Une démarche d’autoévaluation menée par Le GRAIN II

parcours réflexif en six étapes

L’injonction du Service général de l’Inspection de la Culture, invitant les organismes d’éducation permanente à procéder à une autoévaluation, nous a permis de prendre du recul par rapport à notre action des six dernières années (2005-2010) et de clarifier nos intentions pour l’avenir. Comme nous l’avons relaté dans un article précédent[1], cette opportunité de remise en question tombait à point nommé dans la vie de l’association, poussée à sortir de ses routines et à renouveler son point de vue sur les grandes orientations de son action.

Soulignons le fait que le rapport d’autoévaluation ainsi que la rédaction du nouveau programme d’action pour les cinq années futures (2012-2016) ont été achevés tous deux en mai 2011. Ils ne prennent donc pas en compte les évènements et les activités qui ont jalonné la vie de Le GRAIN depuis mai 2011[2].

1. Comment avons-nous mené le processus d’autoévaluation?

Un groupe de travail comprenant permanents, membres et administrateurs s’est réuni à cinq reprises de novembre 2010 à avril 2011. Cette autoévaluation a été stimulée par la participation de nouveaux collaborateurs et par les questions d’un nouveau permanent. En outre, en cours de route, une permanente de longue date a été chargée par le groupe de réaliser une analyse de contenu de l’ensemble des articles et dossiers produits durant les 6 années écoulées, en y intégrant déjà certains éléments de la réflexion en cours.

Cette évaluation s’est déroulée en six étapes et a porté sur deux objets: les produits et le processus de production. Cet article propose une présentation synthétique de la démarche suivie.

La première étape a consisté, assez logiquement, à comparer point par point ce qui a été produit avec ce qui avait été annoncé lors du programme quinquennal 2005-2010.

La deuxième étape correspond à une analyse empirique « spontanée », les participants évoquant les points forts et les points faibles de la période écoulée à partir de critères divers.

La troisième étape, la plus approfondie, est consacrée à un travail d’actualisation de la doctrine et des finalités socio-politiques de l’association en vue de dégager ses priorités. De celles-ci découlent des critères qui nous permettent de juger notre action passée récente, à la lumière de ce qui importe pour nous aujourd’hui. Ce travail de redéfinition des finalités socio-politiques est aussi essentiel pour l’élaboration du programme d’action et du projet éditorial pour les années 2012- 2016.

La quatrième étape de l’autoévaluation a consisté à nous interroger au sujet de nos liens avec nos publics-cibles, dans le cadre de la production de nos écrits.

La cinquième étape se penche sur les stratégies de diffusion et de communication que nous menons autour de nos écrits, une fois que ceux-ci sont produits.

Dans la foulée, en tenant compte des apports des cinq étapes précédentes, nous avons été conduits à analyser le mode de travail interne de l’association. C’est là, la sixième et dernière étape du notre autoévaluation. Elle est consacrée à relire le fonctionnement antérieur en vue de repenser le fonctionnement futur de Le GRAIN.

2. Première étape: comparaison entre programme annoncé et production effective

L’inventaire complet des productions écrites durant les 6 dernières années est dressé. Chaque écrit est numéroté selon un ordre chronologique, en distinguant d’une part, les articles (ou « Analyses » selon la terminologie du Décret) et d’autre part, les livres et dossiers plus conséquents (ou « Études » selon cette même terminologie). Ceci permet de visibiliser le travail accompli sur une durée de moyen terme, ce qui apporte déjà un regard nouveau sur l’action de Le GRAIN. En effet, le fonctionnement organisationnel habituel se limite à l’horizon annuel qui correspond au rythme des rapports d’activités en tant qu’asbl et en tant qu’organisme subventionné.

Dans un tableau à deux colonnes, les produits annoncés dans le plan quinquennal 2005-2010 sont mis en regard avec la réalisation ou la non-réalisation de l’objectif en se basant sur la liste complète des articles, dossiers et livres de l’inventaire. Pour cette comparaison, nous reprenons les 4 axes correspondant aux 4 grandes thématiques que nous avions définies en 2005 pour orienter le travail éditorial. Cette structure en 4 axes a également été adoptée pour organiser le site Internet de Le Grain créé en 2006.

Ce sont donc ces axes qui, au départ, servent de grandes orientations pour définir le contenu de l’action de Le GRAIN. Nous les rappelons ici.

  • Axe I. Enjeux socio-politiques. Analyse des inégalités.
  • Axe II. Démarches sociopédagogiques.
  • Axe III. Conduite du changement dans les organisations.
  • Axe IV. Enjeux de la formation professionnelle et de l’insertion sociale.

Nous verrons à l’étape 3 que nous serons conduits à redéfinir nos grandes orientations en les exprimant par des finalités socio-politiques et non plus par des priorités de contenus à traiter. De même, nous verrons à l’étape 5 que l’analyse critique de la présentation du site après 5 années de mise en ligne des diverses productions écrites nous poussera à abandonner la structure selon les 4 axes directeurs définis en 2005 et appliqués au site de 2006 à 2010. Mais n’anticipons pas!

Le lecteur curieux peut consulter le tableau comparatif en Annexe 1 de cet article.

Quels enseignements peut-on tirer de cette comparaison évaluant la correspondance Contenus annoncés/Produits réalisés?

  • Les grands domaines (ou axes) définis dans le programme 2005-2010 et ayant servi de structure pour placer les articles sur le site ont tous été alimentés.
  • La plupart des sujets annoncés ont été traités.
  • Certains thèmes ont été traités de manière ponctuelle, dans des situations contextualisées, mais n’ont pas fait l’objet d’une vision globale.
  • Deux grands thèmes annoncés n’ont pas étés abordés: la mémoire de l’Éducation nouvelle et la mémoire de l’Éducation populaire.
  • Une série d’articles ont été publiés au sujet de thématiques non programmées.

Ces premiers constats sont réexaminés et discutés dans le deuxième volet de l’évaluation: l’analyse empirique.

3. Deuxième étape: évaluation empirique

Le groupe de travail s’est interrogé, de manière très libre, sur la production de l’association au cours des six dernières années. Plusieurs constats en découlent.

  • Le choix des articles autres que les sujets prévus et annoncés n’a pas été fait selon un plan déterminé, mais selon les opportunités.
  • Pour le choix des articles non prévus, ce sont des critères implicites qui ont joué: les finalités de Le GRAIN. Ces dernières étaient sensées assimilées par l’équipe. Or, il semble que ces finalités ne soient pas toujours tout à fait claires pour tous. Cela est d’autant plus vrai pour les nouveaux collaborateurs qui ont travaillé un temps limité dans l’association. Une remise à plat rapide semble indispensable. Ces clarifications des finalités et des critères de choix des articles permettraient de dessiner une véritable ligne éditoriale.
  • Il est important de définir à l’avance des grandes thématiques qui donnent des perspectives, plutôt que des sujets précis.
  • Les responsables éditoriaux de Le Grain ont manqué d’exigence, à certaines occasions, quant à la qualité des articles, en termes de rigueur et de lisibilité. Il semble nécessaire de confier la politique éditoriale à un petit noyau stable, devant préciser la ligne éditoriale et élaborer un cahier des charges pour les auteurs.

Afin d’aller plus loin dans son autoévaluation, le groupe de travail décide de s’atteler alors à la redéfinition de ses finalités. Celles-ci, une fois reclarifiées, pourront se traduire dans des critères servant à analyser et à évaluer le contenu de la production passée. Ces mêmes critères sont destinés aussi à orienter les choix éditoriaux futurs. En prolongement de ce travail de clarification des finalités, le groupe charge une permanente de la tâche de réaliser une analyse de contenu fine et détaillée de la centaine d’articles édités durant la période écoulée.

4. Troisième étape: évaluation à partir des finalités de Le GRAIN

Cette étape de l’évaluation est pour nous la plus importante puisqu’elle jauge notre travail de production à l’aune de nos convictions et de notre raison d’être. Le groupe de travail a donc procédé à une réactualisation de la doctrine de Le GRAIN, traduite dans un texte intitulé « Les Visées de Le GRAIN, Atelier de pédagogie sociale »et approuvé par le Conseil d’administration à sa réunion du 15 février 2011[3].

Il résulte de ce travail de réflexion que la finalité première de l’association est de promouvoir une pédagogie émancipatrice. Des définitions de la pédagogie émancipatrice avaient déjà été formulées par l‘association à diverses occasions, dans des articles antérieurs. Fin 2010, ces définitions sont actualisées et synthétisées dans le document « Les Visées ».

Résumons ici les lignes de force de ce texte d’orientation. Ensuite, nous verrons comment celles-ci ont été traduites en critères pour classer et analyser de manière critique la production écrite de la période écoulée.

4.1. Quelques lignes de forces au sujet de la pédagogie émancipatrice

Qu’est-ce qu’une pédagogie émancipatrice pour Le GRAIN, aujourd’hui ? La pédagogie émancipatrice signifie poursuivre une visée émancipatrice dans le domaine de l’éducation.

Nous nous sommes arrêtés d’abord sur le mot émancipation.

L’émancipation est à la fois

    • Une émancipation personnelle:
      • Il faut que la personne conquière plus d’autonomie et de confiance en elle pour pouvoir agir sur son destin.
    • Et une émancipation collective et ce, à plusieurs titres:
      • Tout d’abord, nous considérons que l’action et l’expérience de tout individu concerne un contexte situé socialement.
      • Ensuite, dans notre optique, l’émancipation vise les personnes qui sont dominées dans le cadre de rapports sociaux inégaux et qui partagent dès lors une condition sociale commune.
      • Enfin, nous pensons que les personnes concernées doivent pouvoir faire l’expérience de la solidarité et de l’action menée ensemble à travers des projets collectifs.

D’un côté, nous maintenons volontairement l’accent sur la dimension collective, en nous situant ainsi à contre-courant de l’environnement sociétal actuel (qui, de son côté, met en première place l’autonomie individuelle et l’expression de la subjectivité de chacun). Mais de l’autre, nous sommes progressivement arrivés à la conviction (en réfléchissant au contexte actuel) que l’on ne peut pas parvenir à l’émancipation collective sans un travail sur les identités et les représentations subjectives des personnes.

Depuis toujours, Le GRAIN affirme la complémentarité des deux objectifs: augmenter la confiance en soi et l’autonomie ET développer la solidarité et la capacité d’action collective des personnes qui vivent une situation sociale dominée (en priorité de celles qui appartiennent aux milieux populaires).

Comme notre action émancipatrice se situe dans le domaine de l’éducation, nous nous sommes arrêtés ensuite sur le terme pédagogie émancipatrice.

La pédagogie émancipatrice se définit, selon nous, comme une pédagogie développant les savoirs, les capacités et les attitudes des personnes, de telle sorte qu’elles puissent se libérer de toutes les formes de domination et de pouvoir qui s’exercent objectivement sur elles et que, de surcroît, elles ont intériorisées. Invisible, implicite, inconscient le plus souvent, ce processus d’intériorisation limite fortement les possibilités d’action des individus et des groupes sociaux dominés.

C’est pourquoi les objectifs de la pédagogie émancipatrice sont:

  • en premier lieu, de modifier les représentations de l’avenir par rapport à une vision fataliste et les images que l’individu ou le groupe a de lui-même, de ses capacités, de ses compétences, par rapport aux images dévalorisées ou déformées qu’il a intériorisées;
  • dans un deuxième temps, d’outiller les personnes pour les rendre capables d’agir sur leur propre vie, mais aussi sur des réalités qui les dépassent.

A cette fin, nous trouvons indispensable de développer les capacités d’analyse, de prise de recul, d’esprit critique et d’imagination créative, requérant de mobiliser les mécanismes intellectuels de base. C’est pour cela que nous avons mis en avant la thématique de « Apprendre à apprendre » qui ouvre des pistes concrètes pour acquérir cette autonomie intellectuelle sans laquelle il n’est pas possible de se libérer des stéréotypes et des a priori qui barrent le chemin de l’action de transformation de la réalité.

Dans la même ligne, il semble nécessaire de développer les capacités de communication, d’expression et de travail de groupe. Ces capacités permettent aux membres du groupe, tout d’abord de partager leur vécu entre eux ainsi qu’avec ceux qui vivent les mêmes situations ; ensuite, de trouver des solutions et de décider ensemble ; enfin, de collaborer à une action commune. C’est là un passage obligé pour expérimenter la dimension de la solidarité. En effet, les démarches visant la transformation des représentations personnelles et celles poursuivant l’acquisition de l’autonomie de pensée et d’action sont d’autant plus efficaces qu’elles se pratiquent en groupe, avec des personnes de même condition sociale.

En dernier ressort, ce qu’on vise, c’est de permettre à chacun de se construire une nouvelle identité qui lui permet de se (re)définir et de se considérer comme acteur capable de transformer sa condition avec ses partenaires.

4.2. Des catégories qui reflètent notre conception de la pédagogie émancipatrice

Voyons à présent comment les lignes de force définies pour orienter notre action concrète nous permettent de créer des catégories (des critères) servant à classer les productions réalisées durant ces six dernières années et ainsi, à apprécier si nos préoccupations de fond ont été rencontrées, ou non, et dans quelle proportion. En effet, les catégories sont dérivées de nos finalités sociopolitiques centrées sur le concept de pédagogie émancipatrice. Elles sont conçues comme une grille opérationnelle pour l’analyse de contenu des articles.

Les catégories de cette grille sont une traduction des finalités en objets plus concrets auxquels le contenu des différents articles pourra dès lors être rapporté. Présentons-les de manière systématique et raisonnée.

Les deux premières catégories de la grille de classement concernent directement la finalité fondamentale de l’action socio-pédagogique de Le GRAIN: promouvoir une pédagogie émancipatrice. Elles correspondent à deux grandes orientations et recouvrent chacune l’une des deux facettes de cette finalité:

  • l’une se réfère à des priorités et à des objectifs déjà anciens, mettant en avant la dimension de la pédagogie émancipatrice collective et se prolongeant dans les démarches socio-pédagogiques centrées sur le projet collectif autogéré ou sur la participation au changement et à l’innovation dans les organisations ;
  • l’autre fait appel à des objectifs et à des accents plus nouveaux privilégiant la dimension de l’autonomie et se prolongeant dansdes démarches socio-pédagogiques centrées sur le développement personnel, l’expression de son vécu, la mise en place de compétences etle projet personnel.

Deux autres catégories l’analyse du rapport social au savoir et l’analyse du rapport social au pouvoir sont elles aussi en lien étroit et direct avec notre finalité fondamentale centrée sur la pédagogie émancipatrice. Ces deux catégories sont consacrées à une analyse sociopolitique du positionnement personnel et collectif par rapport au savoir et par rapport au pouvoir. Elles concernent avant tout le domaine des représentations subjectives que chacun développe vis-à-vis du savoir et du pouvoir, représentations qui sont elles-mêmes fortement marquées par le positionnement social de chacun.

L’expert, le formateur-praticien d’éducation permanente ou le jeune non qualifié en recherche d’emploi, par exemple, ne partagent pas la même vision

  • de ce qu’est le savoir et à quoi il sert (ou plutôt les savoirs sous leurs différentes formes plus ou moins familières)
  • et de ce qu’est le pouvoir et en quoi il le subit ou l’exerce (ou plutôt les pouvoirs sous leurs différentes formes et selon les différents lieux de leur exercice).

Comme nous sommes amenés à côtoyer ces différents types de partenaires, voire même à jouer nous-mêmes, tour à tour, le rôle d’expert ou celui de formateur-praticien, l’analyse des représentations du savoir et du pouvoir associées à nos propres rôles institutionnels et positions sociales nous semble une condition sine qua non de la pédagogie émancipatrice.

Nous pensons rejoindre l’objet social et politique propre de l’éducation permanente (cf. Art.1 du Décret de 2003) à travers les deux grandes orientations privilégiées et par l’importance accordée à l’analyse du rapport social au savoir et du rapport social au pouvoir (les nôtres, ceux des intervenants de première ligne et ceux des publics avec qui ils travaillent) tels que nous l’avons expliqué ci-dessus.

Une troisième série de catégories correspond à des démarches socio-pédagogiques. Une de ces catégories concerne les démarches centrées sur le développement cognitif et l’acquisition de savoirs au sens large. Trois autres catégories correspondent à des démarches poursuivant l’accroissement du pouvoir (l’une centrée sur la personne ; la seconde sur le projet autogéré et la prise de décision collective ; la troisième sur la participation au changement et à l’innovation à l’échelle d’une organisation).

Toutes ces démarches peuvent être qualifiées de socio-pédagogiques car elles sont étroitement liées à l’analyse du rapport social au savoir et du rapport social au pouvoir. Ainsi elles se réfèrent donc toujours, explicitement ou plus rarement implicitement, au contexte et au positionnement social des publics auxquels elles s’adressent. Elles dépassent l’approche purement didactique. Elles nécessitent une analyse objective de ces contextes, faisant appel aux sciences humaines.

Fort logiquement, une autre série de catégories concernent donc l’analyse des contextes de l’action socio-pédagogique, selon plusieurs clés de lecture empruntées aux différentes sciences humaines. La compréhension sociologique, historique et politique des contextes d’intervention est un fil conducteur qui définit notre action socio-pédagogique et nous inscrit une nouvelle fois sans ambiguïté dans la mouvance de l’éducation permanente.

Enfin, comme nous privilégions l’interaction avec les praticiens, nous menons des interventions de formation-recherche et des chantiers de recherche-action (Cf. 5. ci-dessous). Formation-recherche et recherche-action requièrent, selon nous, une réflexion méthodologique ad hoc, afin d’en garantir la rigueur intellectuelle et la validité en terme de perspectives d’action. Nous voulons contribuer à préciser et à consolider les règles et les conditions de la production pertinente des idées dans l’éducation permanente. Une dernière série de catégories recouvrent cette piste.

La grille des catégories est donnée en Annexe 2.

4.3. Classement des productions

L’Annexe 3 reprend le tableau de synthèse final résultant de l’analyse de contenu de l’ensemble des articles parus de 2005 à 2010, grâce à l’application de la grille des catégories. Chaque article est identifié par son numéro d’ordre dans l’inventaire établi sur base chronologique. Chaque catégorie est identifiée par les deux chiffres qui lui sont associés dans la grille de classement.

4.4. Interprétation des résultats du classement et conclusions tirées

Que pouvons-nous conclure du classement de la centaine d’articles dans les catégories de la grille ? La toute grande majorité des productions rejoignent les orientations de travail traduites dans les catégories de la grille.

Cependant, pour plusieurs articles, le lien avec la pédagogie émancipatrice n’est pas évident. Ce lien est implicite dans un certain nombre de cas. Il semble nécessaire de clarifier davantage, pour certains articles, en quoi les analyses et/ou les propositions d’action qu’ils contiennent constituent des réflexions portant sur l’enjeu de la pédagogie émancipatrice et/ou sur des stratégies et des moyens pour la mettre en pratique. Les réflexions devraient également, dans certains cas, être mieux contextualisées, en précisant pour quel public et dans quel cadre elles sont pertinentes.

Une conclusion tirée pour l’avenir est de prendre en compte pour chaque production future les objectifs d’analyse plus nettement sociopolitiques. Ces objectifs correspondent aux catégories relevant de la compréhension sociologique, historique et politique des contextes de l’action socio-pédagogique et/ou à celles relevant de l’analyse sociopolitique du positionnement personnel par rapport au pouvoir et par rapport au savoir. Ces catégories deviennent donc des critères à rencontrer nécessairement dans le choix du contenu des articles. C’est de cette manière que nous voulons à l’avenir inscrire plus explicitement nos productions dans la finalité sociopolitique (et pas seulement méthodologique) de la pédagogie émancipatrice.

L’interprétation des résultats du classement des articles examinés selon leur ordre chronologique fait apparaître également plusieurs évolutions au fil de la période écoulée. Ces évolutions n’ont pas été clairement perçues ni explicitement voulues par les membres de Le GRAIN au moment où elles se produisaient.

La première évolution correspond à un glissement du contenu de nos analyses et de nos études, se déplaçant de la priorité accordée à la dimension collective de l’émancipation vers l’accent mis plutôt sur le développement de l’autonomie personnelle et sur l’acquisition des compétences requises pour exercer cette autonomie.

La seconde évolution consiste en la diminution des analyses abordant la question des inégalités en terme de rapports sociaux de domination et l’émergence d’analyses centrées sur la question du « précariat » (exclusion, discrimination, fragilité sociale, etc.). Cette évolution va de pair avec l’intérêt récent porté à un nouveau terrain d’action, celui du travail social.

Ces évolutions dans les préoccupations interrogent l’équipe de Le GRAIN. Elles rejoignent la réflexion menée dans le cadre d’une actualisation de l’enjeu de la pédagogie émancipatrice qui a été évoquée plus haut (4.1.).

Une conclusion tirée pour l’avenir est qu’il faut être attentif simultanément à la double dimension de l’émancipation: augmenter la confiance en soi et l’autonomie personnelle ET développer la capacité d’action collective des personnes qui vivent une situation sociale dominée. Le lien à établir entre ces deux dimensions passe sans doute par la valorisation de la solidarité. L’éducation à la solidarité et à son corollaire méthodologique, le projet collectif devient un enjeu majeur de la pédagogie émancipatrice.

Par ailleurs, nous avons aussi constaté que quelques catégories ont été moins investiguées que d’autres, sur toute la période analysée. Il s’agit d’abord de deux catégories d’analyse globale, celle portant sur l’évolution générale des politiques éducatives et sociales, ainsi que celle portant sur l’évolution des mutations de la société dans son ensemble. Ce constat inattendu nous a étonnés. La série des catégories portant sur les méthodes de la recherche menée en partenariat avec les praticiens sont, elles aussi, encore peu fournies. Cette constatation-là était prévisible puisque ces catégories portent sur une piste de travail qui a émergé depuis un an ou deux seulement et que nous avons à peine commencé à explorer.

Le prochain plan éditorial tiendra compte de ces conclusions et s’en inspirera. Les grandes mutations sociales et l’évolution récente des politiques influençant les praticiens de l’action éducative en milieux populaires deviennent des thématiques prioritaires à mettre sous le projecteur, dans le futur.

5. Quatrième étape : évaluation portant sur les relations entre la production des écrits et l’expérience des praticiens

Il reste à éclairer une dernière question pour rencontrer l’esprit du Décret de 2003. À quelle demande sociale les productions de Le GRAIN répondent-elles ? Au départ, notre réponse « intuitive » était la suivante: c’est la proximité que les membres de l’association entretiennent avec les praticiens qui leur permet de déceler les besoins du terrain. La question à préciser dans le cadre du processus réflexif d’autoévaluation devient alors: quelles relations Le GRAIN noue-t-il avec les praticiens auxquels son travail s’adresse ? Ou encore quel pont jette-t-il entre la production d’analyses et d’études, d’une part, et l’expérience des acteurs des différents champs du travail éducatif et social, d’autre part ?

Notre production d’analyses et d’études est destinée aux intervenants de première ligne travaillant en milieu populaire dans différents champs d’action socioéducative: l’enseignement, l’insertion socioprofessionnelle, le travail social, le développement local et la citoyenneté, ainsi que les médias et les moyens de l’expression culturelle. Quels sont les liens directs ou indirects que nous entretenons traditionnellement avec ces travailleurs de première ligne auxquels nous voulons être utiles dans leur action de pédagogie émancipatrice avec les milieux populaires ? Ces liens sont-ils toujours d’actualité ?

Pour répondre à ces questions, nous allons passer en revue les trois voies d’échanges avec les praticiens et de contacts avec les terrains, correspondant à notre pratique: la lecture de la demande sociale, les chantiers de recherche-action, l’organisation de journées et de tables rondes de rencontre et d’étude.

5.1. La lecture de la demande sociale

Les relations que nous entretenons avec les praticiens de première ligne nous permettent de dégager une demande sociale relative à des clarifications intellectuelles utiles pour la conduite de l’action éducative et sociale à visée émancipatrice.

Plusieurs membres et sympathisants de Le GRAIN sont eux-mêmes des travailleurs de première ligne dans les différents champs socioéducatifs que nous venons de citer (par exemple, AMO, CEFA, EAP, Lire et Écrire, CIEP, développement local, enseignement professionnel). Il s’agit d’un premier type de contact direct avec des publics populaires et une première occasion d’élaborer des démarches de pédagogie émancipatrice « pour de vrai ». Cette situation est toujours actuelle.

Le deuxième type de contact direct avec les pratiques a lieu à l’occasion de formations- recherches ou de consultances. Les différents membres de Le GRAIN sont appelés à travailler avec des groupes de praticiens appartenant à des associations socioéducatives pour les aider à analyser leur situation, à définir leur modèle d’action ou à les outiller dans des domaines précis, à la demande de ces groupes. Plusieurs ouvertures sur des thématiques nouvelles ont lieu, à l’occasion de ces rencontres. Nous y enregistrons des interpellations directes sur la pertinence des grilles proposées. Ou encore sur le fait que les outils conceptuels mobilisés ne couvrent pas totalement la problématique vécue par les praticiens et que d’autres grilles de lecture leur seraient utiles.

Ainsi, par exemple, tout au long de la période écoulée, nos productions au sujet des multiples usages de la notion de « compétence », dans la formation professionnelle, à l’école et dans le cadre de la procédure de leur validation, répondent à un besoin de clarification et de mise en perspective politique qui nous a été maintes fois exprimé par les praticiens.

Le travail avec les groupes nous montre indirectement que certaines dimensions de leur expérience ne sont pas prises en compte. Il nous questionne aussi sur le fait que la lecture de la réalité par les participants s’inscrit dans un système de représentations conditionné par des discours dominants, représentations dont ils n’ont pas toujours conscience, vis-à-vis desquelles ils sont peu critiques et qui limitent leurs perspectives d’action.

Pour nous, ces divers constats, directs et indirects, révèlent des attentes implicites des praticiens (des besoins) et sont interprétés comme une demande sociale de grilles d’analyse et d’outils conceptuels à élaborer dans le cadre de la production de Le Grain.

Pour répondre à la demande sociale, nous adoptons aussi une attitude d’anticipation. Nous décidons de produire tel article, tel dossier ou tel livre parce qu’il nous semble qu’il sera utile et qu’il viendra combler un besoin des acteurs du terrain, soit dans le domaine de l’analyse sociale, soit dans le domaine des démarches sociopédagogiques.

Cependant, l’autoévaluation nous montre le manque d’une réflexion systématique sur les besoins perçus lors de nos diverses interventions. Les propositions d’analyses et d’études ont été formulées au cas par cas, de manière intuitive. Cela ne signifie pas que les productions ne soient pas pertinentes. Mais, encore une fois, se fait sentir la nécessité de définir une ligne éditoriale claire et de mettre sur pied un groupe de travail ad hoc (sous forme instituée), où les observations ponctuelles au sujet des attentes des praticiens pourront être socialisées et systématisées.

D’ores et déjà, nous retenons un objectif éditorial pour l’avenir: analyser de manière objective d’une part, les normes et les discours dominants qui « encadrent » et parfois « enferment » les représentations des acteurs de première ligne dans les différents champs d’action pédagogique et d’autre part, les normes et les discours que les praticiens élaborent eux-mêmes pour justifier et orienter leur action. La finalité s’inscrit pleinement dans l’optique de la pédagogie émancipatrice puisqu’il s’agit de déconstruire les évidences, de lever les obstacles qui barrent le chemin de l’action de transformation, de libérer l’imagination créatrice et, finalement, d’accroître l’emprise des acteurs sur leur réalité.

Le travail de mise à plat des cadres normatifs contenus dans les textes directeurs émanant des autorités politiques et dans les prises de parole (orales ou écrites) émanant des producteurs d’idées et d’images sur le plan culturel nécessite une approche de la question par la « globalité sociale » (les politiques éducatives et sociales, les grandes mutations sociales et culturelles actuelles). Ce travail se combine avec l’investigation des normes portées par les praticiens qui interviennent en première ligne dans l’éducation et le travail social. Il nécessite donc, en parallèle, une approche de la question par la « base sociale ».

Nous reviendrons sur les pistes évoquées lorsque nous aborderons les retombées de la démarche d’auto-évaluation sur la définition du programme des cinq années futures (2012-2016). Ce sera l’objet du troisième et dernier article de la série Une démarche d’auto-évaluation menée par Le GRAIN[4].

5.2. Un mode de partenariat original: les chantiers de recherche-action

Une modalité nouvelle et originale pour nous, que nous avons expérimentée depuis 2009, pour tisser des liens entre les praticiens et la production intellectuelle de Le GRAIN, correspond à ce que nous avons appelé les chantiers de recherche-action.

Ici, la première source de l’apport, en termes d’analyse sociale et de démarches de pédagogie émancipatrice, se trouve directement du côté des praticiens. C’est leur parole, c’est leur propre récit de leur expérience qui sert de matériau initial lorsqu’il s’agit de construire une vision des problèmes et des solutions en vue de la poursuite d’une pédagogie émancipatrice, dans la situation et avec les publics concrets qui sont les leurs. Nous nous rapprochons ainsi d’une démarche anthropologique selon laquelle le savoir de l’expérience apporte une connaissance spécifique de la réalité que l’expertise externe, de son côté, ne pourra jamais mettre à jour.

Citons un premier exemple de ce type de démarche. Il s’agit d’une recherche dans laquelle Le GRAIN s’est appuyé sur l’écoute des points de vue et des représentations des différents partenaires de la formation en alternance pour essayer de dégager le type de transactions qu’ils nouaient entre eux. Il s’agissait de partir de récits de l’expérience des acteurs, partagés en groupe, et de modéliser cette expérience en vue de la rendre communicable et utile à d’autres praticiens travaillant dans le même secteur ou en vue d’interpeller les autorités en place. Une série d’articles en sont le fruit[5].

Une seconde tentative de démarche anthropologique a aussi été menée directement avec des jeunes dans le cadre de l’action en milieu ouvert (AMO). Cette fois, il s’agit d’une écoute de la parole des publics précarisés eux-mêmes[6].

Nous pensons que cette perspective d’écoute et de modélisation de l’expérience des acteurs est une nouvelle piste intéressante à développer dans le prochain plan quinquennal. Cependant, pour répondre à des critères de rigueur et d’objectivité qui rendent ce type de production intellectuelle communicable et utile à d’autres, nous pensons nécessaire d’appliquer certaines règles et certaines conditions méthodologiques à propos desquelles nous voulons mener une réflexion systématique et approfondie dans le futur. Il s’agit donc encore d’une piste à intégrer dans notre programme 2012-2016.

Comme méthodes de recherche-action, nous avons déjà identifié et expérimenté l’analyse en groupe, les récits de vie, certains outils d’analyse issus de la pédagogie institutionnelle. Au cours des prochaines années, nous allons prospecter ces pistes méthodologiques et d’autres encore pour nous équiper intellectuellement et ce, afin de pouvoir, de manière pertinente, aider des acteurs à donner forme à leur propre expérience, les rendre plus forts par rapport à leurs propres objectifs et élargir leur champ d’initiative sur leur terrain. Dans de futurs articles, nous pourrons rendre compte de ces méthodes, une fois les avoir utilisées et en avoir évalué les apports.

Ce type de démarche de recherche-action, relativement nouvelle pour nous et encore assez inhabituelle dans le champ de l’éducation permanente, nous parait rencontrer les différents objectifs que nous donnions au début de cet article et qui découlent de notre finalité principale, la mise en œuvre de la pédagogie émancipatrice: partir des représentations, travailler le rapport social au savoir et au pouvoir, rendre ainsi les acteurs à la fois plus lucides et plus confiants en eux. Comme le chantier-recherche est un travail de groupe, il favorise donc aussi la solidarité et accroît l’efficacité pour agir ensemble sur sa situation concrète.

5.3.Les journées d’étude et les tables-rondes

Nos relations avec les intervenants de première ligne passent aussi par l’organisation de journées d’étude ou de tables-rondes. Tous les deux ans en moyenne, nous mettons sur pied une journée d’étude ou une table ronde où nous faisons se rencontrer des « acteurs-analystes » du terrain en rapport avec le thème de la journée et des « experts » qui y jettent un regard extérieur mais impliqué. Il s’agit à chaque fois de croiser deux approches, l’analyse faite directement par les praticiens qui prennent un certain recul par rapport à leur problématique et l’analyse plus externe de l’expert. Nous avons organisé à trois reprises ce type de rencontres (en 2005, 2009 et 2010). Les participants sont également invités à prendre part à un débat. Les diverses prises de parole sont alors retranscrites et mises en forme pour être publiées sous forme de dossier ou d’analyses[7]. Ces activités mobilisent des personnes-ressources proches de Le GRAIN et contribuent à tisser le réseau que nous souhaitons élargir et consolider.

La proposition est de poursuivre la formule des tables rondes. Elles dynamisent le mode de production intellectuelle de Le GRAIN par les partenariats occasionnels qu’elles instaurent et par la confrontation, l’échange et le questionnement avec les participants qu’elles suscitent.

6. Cinquième étape: évaluation de la diffusion des productions de Le GRAIN

6.1. Le site Internet

La diffusion des produits de Le GRAIN passe essentiellement par le site internet www.legrainasbl.org. Le site existe depuis 2005. Après 6 années de fonctionnement, un groupe de travail ad hoc s’est attelé à une évaluation critique de la forme du site, de son attractivité et de sa facilité de consultation pour les usagers. Il en ressort la nécessité de concevoir une toute nouvelle maquette pour le site, tirant parti des premières conclusions de cette évaluation critique. Des pistes concrètes d’amélioration du site sont d’ores et déjà évoquées: une forme plus dynamique, la mise en avant de la chronologie, un système d’archivage des articles, la définition de nouvelles catégories de classement des articles, une interactivité accrue, etc.

Pour aller plus loin dans la réflexion visant la nouvelle maquette et la nouvelle structure du site, une consultance externe semble souhaitable. Un nouveau permanent (engagé en août 2010) a été chargé de poursuivre les diverses pistes d’amélioration et de reconfiguration du site durant la prochaine période. La création d’une nouvelle maquette et d’une nouvelle structure pour le site est une des premières pistes à poursuivre, sans délai. Le double objectif d’accroître sa visibilité et son accessibilité est prioritaire.

6.2. L‘édition imprimée

Les articles du site ne sont pas édités d’office sous version papier. Les lecteurs désireux d’obtenir une telle version peuvent s’adresser à l’association pour passer commande et recevoir le document souhaité par la poste.

Les documents plus étoffés sont édités par Le GRAIN sous la forme imprimée de brochures, de jeux et de livres. Jeux, brochures et livres sont en vente par correspondance via notre service « publications ». Certaines brochures sont en outre téléchargeables via le site[8]. De leur côté, livres et jeux ne sont pas disponibles en ligne.

Même si quantitativement, la diffusion par voie imprimée reste modeste par comparaison avec les statistiques de consultation du site, Le Grain a fait le choix de continuer à éditer et à diffuser sa production sous version imprimée et à privilégier la collaboration avec un éditeur professionnel quand cela se justifie. La forme imprimée des écrits assure une visibilité à la production de Le Grain. En outre, le partenariat avec un éditeur professionnel semble donner un poids irremplaçable aux productions de l’association. Soulignons que les publications imprimées (livres, jeux, articles de revue, brochures) ont contribué pour beaucoup à l’image de marque de notre association, depuis sa création en 1975.

D’une manière générale, les publications (en ligne ou imprimées) constituent fréquemment le point de départ d’une demande d’intervention (consultance, formation-recherche ou chantier de recherche-action) provenant de groupes de praticiens des différents champs de l’éducation et du travail social.

La poursuite de l’édition imprimée (en plus de la mise en ligne des articles et dossiers) semble souhaitable. La mise en valeur de ces publications en format papier sera réalisée à l’occasion de la restructuration du site. La complémentarité de la forme imprimée et de la forme électronique des divers écrits de l’association y apparaîtra plus clairement.

6.3. La newsletter

L’information relative aux activités de l’association, et plus spécialement de ses productions écrites, est assurée par une newsletter, adressée plusieurs fois par an à 1.700 destinataires travaillant dans le domaine éducatif et social. Sa parution est assez irrégulière car elle est liée au moment de la mise sur le site des articles. Ce fait n’est pas vraiment gênant puisqu’il ne s’agit pas d’une information dont les intéressés ont un besoin immédiat.

Il nous semble préférable, à l’avenir, d’assurer une certaine fréquence annuelle de parution de la newsletter (10 fois par an, par exemple), même si le moment précis de la parution continue à correspondre à la sortie des articles et reste donc irrégulière. Par ailleurs, il serait souhaitable que cette newsletter dispose d’une maquette standardisée et attrayante, ce qui permettrait de l’identifier rapidement et d’en faciliter la lisibilité.

7. Sixième et dernière étape: regard critique sur le fonctionnement de Le GRAIN

L’évaluation du travail accompli ces 6 dernières années a été l’occasion de clarifier et de systématiser le mode de fonctionnement de l’association. Cette réflexion a montré que, de fait, le mode de travail interne à Le GRAIN correspond à un fonctionnement qualifié de « valse à trois temps », qui nous paraît original. Une structure en trois Pôles avait déjà été évoquée une première fois en 2007, lors d’une journée de travail « au vert » portant sur le fonctionnement interne de l’association. Cette structure vient d’être évaluée et redéfinie, dans le cadre du processus réflexif d’autoévaluation mené en 2011.

Suite à cette réflexion récente, la structure de fonctionnement originale de Le GRAIN s’est vue modifiée. Cette modification s’inscrit elle-même dans le canevas de refondation plus global explicité plus haut et est ajoutée au nouveau texte programmatique intitulé Les Visées (Cf. 4).

Présentons brièvement ici, sous sa forme actuelle (approuvée par le conseil d’administration du 15 février 2011), le schéma triangulaire à trois Pôles représentant le mode de travail organisationnel de Le GRAIN. Ce mode de fonctionnement nous semble présenter toute sa pertinence en ce qui concerne la production et la diffusion d’écrits, au regard des missions originales de l’éducation permanente. En effet, il permet de combiner la proximité et la pertinence vis-à-vis des réalités du terrain avec la prise de recul propre au travail d’analyse de ces réalités. En outre, en adoptant ce mode de travail organisationnel, notre production se voit dynamisée grâce à un processus systémique par lequel elle est sans cesse remise en mouvement à travers de nouvelles interpellations.

vises 1er scma

Ce schéma demande quelques explications. Unmode de travail organisationnel en trois Pôles, articulés entre eux, est adopté par Le GRAIN parce qu’il semble correspondre à un processus de production dynamique et efficace pour atteindre ses visées.

Le premier Pôle, le plus visible, se consacre à la Formalisation des savoirs et à l’écriture.

Le deuxième Pôle, celui de la Communication, prend le relais. Il s’agit non seulement d’éditer, de diffuser largement et de mettre à la disposition des praticiens les savoirs produits par Le GRAIN, mais aussi, en retour, de susciter, de recueillir et de faire circuler les interpellations de ces derniers.

Le troisième Pôle est celui de l’Intervention. L’intervention avec les praticiens relève principalement soit de la formation-recherche, soit de la recherche-action, sans exclure pour autant d’autres démarches de travail.

Les trois Pôles se nourrissent mutuellement dans une dynamique interactive. Les complémentarités entre eux sont systémiques. Le GRAIN désigne par le terme d’« Atelier » son schéma triangulaire de fonctionnement.

Sur la période écoulée, Le GRAIN fonctionnait déjà, de fait, selon ce modèle, mais de manière plus empirique que réfléchie. Pour accroître l’efficacité de l’association, il est nécessaire que, désormais, non seulement le fonctionnement de chaque pôle mais aussi les interactions entre les pôles soient régulièrement questionnés dans le cadre d’une évaluation de processus.

C’est le rôle du Conseil d’administration de procéder à cette évaluation régulière du processus de production et de concevoir les régulations et les ajustements nécessaires. Ce nouveau rôle de vigilance et de regard réflexif sera confié au C.A. par l’assemblée générale. Le rapport d’activités annuel présenté à l’AG fera le point sur le fonctionnement de chaque pôle et sur la dynamique instaurée entre eux.

8. Une évaluation aidant à dessiner l’avenir

Quelles sont les retombées de la démarche d’auto-évaluation pour le fonctionnement futur de Le GRAIN ? Cette démarche peut nous éclairer pour l’élaboration du programme d’action et du projet éditorial pour les 5 prochaines années. Dans un dernier article[9], nous tirerons parti des diverses conclusions issues du parcours réflexif en six étapes que nous venons de retracer. Dans le texte qui précède, les pistes d’avenir sont déjà esquissées au fur et à mesure de la démarche d’autoévaluation: elles ont été soulignées par leur mise en caractères italiques. Ce sont ces pistes qui vont nous guider pour dessiner concrètement les priorités pour demain.


Annexe 1. Comparaison entre programme annoncé et production réalisée

Produits annoncés

Réalisation

 

 

 Axe I. Enjeux socio-politiques.

Analyse des inégalités

 

Refonte du livre Les chemins de la pédagogie. Guide des idées sur l’éducation et l’apprentissage

Édité en 2006

Actes de la journée d’étude sur le thème Le projet individuel et collectif dans la formation sociale et professionnelle

Publié en 2006

Portefeuille documentaire sur les mécanismes mis en avant par Le Jeu du Mobile Social

Portefeuille (2006)

Fichiers d’expression (2005)

Présentation des formes actuelles des inégalités sociales

Quelle sensibilisation à l’exclusion sociale ? (2008)

Lutter contre échec scolaire et pauvreté (2009)

Le plaisir de lire et l’exclusion (2009)

Abordé au cas par cas, dans différents secteurs

Vice caché de l’État social actif

Non réalisé

Conscientisation aux inégalités hommes-femmes

Le genre vu par les jeunes (2008)

Approche par genre et projet culturel (2008)

Une expérience de mixité régulée (2008)

Femme, formation, insertion (2009)

Article 27 et émancipation

Non réalisé

Axe II. Démarches sociopédagogiques

 

Le rapport social au savoir

Rapport social au savoir. Définition (2007)

Rapport social au savoir à l’école maternelle (2007)

Pour un nouveau rapport au savoir (2008)

Abordé au cas par cas, dans différents secteurs

Fiches sur les conceptions, les méthodes et les dispositifs

de l’Éducation Nouvelle

L’auto-socio-construction du savoir (2006)

Pratiquer une pédagogie institutionnelle (2006)

Une classe coopérative (2006)

M’Dame, à quoi ça sert l’Espagnol (2008)

Écrire pour penser (2008)

A la découverte du projet (2009)

Une méthodologie pour développer des compétences transversales

Application de cette démarche à la compétence Faire preuve de solidarité

Définition (2006)

Méthodologie (2006)

Application (2006)

Le développement des compétences sociales

Abordé au cas par cas, dans différents secteurs

Méthodologies pour le développement cognitif

Choisir, ça s’apprend (2008)

Le développement cognitif ou « apprendre à apprendre »: un enjeu d’émancipation (2009)

Apprendre à apprendre (2009)

La force de la mémoire (2009)

Comprendre les consignes (2009)

Méthodologie des histoires de vie

Démarches (2006)

Applications (2007)

Le groupe dans la formation

Groupes efficaces (2007)

Théâtre-action comme instrument de conscientisation

Non réalisé

La méthode du chef d’œuvre dans l’alphabétisation

Non réalisé comme tel

Abordé dans le cadre de l’étude sur le compagnonnage (2010)

Travailler à l’émancipation des personnes handicapées

Publié en 2010

Conscientisation à la mondialisation et au développement

Non réalisé

 

Axe III. Conduite du changement

dans les organisations

 

Application des grilles d’analyse de Mintzberg aux institutions éducatives

Concepts (2005)

Application à l’école (2007)

Typologie des discours structurés sur l’action

Discours sur l’action (2006)

Mise en place de l’innovation

Pilotage changement asbl (2005)

Apprentissage organisationnel (2009)

 

 

Axe IV. Enjeux de la formation professionnelle et de l’insertion sociale

 

 

Modèle de formation professionnelle dans une perspective historique

Aumôniers du Travail. École Pierrard (2005)

Le Compagnonnage (2007)

Les enjeux de la formation professionnelle

Enjeux de la formation-insertion (2005)

Exemple de la MIREC (2005)

Femme, formation, insertion (2009)

Pédagogie émancipatrice et ISP (2009)

Validation compétences-adulte (2008)

Validation compétences-coiffure (2009)

Validation compétences-rencontre (2009)

Transactions entre les divers partenaires

Abordé au cas par cas, dans différents secteurs

Grille d’analyse des formations professionnelles sur le terrain

S’insérer dans une pratique professionnelle (2006)

Matrice pédagogique de la formation technique

Transfert du modèle du compagnonnage aux jeunes des CEFA (table ronde, mars 2011)

Les concepts-clés de l’alternance

        Relations dans l’alternance (2007)

Transactions entre les acteurs de

l’alternance. Une clé de lecture (2010)

 

La recherche-action participative

        Transactions entre les acteurs de

l’alternance. Une clé de lecture (2010)

 

La constitution d’une mémoire d’éducation populaire

Chemins de la pédagogie (2006)

 


Annexe 2. Liste des catégories de classement

Les grandes orientations et les finalités de l’action socio-pédagogique de Le GRAIN

0.1. Autonomie, initiative personnelle et compétences

0.2. Émancipation collective

La compréhension sociologique, historique et politique des contextes de l’action socio-pédagogique

0.3. Inégalités et rapports sociaux (domination socio-économique et culturelle basée sur les catégories socioprofessionnelles, les genres)

0.4. Mutations sociales et questions de sens (évolution et prospective)

0.5. Politiques et institutions éducatives (évolution et prospective)

0.6. Exclusion, discrimination et précarité (groupes étiquetés comme « exclus », « fragiles », « marginaux », etc.)

L’analyse sociopolitique du positionnement personnel par rapport au savoir

1.1.   Analyse du rapport social au savoir

Les démarches socio-pédagogiques centrées sur le savoir

1.2.   Méthodes et dispositifs d’apprentissage et de développement cognitif

L’analyse sociopolitique du positionnement personnel par rapport au pouvoir

2.1. Analyse du rapport social au pouvoir

Les démarches socio-pédagogiques centrées sur le pouvoir

2.2. Méthodes et dispositifs de projet, expression et récit de vie personnels

2.3. Méthodes et dispositifs de projet et d’action collectifs autogérés

2.4. Méthodes et dispositifs de participation et d’innovation organisationnelles

La réflexion méthodologique concernant la recherche sociopédagogique dans le cadre de l’éducation permanente

3.1. Méthodologie de production d’idées dans le cadre de la recherche-action

3.2. Méthodologie de production d’idées dans le cadre de la formation-recherche

3.2. Méthodologie de production d’idées dans le cadre de la consultance

3.4. Méthodologie de production d’idées dans le cadre de la table-ronde


Annexe 3. Nombre d’articles par catégorie de la grille de classement(édités par Le GRAIN de 2005 à 2010)

2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total
Orientation – Finalités
0.1. Autonomie personnelle 6 2 7 7 12 5 39
0.2. Émancipation collective 8 5 9 2 24
Compréhension des contextes
0.3. Inégalités-Rapports sociaux 8 2 3 4 1 5 23
0.4. Mutations sociales 6 1 2 9
0.5. Politiques et institutions éducatives 2 1 4 1 2 3 13
0.6. Exclusion – discrimination 6 3 6 6 21
1.1. Analyse du rapport au savoir 4 12 6 10 13 9 54
1.2. Démarche de savoir 6 9 4 5 11 12 47
2.1. Analyse du rapport au pouvoir 12 8 10 1 9 1 41
Démarche de pouvoir
2.2. Expression et projet personnels 6 3 7 6 2 4 28
2.3. Action et projet collectifs 1 9 3 3 2 3 21
2.4. Participation – innovation 2 2 9 3 2 1 19
Méthode
3.1. Recherche sur le terrain 5 1 6
3.2. Intervention sur le terrain

Notes

[1] Voir Une démarche d’autoévaluation menée par Le GRAIN. (I) Routines et incidents critiques.

[2] Pour qui voudrait connaître la suite de l’histoire, le Rapport d’activité 2011 les en informera.

[3] Le texte Les Visées de Le GRAIN, Atelier de pédagogie sociale.

[4] Voir Une démarche d’autoévaluation menée par Le GRAIN. (III) Pistes pour l’élaboration du programme 2012-2016.

[5] Voir les 6 articles de F. Tilman (en coll. avec D. Grootaers): Transactions entre les acteurs de l’alternance. Une clé de lecture ; Les transactions entre Jeunes et Patrons-tuteurs, dans les dispositifs de formation en alternance ; Les transactions entre Jeunes et Formateurs, dans les dispositifs de formation en alternance ; Les transactions entre Jeunes et Accompagnateurs (ou Délégués à la tutelle), dans les dispositifs de formation en alternance ; Les transactions entre Accompagnateurs et Patrons-tuteurs, dans les dispositifs de formation en alternance ; Les transactions entre Patrons-tuteurs et Formateurs et les transactions entre Formateurs et Accompagnateurs, dans les dispositifs de formation en alternance (parus en 2010).

[6] Voir, entre autres, les deux ouvrages de V. Georis Pour se donner un genre et Entre l’école et la rue (édités par Couleur Livres, 2009). Ces deux livres prolongent plusieurs articles de l’auteure mis en ligne sur le site de Le GRAIN en 2008 et 2007. Voir Accompagnement personnalisé entre la rue et l’école. (I) Contexte social et portrait de jeunes ; (II).L’accompagnement personnalisé, passerelle entre la rue et le monde scolaire ; (III) Le réseau de la « patate chaude »: de la disqualification des jeunes, des professionnels et des familles (parus en 2007). Le genre, vu par les jeunes relais d’un service AMO. (I) Introduction ; (II) Portraits croisés: les Jeunes Relais se présentent ; (III) Ici, des intrus et là-bas, des étrangers (parus en 2008).

[7] Dossier 2006. Le projet individuel et collectif dans la formation professionnelle (Actes du colloque 2005) avec des contributions de E. Delvaux, B. Fusulier et F. Tilman ; Dossier 2009. Femme, formation et insertion. Quels défis pour l’émancipation?, coordonné par S. Devlésaver ; Dossier 2010. Femmes, insertion, migration: Ouvrir les possibles, coordonné par M. Van Cranenbroeck

[8] Les Dossiers issus des tables-rondes et journées d’étude sont édités sous forme imprimées et adressées aux participants. Ils sont également accessibles en ligne.

[9] Voir Une démarche d’autoévaluation menée par Le GRAIN. (III) Pistes pour l’élaboration du programme 2012-2016.

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