle. En récréation et en famille, elles parlent de sujets, de thèmes, de problèmes traités en classe ou en lien avec des choses vues dans les cours. Elles trouvent les garçons de leur classe « gamins » et incapables de discuter avec elles de sujets « plus philosophiques ».

Dans l’autre école d’enseignement général (plus hétérogène socialement), cette forte implication scolaire des filles est plus éclectique. Il y a les cours qu’elles aiment bien, et dans ceux-là, elles aiment avoir de bons points et déclarent « avoir envie de continuer à progresser ». Ou encore : « Je ne supporte pas avoir de mauvais points quand j’aime bien un truc, quand je sais que j’aurais pu faire mieux ». Mais, « Les mauvais résultats dans un cours qui ne m’intéressent pas, je m’en fous, ou alors, à force d’avoir des mauvais résultats, tout le temps, ça ne me touche plus, je ne m’étonne plus ».

L’une d’elles voudrait devenir éducatrice ou institutrice primaire pour rester dans l’enseignement et parce qu’elle aime les enfants. Parallèlement, elle aimerait devenir avocate mais elle se dit que ça va être dur parce qu’elle rencontre des difficultés pour étudier. Elle se dit aussi qu’avec les enfants maintenant, ça doit être difficile, « leur façon de faire avec les profs, j’aimerais pas être traitée comme ça ! ». Une autre pratique le théâtre comme activité extra-scolaire et envisagerait de poursuivre par la suite des études d’art dramatique. Mais, en en discutant souvent avec sa maman, elle se rend bien compte que c’est peu accessible. Elle voudrait quand même faire ce type d’études, parce qu’elle aime se mettre dans la peau de plein de personnages. On voit ainsi finalement beaucoup de maturité dans les propos de ces filles de 14 ou 15 ans pour qui l’implication scolaire est une implication personnelle qui lie l’école à la vie. Pour elles, l’école prend un sens dans leur présent familial et en lien avec des projets de vie. Il est vraisemblable que cela joue un rôle positif en faveur d’une meilleure réussite scolaire.

Les garçons, dans l’école d’enseignement général la plus socialement valorisée, présente comme les filles de cette école une très forte implication personnelle, mais dans leur cas, extra-scolaire. Ils sont complètement pris par leur groupe de musique, répètent chez eux et à l’école (un local est mis à leur disposition), ne discutent que de ça, lisent des revues spécialisées, visitent les magasins spécialisés, vont aux concerts, … L’un des deux est également passionné de jeux vidéo, lit de la littérature fantastique et écrit des scénarios de jeu vidéo qu’il pourrait un jour réaliser. A côté de leurs passions, l’école leur apparaît comme un mal nécessaire. Ils font ce qu’il faut pour réussir mais ne se préoccupent que peu des cours en eux-mêmes. Plus tard, ils se verraient bien concepteur de jeu vidéo ou ingénieur, ils ne savent pas, ils n’y ont pas vraiment réfléchi. On peut faire l’hypothèse que cette forte implication personnelle extra-scolaire développe des capacités d’usage de soi vraisemblablement favorables à la réussite scolaire et certainement favorables à l’affirmation de soi et aux orientations ambitieuses.

Les garçons de l’autre école d’enseignement général (plus hétérogène socialement) ne présentent pas la même forte implication personnelle. Ils sont conscients qu’il faut travailler pour réussir mais ils n’arrivent pas toujours à le faire. Ils travaillent pour avoir un métier (sans projet particulier) et pour « ne pas se faire engueuler ». Ils estiment devoir être dans la moyenne pour ne pas se faire remarquer, avoir « des copains intellos et des autres », pour équilibrer. Un d’entre eux dit travailler pour lui et « se foutre des points des autres ». Ils apprécient les profs qui rendent leur cours intéressant et sont alors prêts à s’y investir et à y trouver du plaisir à travailler.

Ces grandes différences en matière d’implication personnelle apparaissent ici presque comme trop typiques, trop pertinentes pour rendre compte du phénomène étudié. Elles mériteraient donc d’être vérifiées par un échantillon plus large.

L’axe de l’investissement de soi

On retrouve ici aussi le même double clivage : filles / garçons et général / professionnel, même si les choses sont plus complexes que simplement opposées. Ce qui est certain, c’est que les filles s’investissent beaucoup plus dans le relationnel et les garçons dans les activités ou le matériel. Pour toutes les filles du professionnel rencontrées, les copines revêtent une importance considérable. On arrive volontairement plus tôt à l’école pour pouvoir se parler et se raconter sa soirée de la veille. Et après les cours, on traîne encore pour discuter. « Nous, les filles, on a besoin de se parler, on se confie beaucoup, tandis que les mecs parlent de foot … ». Les seuls cours qui trouvent grâce à leurs yeux sont ceux où l’enseignant établit une relation satisfaisante : « un bon cours pour nous, c’est quand le prof nous laisse nous exprimer et nous écoute ». Ou encore : « Quand j’aime pas un cours, c’est à cause du prof ou des élèves, mais jamais à cause du cours lui-même ; même si j’adore le cours, mais que j’aime pas le prof, je suis mofflée dans le cours. »

Cette importance du relationnel n’exclut pas un investissement important dans le matériel. « On est super dépensières : maquillage, cartes de gsm, vêtements, … ». L’équipement des chambres personnelles laisse perplexe : TV personnelle, DVD, ordinateur, parfums, …, mais le GSM, « c’est important pour envoyer des sms à notre copain, mais avoir le dernier modèle, c’est pas important » et les peluches, « c’est pour dormir avec ». On peut craindre qu’entre les copines, le petit copain, les peluches et la TV, il reste peu de temps pour se préoccuper du travail scolaire.

Aussi bien pour le relationnel que le matériel, les filles du général éprouvent moins le besoin d’en parler, de le mettre en avant. Les relations importantes pour elles sont les relations familiales, parents, frères et sœurs, mais surtout la mère avec qui elles parlent beaucoup, encore n’en font-elles pas une définition d’elles-mêmes prioritaire. Elles ne parlent pas de ce qu’elles possèdent (gsm, équipement de la chambre, …). Et pour les cours, la relation avec l’enseignant n’est pas déterminante, même si l’une d’entre elles dit : « Quand j’aime bien le prof, je travaille plus facilement ! », ou encore : « Je n’aime pas faire des efforts avec des gens que je n’aime pas ». Dans l’école d’enseignement général plus hétérogène, elles disent aimer les profs avec qui on peur communiquer, parler et avec lesquels elles sont plus libres. Mais dans l’école socialement plus favorisée, c’est clairement le contenu du cours et les points obtenus qui priment. Les garçons, eux, sont en général plus investis dans des activités : les copains comptent bien sûr, mais moins que ce qu’on fait avec eux, musique, sports ou sorties. Ils accordent moins d’importance aussi aux relations avec les enseignants avec qui l’opposition compte plus que la relation. Les garçons du « général plus favorisé » sont totalement dans leur activité musicale. Un des garçons du professionnel est, lui, totalement dans ce qu’il possède : son gsm, sa TV, sa Xbox, sa GameCube, son ordinateur, son fauteuil « royal » dans lequel il est le seul à pouvoir s’asseoir, …, dans une chambre qu’il range « nickel ».

L’axe des attitudes au travail et à l’autorité

Toutes les filles rencontrées apparaissent comme beaucoup plus pragmatiques dans le cadre scolaire, même si la plupart d’entre elles (sauf celles du général favorisé) valorisent parfois des attitudes de mauvais garçon. Certaines des filles du professionnel disent aimer boire, se saouler, et même se battre, mais dans le cadre scolaire, elles veillent à « ne pas dépasser les limites ». Une des filles du général hétérogène dit « qu’avec elle, on rigole tout le temps parce qu’elle fait l’andouille dans la cour » et l’autre dit aussi aimer « déconner », mais cela se fait en dehors de la classe. Une fille de professionnelle dit : « A la maison, je suis la plus petite mais la plus rebelle par rapport à mes frères, mais à l’école, c’est pas pareil, je ferme ma gueule ! ». C’est un peu comme si ces filles refusaient de se voir comme des petites filles sages et se présentaient comme des mauvais garçons, mais toujours dans des limites « calculées ». « On attend toujours la dernière limite avant d’aller en classe, mais jamais trop longtemps pour pas avoir de notes ». Calculs que les garçons semblent incapables de faire. « On a parfois des remarques de comportements, mais jamais les mêmes que les garçons ».

Le calcul pour les filles en professionnel est d’ailleurs parfois compliqué : « On n’ose pas répondre en classe car on se fait traiter d’intellos, alors quand on répond, on casse un peu la prof (réflexions rebelles) comme ça, on répond quand même et on passe pas trop pour des intellos. » Parfois aussi, le côté rebelle l’emporte : « Quand, j’ai une note, j’agresse le prof, je demande pourquoi, mais le plus souvent, les notes sont débiles ». Leur pragmatisme est d’ailleurs ambigu : « On ne pense pas du tout au futur, si ça se trouve, demain, on ne sera pas secrétaire, on sera au chômage ou écrasée par un bus ! » Et, « On travaille pour sortir : si on double, c’est une année de salaire en moins et une année en plus où on est dépendantes. » (…) « L’école, on s’en fout, ça sert à rien : exemple de mon père et de mon frère qui n’ont pas fait d’études et qui s’en sortent très bien. »« Ce qui me motive, c’est mon copain, car si je travaille, mes parents m’autorisent à le voir et en plus, lui, il ne veut pas sortir avec un âne. » (…)

Mais malgré ces ambiguïtés et ces désirs rebelles, il y a cet esprit pratique qui l’emporte chez les filles et pas chez les garçons : « On n’aime pas faire ses devoirs car on perd du temps pour la fin de journée, mais on les fait toujours pour les points. ». Tandis que les garçons : « en septembre, on a envie de réussir, mais en mai, on en a marre ».

Ce côté « stratégique » des filles arrive à son comble avec les filles du « général plus favorisé » lorsqu’elles estiment que leur prof de français est en retard sur le programme et qu’elles décident alors de prendre les choses en mains pour faire avancer le cours plus rapidement et plus efficacement ! De manière générale, les filles n’éprouvent pas le besoin de s’affirmer personnellement « contre » l’ordre scolaire, « contre » l’autorité, alors que les garçons du professionnel l’affirment avec fierté : « je riposte toujours avec les profs, j’ai l’impression d’être leur égal ; s’il faut, on lui pétera sa bagnole ! ». Et un autre : « je m’engueule avec le prof car il est parfois injuste ». Ils racontent avec fierté les chahuts, le bruit volontaire, la manière dont ils s’opposent à l’enseignant. « Pour nous, un bon cours, c’est un cours où on ne fait rien ». Dans l’enseignement général aussi, les garçons parlent volontiers des bêtises qu’ils y font : « lâcher des vannes pourries ».

Ainsi par rapport au travail scolaire et à l’autorité, les filles sont plus réalistes et contrôlent mieux leurs comportements et leurs projets. Les garçons semblent à cet égard plus dépendants de leur image. Par ailleurs, l’ordre scolaire semble à nouveau bien peu ouvert à la prise en compte de ces difficultés. C’est un peu comme si les filles se montraient plus malignes qu’une institution dépassée et les garçons obligés de se montrer plus bêtement antagonique dans l’enseignement professionnel ou obligés de s’investir ailleurs dans l’enseignement général.

L’axe de l’affirmation de soi

Un dernier axe se dégage encore de l’analyse des observations et des entretiens. Moins directement présent dans le discours lui-même, il apparaît entre autres dans les attitudes des jeunes lors des entretiens. Les filles du général à nouveau apparaissent comme très matures et très autonomes. Très à l’aise, décidées et réfléchies, franches et mesurées, elles se situent bien dans la relation d’interview, trouvent bien leur place et le ton juste. Elles témoignent d’une construction personnelle en interaction avec leur environnement : leur mère, leur famille, leurs enseignants et leurs pairs. Les garçons semblent plus soucieux de l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes. Certains déclarent agir consciemment en fonction de l’intégration au groupe de pairs, par peur de l’exclusion, et cela aussi bien dans le général que le professionnel. Mais dans le professionnel, cette dépendance est renforcée. Ils n’y sont sans doute pas seulement victimes de ces normes d’intégration mais en sont aussi co-auteurs : il est vraisemblable que ce sont eux qui imposent la norme de groupe anti-scolaire préjudiciable à tous. Ils disent se sentir obligés de faire comme les copains pour être bien vus. Dans le général, les garçons disent aussi devoir trouver le juste milieu, entre les copains pour qui il faut témoigner du désintérêt et de l’opposition par rapport à ce que l’école propose et la nécessaire et minimale adaptation scolaire pour ne pas avoir d’ennuis, mais ils peuvent aussi retrouver de l’autonomie à travers leurs activités extra-scolaires. L’image de mec parmi les mecs et aux yeux des filles aussi semble plus importante pour les garçons en général qui sont plus dépendants au groupe de pairs que les filles pour s’affirmer face aux autres.

Les filles du professionnel oscillent un peu entre les deux. A la fois très dépendantes de leurs relations (les copines !) et de la culture de masse (la TV, les magazines), elles se croient obligées de montrer des attitudes rebelles de mauvais garçon (fumer, boire, répliquer, être grossières, …). Mais elles savent aussi déployer des stratégies scolaires assez autonomes en fonction de leurs projets de vie, même si c’est avec une certaine naïveté. Par rapport aux rôles féminins traditionnels, elles ont la conscience et la volonté de s’en libérer, mais sans doute pas les moyens réels, sociaux et culturels d’y arriver.

Conclusions

Que se passe-t-il dans la classe qui permette de mieux comprendre la double inégalité paradoxale (réussite et orientation) entre filles et garçons à l’école (première partie de notre question de départ) ?

Et bien, il s’y passe ce que la grande majorité des études indiquent. On a du mal à le croire à la lecture, mais il (nous a) suffit de s’installer au fond de la classe et d’observer les interactions filles – garçons.

De manière assez systématique, la dynamique du groupe-classe se structure donc de la même manière. Les garçons s’affirment et les filles s’appliquent. Les affirmations de soi des garçons s’effectuent entre eux et par rapport aux filles avec la complaisance involontaire des enseignants. Lorsqu’ils participent aux activités scolaires, les garçons ont tendance à s’accaparer toute la place dans les interactions : ils interviennent quand bon leur semble et souvent à la place des filles en leur coupant la parole. Et comme l’enseignant n’empêche pas ce positionnement répétitif dans le rapport de genres, et comme souvent même il l’encourage, les filles ont tendance à intérioriser cette position basse et à adopter une réserve sans doute déjà acquise en famille. Il est vraisemblable que cet effacement imposé joue dans la modestie des orientations professionnelles choisies par les filles et inversement pour les garçons.

Lorsqu’ils ne participent pas aux activités scolaires, les garçons ont tendance à imposer des normes anti-scolaires de désintérêt au moins, d’opposition agressive au pire et ils les imposent à l’ensemble du groupe, à eux-mêmes bien sûr, mais aux filles également. Cette attitude des garçons leur est bien sûr préjudiciable surtout à eux-mêmes pour ce qui est de leur réussite scolaire, mais elle est préjudiciable aussi pour l’ensemble du groupe et donc néfaste de manière générale pour ce qui est de l’efficacité de l’école. Dans ce climat de classe, les filles ne peuvent guère que, soit entrer dans la surenchère et jouer aux mauvais garçons, ce qui peut arriver dans l’enseignement professionnel, soit s’effacer et s’appliquer discrètement ce qui joue en faveur de leur réussite scolaire au détriment des garçons. Il est étonnant qu’aucune politique scolaire, aucune orientation pédagogique délibérée ne tentent de remédier de manière volontaire et en tenant compte de ces facteurs sociologiques à ce qui, d’une part, réduit l’efficacité générale de l’école, et d’autre part, conduit à l’échec des garçons et à une orientation moins ambitieuse des filles. D’autant que dans un premier temps, la simple imposition des règles de civilité élémentaires suffirait déjà à modifier bien des choses. Puisque la classe fonctionne le plus souvent en dialogue frontal, le minimum serait donc que la distribution de la parole soit rigoureusement régulée avec une exigence particulière pour le respect mutuel. Dans l’organisation des travaux de groupe, il serait également intéressant de veiller à la répartition équitable des tâches et à la prise de responsabilités, plus souvent la responsabilité de la régulation aux filles (se mettre en avant) et plus souvent la responsabilité du secrétariat aux garçons (se mettre au service). Enfin, il serait intéressant également d’augmenter dans le cours lui-même le temps de travail individuel avec une égale exigence pour chacun(e). Tout ceci semble vraiment élémentaire et cependant cela changerait déjà profondément les choses.

Et comment les filles et les garçons se construisent-ils comme fille et comme garçon, qui permette de mieux comprendre la double inégalité paradoxale (réussite et orientation) entre filles et garçons à l’école (deuxième partie de notre question de départ) ? Cette question est évidemment beaucoup plus complexe.

Les identités traditionnelles restent très fortes, sans soute parce qu’en famille, les rôles restent bien partagés et que les identifications fonctionnent. Les attitudes en classe des filles et des garçons en témoignent. Cependant la prise de conscience féminine – féministe est très forte également avec la remise en questions des inégalités de genre, sans doute parce que les médias, l’école, les nouvelles cultures diffusent largement ces discours et sans doute aussi parce que les mères en famille expriment également, au moins en direction de leurs filles, ces mêmes valeurs féminines. Les filles doivent donc se construire comme fille au sein même de cette contradiction fondamentale entre une réalité très traditionnelle, réprouvée mais dominante, et un discours très légitime, valorisé mais inappliqué.

Les filles sont donc d’abord parce que la réalité sociale reste forte des filles au sens traditionnel du terme : appliquées, soigneuses, ordonnées, régulières, altruistes, … ce qui favorise leur meilleure réussite scolaire et ce qui les pousse vers des orientations traditionnelles (aider, éduquer, soigner). Mais la contradiction est là et face à cette contradiction, trois orientations coexistent plus ou moins fortes en chacune : (1) nier cette réalité contradictoire et jouer au mauvais garçon, (2) accepter cette réalité contradictoire et développer des stratégies de réussite personnelle sans remettre en cause les rapports sociaux, (3) dépasser cette réalité contradictoire et s’impliquer dans ce qui tient vraiment à cœur. On retrouve donc imbriquées nos trois hypothèses de départ. Pour la combinaison en chacune de ces trois orientations, on pourrait définir deux grandes tendances résumées dans les deux tableaux suivants.

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Quant aux garçons, s’ils vivent cette même contradiction entre la réalité inégalitaire des rapports sociaux entre genres et le discours égalitaire valorisé, ils en sont moins conscients, cela est moins explicité et moins discuté pour eux. Leur malaise identitaire dû à cette contradiction est plus diffus et ils ont du mal à se construire comme garçon autrement qu’en référence implicite et non maîtrisée à une identité masculine traditionnelle dépassée et inadaptée, ce qui joue en défaveur de leur réussite scolaire et en faveur d’orientations professionnelles conquérantes.

Face à ces constructions identitaires complexes, il est bien plus difficile de proposer des orientations pédagogiques qui tenteraient d’améliorer la situation. Ce qui est certain, c’est que regrouper dans les mêmes classes et les mêmes écoles (professionnelles, le plus souvent) des filles et des garçons également dépendant aux rôles traditionnels est préjudiciable à la réussite de tous et particulièrement des garçons. Cela va dans le sens des conclusions de Catherine Marry, l’hétérogénéité de genres (la mixité) fait mauvais ménage avec l’homogénéité de classes (sociale). Des écoles socialement plus hétérogènes permettraient aux filles impliquées d’influer favorablement sur le climat scolaire.

On peut seulement dégager ici un principe général, mais dont la mise en œuvre pédagogique s’avère difficile. Il serait intéressant de renforcer cette tendance présente chez les filles qui réussissent le mieux, de s’appuyer sur les rôles traditionnels, pour les garçons aussi, sur les valeurs positives propres à chacun des rôles (le rôle masculin n’étant pas que dominateur), pour les expliciter et les dépasser, pour conduire à l’implication personnelle. Mais cela serait un courant de recherches sociopédagogiques nouveau et controversé à ouvrir …

Notes sociopédagogiques

Cette façon de travailler en formation est guidée par plusieurs partis pris sociopédagogiques qu’on pourrait considérer comme des principes didactiques de la didactique en partie spécifique des sciences humaines. Premier parti pris, c’est en faisant qu’on apprend. C’est en faisant des sciences sociales, qu’on apprend les sciences sociales. La réalisation de cette recherche, comme but, avec un véritable questionnement au départ et une publication des résultats à l’arrivée, exige la réalisation des objectifs d’apprentissage, à savoir dans ce cas, rapidement, la démarche de recherche en elle-même, la construction d’une problématique et l’appropriation des trois modèles d’analyse envisagés, la construction de dispositifs de recherche en lien avec les hypothèses, la réalisation des observations et des entretiens, l’analyse des résultats et la rédaction des conclusions, ceci uniquement pour les objectifs disciplinaires et sans parler des nombreux autres objectifs transversaux.

Deuxième parti pris, on part du réel et non pas des notions, on part des faits à comprendre et tenter d’expliquer par les notions et on ne part pas de la théorie, des titres de chapitre à étudier pour les appliquer un jour plus tard quand … on aura oublié ! L’appropriation des savoirs constitués devient nécessaire pour comprendre le monde, ils pourront être transférés à d’autres explications.

Troisième part-pris, les meilleures sciences sociales à faire en formation se font sur du vécu réel, vécu par les protagonistes eux-mêmes, et avec des enjeux réels : c’est pour du vrai. Étudiants et vivant des interactions du même ordre que celles étudiées, étudiants ayant déjà réalisé des stages d’enseignement et donc ayant déjà participé comme enseignant à des interactions du même ordre que celles étudiées, et futurs enseignants allant développer des pratiques sociopédagogiques dont les enjeux sont liés à la recherche, on travaille sur un matériau qui est chaud, qui ne permet aucune neutralité mais qui exige une distanciation, une objectivation pour rendre par la suite plus autonome un engagement plus délibéré. L’apprentissage est justifié par la pratique et justifie de nouvelles pratiques.

Quatrième parti pris, les meilleures sciences sociales à faire en formation débouchent sur une action, suppose une finalité, une utilité sociale. On n’étudie pas pour étudier, on étudie pour en faire quelque chose qui est nécessairement de l’ordre de la communication, de la socialisation. On n’apprend pas pour le professeur, ni pour l’évaluation, ni pour les points, on apprend parce que cela nous sera utile à nous, et à d’autres. L’exigence de qualité vient de la sanction sociale comprise dans cette socialisation.

Ont participé à cette recherche : Aurélie SCALCO, Bernard BAERTEN, Bernard HARDY, Céline DEMARCHE, Déborah GHISLAIN, Évelyne DERIVAUX, Laura KNAP, Laurence REGINSTER, Natacha DARIMONT, Nicolas PIERRE et Jacques CORNET.

Références

[1] Sociodidactes, unité de recherches et de formation de Tenter Plus de HELMo-Ste-Croix, Régendat en sciences humaines, département pédagogique, Hors-Château, 61, 4000 LIEGE. Tél. 04 223 26 28. Fax 04 221 14 29. Courriel : jacornet@skynet.be.

[2] Troger V., « Trop fortes les filles ! », Alternatives Économiques, n° 211, février 203, pp. 62-65.

[3] Collectif d’associations, « Ensemble … offrons un avenir à l’égalité », Ministères de l’Égalité des chances et de l’enseignement de la Communauté Française, Bruxelles, 2003.

[4] Nos remerciements à Madame Hedwige Peemans-Poullet de l’Université des Femmes.

[5] Principalement : Baudelot C. et Establet R., « Allez les filles », Seuil, Paris, 1992 et Duru-Bellat Marie, L’école des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux, L’Harmattan, 1990.

[6] Baudoux C. et Noircent A., « Culture mixte des classes et stratégie des filles », in Revue Française de Pédagogie, n°110, 1er trim. 1995.

[7] Voir les vieux classiques : Falconnet G. et Lefaucheur N., « La fabrication des mâles », Seuil, 1975, et Gianni Belotti., « Du côté des petites filles », édition des femmes, 1976.

[8] Plus proche de la sociologie de Lahire B., « L’homme pluriel, les ressorts de l’action. », Nathan, 1998 ou de Dubet F., « Sociologie de l’expérience », Seuil, 1994.

[9] Marry C., Les paradoxes de la mixité filles – garçons à l’école. Perspectives internationales, Rapport pour le PIREF, Paris 2003.

[10] Dubet, op. cit.

[11] Lahire B., Portraits sociologiques. Dispositions et variations individuelles., Nathan, 2002.

[12] Lahire op. cit.

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