Art et travail social : proposition d’analyse sociologique

L’activité artistique peut-elle ré enchanter les professionnels du travail social ? Comment les travailleurs sociaux utilisent-ils l’art ? Que recherchent-ils par son biais ? Est-il pour eux une échappatoire ? Correspond-il à réappropriation nouvelle leur permettant d’accompagner autrement leurs usagers ?

Notre réflexion porte spécifiquement sur la présence de l’ « art » dans le champ du travail social et plus précisément sur la question de son usage par les professionnels de ce secteur. Que recherchent-ils à travers ce qui pourrait être considéré comme un « outil » et plus généralement qu’est-ce qu’il peut apporter au regard de l’évolution du travail social contemporain ? C’est à cette question que nous allons tenter de répondre.

S’intéresser à la question artistique dans le champ du travail social, ce n’est pas uniquement s’interroger sur la dimension utilitaire et aux bienfaits de ce type de démarche auprès des usagers, mais en premier lieu de faire un effort de déconstruction de ces deux espaces sociaux. Qu’apporte l’art au travail social et inversement, le travail social à l’art, quand bien même la réflexion sur son utilisation reste très régulièrement à sens unique, de l’art vers le travail social, ou encore l’art pour le travail social.

[à propos de l’auteur]

L’usage de l’art dans le champ du travail social se traduit en premier lieu par le fait qu’il comporterait intrinsèquement quelques valeurs « supérieures », sacrées, et que son utilisation par les travailleurs sociaux agirait forcément positivement sur l’usager. En voici quelques exemples: un éducateur spécialisé a proposé à des adultes aveugles le support photographique. Il souligne que cette activité « m’a permis de faire émarger la singularité de chacun » et d’ajouter « l’acte photographique c’est prendre du plaisir à se confronter à sa propre réalité (…). C’est peut-être aussi la recherche d’un sens dans l’acceptation de la cécité. Car avoir sa place dans le monde, c’est aussi interroger le regard que l’on a sur lui et sur soi »[2]. Une éducatrice de jeunes enfants a choisi d’utiliser la peinture afin « d’animer des ateliers d’expression créatrice pour accueillir la personne et tenter de favoriser l’émergence de son être. (…) Après dix ans d’accompagnement de l’expression, mon projet professionnel continue à s’affiner, au fil des découvertes, des questionnements et des réflexions (…)»[3]. Nous pourrions ainsi multiplier les exemples. Ce qu’il nous importe de relever, c’est que lorsque que le travailleur social s’engage dans cette activité pour des « bénéficiaires », des « usagers », des « clients » ou plus simplement des personnes en difficulté sociale, mentale ou physique[4], il devient temporairement metteur en scène, maître d’œuvre d’un atelier de peinture, chef de chœur, sculpteur et c’est cette position qu’il s’agit d’interroger. Cependant, pour dessiner quelques pistes de réflexion, notre approche nécessite que nous revenions sur la notion d’art et de travail social et ce, dans une perspective critique, en prenant soin de ne pas utiliser des concepts issus de leur champ respectif.

Par ailleurs, il ne s’agit pas de « juger » ce type d’action dans un registre manichéen. Ainsi, notre propos n’est ni apologétique, ni le récit d’aventures merveilleuses avec des personnes handicapés ou en difficulté sociale. Nous inscrivons notre travail dans le droit fil des propos de Pierre Bourdieu[5]: le travail sociologique conduit souvent à démontrer qu’au-delà des intentions affichées par les individus, il existe des logiques sous-jacentes et non visibles par les individus eux-mêmes.

Nous nous sommes ainsi penchés sur les travailleurs sociaux qui ont des conduites artistiques dans le champ du travail social[6], davantage que sur les usagers, destinataires de ce type d’activité. Ce choix repose sur la volonté de prendre un peu de hauteur au regard des quelques réflexions qui portent sur ce sujet régulièrement envisagées du point de vue des « usagers » et qui restent par ailleurs discutables. En effet, comme le souligne Christophe Pittet, « Les pratiques artistiques et culturelles peuvent, dans certains cas, favoriser l’expression de la singularité et mettre en mouvement un « agir créatif » permettant aux individus de retrouver une place de sujet dans l’orientation à donner à leur existence. Cependant, le risque d’esthétisation de la misère dans une perspective de canalisation de la violence est bien réel et s’incarne dans la volonté des pouvoirs publics de redonner une place d’acteur aux victimes des inégalités sociales »[7].

Il paraît nécessaire dans un premier temps de rappeler que l’art tout comme le travail social sont des constructions sociales qui existent hors des consciences individuelles pour reprendre le point de vue théorique d’Emile Durkheim. Et c’est bien à partir des conditions sociales de production de ces deux phénomènes qu’il paraît nécessaire de réfléchir.

La question artistique: de quoi parle t-on ?

Une approche des conduites artistiques dans le champ du travail social ne peut à notre sens faire l’économie non pas d’une définition de l’art, mais plutôt de ce qui le caractérise. Il ne s’agit pas de donner objectivement une définition de l’art, ce n’est par ailleurs pas l’objet de la sociologie. Nous partons du principe que l’art est ce qui est socialement considéré comme art par le champ artistique (critiques d’art, galeristes, etc.). Néanmoins, une telle définition risque de ne prendre en compte que ce qui produit à l’intérieur du champ artistique. Nous préférons une vision élargie de cette définition. En effet, quand le sociologue s’engage dans le domaine de l’art, il tombe trop rapidement dans les ornières de l’art justement. Ainsi Jean Duvignaud note que « définir l’expérience artistique sous l’aspect d’un sacré, c’est s’accrocher à ce rêve de communion chaleureuse que les petits groupes, les sectes offrent à chacun de leurs membres ; mais c’est accorder à la « tribu primitive » une importance et une signification réelle qu’elle n’a jamais eue que dans l’esprit des premiers sociologues »[8]. Et comme le rappelle Jean Dubuffet, « Il n’y a pas plus d’art des fous que d’art des dyspeptiques ou des malades du genou »[9]. Néanmoins, c’est bien à partir de la sacralisation de l’art qu’il paraît nécessaire d’envisager la question des pratiques artistiques dans le champ du travail social. En effet, c’est parce qu’il véhicule intrinsèquement une croyance en des vertus positives qu’une explication sociologique semble possible et dépasse la simple description d’une activité.

Cependant, les choses devant être prises par un bout, Pascal Nicolas-le Strat note ainsi qu’il est nécessaire de distinguer ce qui ressort de la « création artistique » de ce qui ressort de l’ « activité artistique ». Il note, en effet, que « Si le chercheur met au centre de ses préoccupations le créateur et l’acte de création, il introduit dans sa réflexion un point aveugle dont il ne parviendra pas à se défaire. La création est un objet – une problématique – qui n’est pas à sa mesure, pas plus que ne le sont les questions du beau, de l’authentique ou du vrai »[10]. Autrement dit, c’est davantage vers ce qu’il est entendu d’appeler l’activité artistique que la sociologie doit se tourner et dans le sens le plus ouvert possible afin d’appréhender au mieux des pratiques artistiques plurielles et pas seulement limitées à ce qui est connu ou reconnu d’avance. Cependant, la notion d’ « activité artistique » reste difficile à cerner. C’est une « notion de crise » pour reprendre les propos de l’auteur. Elle caractérise surtout la pluralité de l’art, élément qui nous intéresse en premier lieu. Et c’est à partir de ce point de vue qu’il semble nécessaire d’envisager les pratiques artistiques des travailleurs sociaux en milieu professionnel. Autrement dit, ce n’est pas tant la production ou le résultat artistique qui nous intéresse, mais les conditions de production de l’activité qui passe par une déconstruction de son lieu d’exécution.

Analyse et déconstruction du travail social contemporain

En retenant quelques grands points sur une histoire du travail social nous pouvons avancer cette hypothèse: sa rationalisation, tout au long du XXe siècle, à provoquer une forme de désenchantement chez les travailleurs sociaux.

Revenons sur le concept de rationalisation. Max Weber a fait du concept de « rationalisation » un thème de la sociologie. Ce qu’il a proposé, c’est la construction d’une théorie de l’évolution des sociétés à partir de l’emprise progressive de la raison instrumentale sur les formes de vie sociale. Il écrit qu’« En même temps que l’ascétisme entreprenait de transformer le monde et d’y déployer toute son influence, les biens de ce monde acquéraient sur les hommes une puissance croissante et inéluctable, puissance telle qu’on n’en avait jamais connue auparavant. Aujourd’hui, l’esprit de l’ascétisme religieux s’est échappé de la cage – définitivement ? Qui saurait le dire… Quoi qu’il en soit, le capitalisme vainqueur n’a plus besoin de ce soutien depuis qu’il repose sur une base mécanique »[11]

Appliqué au travail social, si l’ « ascétisme religieux » pouvait également l’animé à ces débuts, aujourd’hui il paraît davantage animé par la raison « mécanique ». À titre d’exemple, Michel Chauvière, dans son dernier ouvrage revient sur la « clinique » comme pratique dans le travail social. Il note que « la clinique est autant un regard et un langage adressés qu’une pensée construite. Elle signe la possibilité d’une écriture »[12]. Il déplore cependant qu’elle soit reléguée au second plan de l’action sociale au profit de pratiques soumises aux normes comportementales et guidée également par la raison économique.

Si nous poursuivons notre cheminement théorique, avec Max Weber, nous pourrions avancer que le travail social est passé d’une « action rationnelle par valeur » (définie historiquement), c’est-à-dire une action déterminée « par la croyance en la valeur intrinsèque inconditionnelle – d’ordre éthique, esthétique, religieux, ou autre – d’un comportement déterminé qui vaut pour elle-même et indépendamment de son résultat »[13] à une « action rationnelle par finalité déterminée » définie « par des expectations du comportement tant des objets du monde extérieur ou de celui d’autres hommes, en exploitant ces expectations comme « conditions » ou comme « moyens » pour parvenir rationnellement aux fins propres mûrement réfléchies qu’on veut atteindre »[14]. Dans ce dernier cas, il y a une concordance entre les moyens et l’objectif poursuivi et on n’agit ni par expression des affects (et surtout pas émotionnellement) ni par tradition. L’action est jugée selon ses performances, selon l’adéquation qu’on observe entre les résultats poursuivis et les ressources mobilisées pour les obtenir.

Cette forme de rationalisation a des conséquences, puisque Max Weber n’hésite pas à parler de « désenchantement du monde » tenu pour néfaste. Son analyse insiste sur la « normalisation » croissante du monde et la perte de sens de l’expérience moderne. Il note ainsi que « Le destin de notre époque, caractérisé par la rationalisation, par l’intellectualisation et surtout par le « désenchantement du monde », a conduit les humains à bannir les valeurs suprêmes les plus sublimes de la vie publique »[15].

Ce modèle semble particulièrement s’apposer au travail social. En effet, si l’accompagnement clinique peut être considéré comme l’élément fondamental du travail social, il est aujourd’hui mis à l’épreuve de la culture de résultat et d’objectif à atteindre. Autrement dit, s’effectue ici le passage d’une rationalisation par valeurs à une rationalisation par objectif. Ce glissement n’est pas sans conséquence sur le quotidien des travailleurs sociaux. Si l’une des missions du travailleur social est de contribuer à l’amélioration de l’existence d’un individu ou d’un groupe. Cependant, son action est toujours de surface, « Mais, ce faisant, il n’aura pas « opéré » la société (…) »[16]. Car les travailleurs sociaux, alors enclavés dans une pratique professionnelle, seraient ce que nous pourrions appeler des « techniciens du social », ou encore, pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu, la « main gauche de l’État »[17]. Ainsi, comme nous le fait remarquer le sociologue, « Les travailleurs sociaux sont dans un rapport très compliqué avec les gens avec qui ils travaillent, dans un rapport de mauvaise foi. Si vous lisez « La misère du Monde », il y a des témoignages pathétiques de travailleurs sociaux qui savent très bien qu’ils ne servent à rien et qui passent la moitié de leurs temps à se faire croire qu’ils servent à quelque chose autant que de le faire croire aux gens à qui ils sont chargés de le faire croire »[18]. Certains sociologues comme Michel Autes[19] voient dans cet aspect « paradoxal », la raison même de son existence.

Néanmoins, ça ne permet pas de justifier le « malaise » des travailleurs sociaux tel qu’il est décrit par François Abbaléa. Il note qu’aujourd’hui « les repères des travailleurs sociaux, les balises auxquelles ils pouvaient se référer pour développer leur action, paraissent aujourd’hui entourées d’un halo et d’un brouillard qui obligent à un pilotage à vue incertain et insécurisant. Et ce d’autant plus que ceux-là mêmes qui réclament une transformation de valeurs et une allégeance plus grande aux objectifs de l’institution sont le plus souvent dans l’incapacité de produire un nouveau référentiel d’action satisfaisant sur le plan éthique et mobilisateur sur le plan pratique »[20].

Le terme de « malaise » ne semble cependant pas des mieux adaptés car il s’agit avant tout d’un sentiment avant d’être un concept. Nous lui préférons le terme de « désenchantement » qui s’inscrit dans la suite logique de l’approche théorique de Max Weber et d’avancer l’hypothèse d’un désenchantement qui touche à des degrés divers des travailleurs sociaux. À partir de cette proposition, comment peut-on penser le lien entre travail social et conduites artistiques ?

Les conduites artistiques comme acte de résistance ?

Revenons sur l’art en tant que tel et recontextualisé au regard de notre société moderne. Nous avons retenu l’idée du passage d’une rationalisation par valeur à une rationalisation par finalité de l’action du travail social, entrainant au passage un « désenchantement » chez les travailleurs sociaux. Et le rapport entre art et rationalisation nous conduit aux théoriciens de l’École de Francfort. Ainsi, selon Théodor W. Adorno, l’art est en lutte avec la rationalité imposée au monde, rationalité dont il utilise quand même les moyens pour construire l’œuvre. Il note ainsi que « l’art est le refuge du comportement mimétique »[21] et ajoute que « Le fait que, en tant que mimétique, l’art soit possible au sein de la rationalité et se servir de ses moyens est une réaction à la médiocre irrationalité du monde rationnel en tant qu’administré »[22]. Et il ajoute « (…) l’art représente à l’encontre de ceci la vérité dans une double acceptation: tout d’abord en conservant l’image de sa fin détruite par la rationalité et en convainquant la réalité existante de son irrationalité et de son absurdité »[23]. Cette proposition est intéressante au vu de ce que nous avons observé à travers notre analyse, car si le discours des travailleurs sociaux qui ont des conduites artistiques dans ce « monde administré » qu’est le travail social peut être considéré comme « consensuel », ne faut-il pas y voir au contraire une forme d’échappatoire ? En effet, Herbert Marcuse ne voyait-il pas dans l’art, malgré ses limitations idéalistes, et au milieu d’un monde de plus en plus totalitaire, la permanence de l’appel, sous forme de vraie nostalgie, à un monde de satisfaction humaine ? Il notait ainsi que l’art est « peut-être le « retour de ce qui est refoulé » sous sa forme la plus visible »[24] et il ajoutait, « L’art ne peut rien faire pour empêcher la montée de la barbarie (…)[25] car il « ne peut pas changer le monde, mais il peut contribuer à changer la conscience et les pulsions des hommes et des femmes qui pourraient changer le monde »[26]. Autrement dit, sans avancer que les modes d’intervention des travailleurs sociaux deviennent « unidimensionnels » (au sens d’Herbert Marcuse[27]), nous percevons l’axe de notre réflexion: à savoir que les conduites artistiques des travailleurs sociaux participent au « réenchantement » du travail social et en conséquence posent un acte de résistance face aux changements du travail social. Le terme de « réenchantement » est employé par opposition au terme de « désenchantement » de Max Weber.

Des conduites artistiques comme forme de résistance ?

Dans l’axe de notre hypothèse et en référence à l’École de Francfort, la question que nous pouvons nous poser est de savoir si, à travers leurs conduites artistiques, les travailleurs sociaux peuvent constituer le « trublion » du travail social profane et gestionnaire ? Si l’on reprend la définition du dictionnaire Le Petit Robert[28], le terme résistance (dans le cadre de l’action humaine) renvoie à l’« Action par laquelle on essaie de rendre sans effet ». De notre point de vue, il s’agirait surtout de rendre sans effet certains aspects de la rationalisation. En effet, si nous considérons, qu’il y a désenchantement chez les travailleurs sociaux, nous pensons que les pratiques artistiques peuvent être considérées comme des pratiques de résistance face aux nouvelles règles du jeu du travail social. Jean Duvignaud ne note-t-il pas que le théâtre[29] est « une révolte contre l’ordre établi »[30].

Nous avons pu noter dans notre travail[31] que si certains travailleurs sociaux croyaient que « le temps des rebelles » était fini, cet état d’esprit, que représentait l’idée de « résistance », était malgré tout présent chez ceux que nous avons rencontrés et qui ont des conduites artistiques. Ainsi Cloé, assistante de service social nous explique qu’il n’y a pas de « complaisance »:

Cloé : je dis pas qu’on est subversif dans les actes, en tout cas, on chahute, on dit ce qu’on pense, on n’a pas peur, comme il n’y a pas de promotion, je pense que ça nous aide beaucoup, on n’est pas soumis à des postures de séduction de notre employeur puisqu’on en a rien à cirer, on est au dernier échelon, donc il n’y a pas, on est pas complaisant, on s’en fout, voilà, mais bon, c’est en parole, c’est je vous dis, c’est pas suivi d’actes de rébellion, on a posé, si on a posé des actes quand même assez forts, on a fait la grève des contrats d’insertion, des choses comme ça, si on a fait quand même quelques actes qui ont été vécus comme subversifs, des comportements qu’on ne retrouve pas dans le personnel administratif.

Les propos d’Alexandra, conseillère en économie sociale et familiale, révèlent le même état d’esprit:

Alexandra : le travailleur social est un peu, comment dire, j’ai des fois la sensation qu’on nous prend pour des troubles fêtes, pas des troubles fêtes, mais pour des… qu’on recherche un petit peu les failles, on est un petit peu critique, un peu, un peu sur le vif, et c’est vrai que dire non, en disant non cette fois-ci, je me suis dis mince, je vais encore passer pour quelqu’un qui ne veut pas bosser, qui encore freine des quatre fers, qui a peur du changement, et donc dire non, c’est se positionner et c’est mettre… comment dire, ses compétences en question, pas en question mais dire voilà, ben non je ne suis pas d’accord pour ça, c’est une position personnelle avant tout, et effectivement, ça peut-être difficile…

Cependant, nous avons remarqué, lorsque nous avons réalisé et ensuite analysé nos entretiens que le terme de « résistance » était inapproprié, car il sous-entend un rapport de forces que nous n’avons pas pu mettre en avant de manière aussi évidente entre les travailleurs sociaux et leur hiérarchie (qui a une position dominante et qui est chargée d’assurer la rationalisation du champ). Les rapports entretenus avec les responsables hiérarchiques nous permettent de mettre en avant cet aspect.

Nous avons en effet remarqué que les travailleurs sociaux qui ont des conduites artistiques considèrent les relations hiérarchiques comme « constructives » tandis que ceux n’en ont pas, les considèrent au contraire comme « limitatives »[32]. En effet, il paraît difficile de mettre en place des projets artistiques sans l’aval de la direction, et ce, quel que soit le type de structure[33]. Myriam, éducatrice spécialisée, souligne ainsi:

Myriam : le théâtre là, c’est moi qui coordonnais et je veux dire, on avait quand même la liberté de nous…, on avait l’aval de notre chef, mais on maîtrisait le truc.

Cependant, respecter le chemin hiérarchique n’est pas suffisant. Entretenir de bonnes relations demeure primordial. Parmi les personnes que nous avons rencontrées, Karine, monitrice-éducatrice illustre parfaitement cet aspect constructif des relations hiérarchiques. Elle nous parle de ces « excellentes relations » qu’elle entretient avec sa chef de service:

Karine : c’est vrai que j’ai d’excellentes relations avec ma hiérarchie, une relation de confiance, donc c’est vrai que j’avais peu de chance, peu de risque pardon, que ce soit refusé. C’était quand même quelque chose de faisable par rapport au budget, donc le fait d’avoir la pleine confiance de ma hiérarchie, c’était quand même la moitié du travail de fait on va dire. Donc c’est vrai que de ce côté là, par rapport à certains de mes collègues, on va dire que j’ai une certaine chance. Je vais donner l’exemple, là, j’ai ma chef de service qui est venue me voir pour la naissance de mon fils. Je ne pense pas que ce soit tout le monde qui ait cette chance-là. Parce que bon, elle sait très bien qu’une fois que je retournerai au boulot, ben voilà, le boulot c’est le boulot, maintenant, on peut avoir une petite relation à côté du boulot quoi. Elle sait très bien que je fais la part des choses donc. Mais c’est vrai que j’ai une certaine chance de ce côté-là quoi. J’ai une direction qui me fait confiance et avec qui j’ai de bonnes relations.

Karine a par ailleurs soulevé le fait que sa chef de service l’« avait beaucoup aidée durant sa formation », et qui lui a ensuite « laissé une place et responsabilisé ». Grâce à cela, elle a pu « évoluer à vitesse grand V ».

Dans un autre contexte, nous retrouvons Anne, animatrice, qui indique son respect des règles et des procédures, élément certainement renforcé par le fait qu’elle fut directrice par intérim[34]:

Anne : J’ai assuré ce rôle d’intérim de direction, parce que je pense que c’est une forme de reconnaissance aussi, mais c’est vrai qu’après j’ai repris mon statut et j’y tiens, c’est-à-dire que je respecte les règles, les procédures.

A noter cependant que le fait de les considérer comme « constructives » ne signifie pas qu’elles soient pour autant considérées comme « positives ». Ainsi, Cloé, assistante de service social souligne, tout en mettant en avant le facteur générationnel (sous-entendant que les nouveaux travailleurs sociaux acceptent davantage les nouvelles règles du jeu transmises aussi durant la formation[35]), qu’elle est dans une démarche résistante, notamment au regard de ce qui vient de sa hiérarchie:

Cloé : Et je vois, en tout cas ma génération, moi j’ai 50 ans, et c’est vrai que ma génération, on essaie de résister, on essaie de résister à tout un tas de trucs, c’est épuisant, c’est épuisant.[36]

S’il est nécessaire d’avoir l’aval de sa hiérarchie pour mettre en place un projet artistique, ce lien ne rend-il pas difficilement plausible l’idée de « résistance » ou de subversivité de l’art si nous nous appuyons sur Théodor W.Adorno, car il reste nécessaire dans ces conditions d’entretenir de « bonnes relations »[37] ? Les travailleurs sociaux qui ont des conduites artistiques ne sont pas pour autant complètement dévoués par leur hiérarchie. Aussi, à partir de nos entretiens, nous avons remarqué quelques éléments significatifs qui caractérisent les conduites artistiques dans ce que nous pourrions davantage appeler des « bribes de résistance »: elles peuvent être un « projet politique », une subversion et également engendrer une certaine crainte dans les établissements. C’est ce que nous allons désormais développer. Ainsi, Michelle, assistante de service social, nous a expliqué à propos du « Théâtre de l’opprimé » qu’il y a une volonté de changer les choses:

Michelle : nous notre idée, c’est quand même d’atteindre les personnes à des places de décisions donc le Conseil Général, c’est essentiel c’est quand même un projet politique.

Enquêteur : c’est considéré comme un projet politique ?

Michelle : enfin moi, je l’ai considéré comme ça, avec une idée de changement oui, dans ce sens-là. (…) on l’amène doucement le discours politique et on l’a pas amené au départ.

Elle se défend également d’avoir « suivi la hiérarchie ». Or, à l’analyse de l’entretien, nous avons remarqué qu’elle l’a davantage utilisé, dans la mesure où elle s’est particulièrement appuyée sur les personnes hiérarchiquement supérieures favorables au projet[38] tout en soulignant que l’activité doit être « dérangeante ».

Dans une dimension cette fois beaucoup plus réduite, de son côté, Tiphaine, aide médico-psychologique nous a expliqué qu’en mettant en place son atelier d’arts plastiques, elle prenait un gros risque, et ce, au regard cette fois de l’ « état d’esprit de l’équipe ». Autrement dit, si résistance il y a, ce n’est pas simplement au regard de la hiérarchie, mais aussi à celui des collègues de travail.:

Tiphaine : c’est un risque, là c’est subversif, là ouais nettement, bien que tout le monde est content, on a exposé, tout le monde est content, mais dans la façon… ben je vous dis, les toiles, elles sont pas aux murs, c’est quand même grave comme idée hein. On a tout caché, on a tout détruit, on a tout détruit.

Enquêteur : détruit ?

Tiphaine : ben je vois les panneaux photos qu’on a fait, que j’avais un peu décorées, ils ont carrément découpé dedans. Non, mais il y a quand même un état d’esprit… faut pas trop qu’on s’incruste, non je le ressens. Ah non faut pas…

Tiphaine, à plusieurs reprises, notera le manque de « reconnaissance » de son travail et de celui des résidents. Cette absence de reconnaissance, elle la lie également au fait que les productions ne sont par ailleurs pas comprises au sein de l’établissement et plus particulièrement par ces collègues. Cependant, si pour certains travailleurs sociaux la mise en place des activités s’est faite en quelque sorte dans un rapport de force, cela ne signifie pas qu’il s’agisse de pratique foncièrement « résistante ». Cela nous permet d’avancer que ces conduites ne se font pas indépendamment du reste de la structure, ce qui en quelque sorte les légitime. En effet, il est difficile d’envisager la mise en place d’une activité sans autorisation hiérarchique. Ainsi, Léone assistante de service social nous dit qu’il a fallu qu’elle maintienne ses positions:

Léone :  La responsable régionale était très partante avec moi, mais bon, on a eu quand même des points divergents à un moment donné, il a fallu que je maintienne mes positions, que j’argumente, enfin bon, ça été quand même un peu une bataille.

Néanmoins, les travailleurs sociaux ont suffisamment de marge de manœuvre (en utilisant les « zones d’incertitudes » institutionnelles) pour finalement faire « peur » du moins avoir encore cette possibilité. Aussi, nous pouvons avancer que lorsque les travailleurs sociaux leur donnent une dimension pratique critique, les conduites artistiques font partie du jeu du travail social.

Enfin, nous avons remarqué dans nos entretiens la récurrence d’un élément, celui de la « peur » des institutions face aux projets artistiques. Néanmoins, elles ne sont pas fondées sur les mêmes éléments. Ainsi Anne, animatrice nous explique:

Anne : au niveau de la direction, même si je fais peur des fois, parce que je suis toujours un peu dans des projets-défi quoi, et bon, ça peut faire peur quoi. Bon après il y a la confiance. La directrice me fait assez confiance, elle sait comment je travaille, je ne fais pas n’importe quoi. Quand je travaille avec des partenaires, je les connais et j’ai pris, j’ai pris les garanties nécessaires. Donc là-dessus ouais, au niveau de la direction, je travaille sur ce projet, je travaille avec elle. De toute façon, c’est elle qui valide. Je ne suis pas en opposition avec la direction. C’est aussi elle qui valide ce que je fais, ce que je propose. Ça passe toujours par une validation de la direction.

Enquêteur : c’est toujours accepté, ou fois il y a des choses qui ne sont pas acceptées ?

Anne : ben il y a des fois je me fais taper sur les doigts, quand elle se rend compte que le théâtre, une scène n’est pas accessible et qu’on porte les fauteuils…

Même si Anne met en avant une « peur » davantage liée à une dimension technique, nous pouvons aussi avancer qu’en prenant des risques de ce type, elle peut bouleverser le fonctionnement institutionnel. Nadine, éducatrice spécialisée, nous a fait remarquer que son travail se plaçait dans un contexte institutionnel difficile:

Nadine : il fallait faire le ménage dans la boîte, fallait faire du vide, et il y avait eu d’autres choses. Et puis je crois que ça faisait très très peur, très très peur ces activités culturelles. J’étais quand même drôlement à l’écart, je n’avais pas de contact avec les collègues, je travaillais seule, je n’avais pas de réunion d’équipe, je n’avais pas de réunion institutionnelle, j’étais complètement isolée. Donc, j’étais soutenue par un certain nombre de collègues, comme d’habitude, il y a toujours vous savez ceux qui sont…, c’est un foyer qui a beaucoup fonctionné sur ce mode-là, le phénomène institutionnel vous connaissez, et puis qui reproduit, et qui a reproduit longtemps, qui reproduit plus maintenant, parce qu’il y a eu vraiment des changements qui ont permis que ça s’arrête, mais donc…

Au regard de l’ensemble des éléments parcourus, ne faudrait-il parler de « résistance collaborative », terme au demeurant paradoxal, mais qui situerait les conduites artistiques comme une autre manière de faire du travail social tout en s’inscrivant dans une logique conforme aux attentes du travail social profane. Ce volet comporterait une dimension « critique » pour laquelle nous entendons une action qui vise à émettre un jugement positif ou négatif au regard de l’ordre et du jeu établis à l’intérieur du champ. Léone, assistante de service social, illustre parfaitement cette proposition:

Léone : moi je trouve qu’on est beaucoup dans la plainte quand même et pris dans un système, on alimente ça un peu, je pense. C’est peut-être facile d’en parler là où je suis, justement, pour l’instant, mais n’empêche, enfin nous aussi on pourrait dans notre service, on pourrait être pris dans ce système très vite. Mais je pense qu’il faut pour ça un chef de service quand même très très très très important, enfin, pour contribuer à lutter contre ça. Il crée une dynamique particulière. Je pense que dans notre service, notre chef, elle crée une dynamique particulière qui fait qu’on arrive à se dépatouiller des directives qui ne nous conviennent pas, on les contourne quoi, au lieu de… et tout en maintenant un lien positif avec la hiérarchie, c’est ça qu’est rigolo. Alors les autres, dans d’autres départements, ça se passe pas comme ça, et elles sont en conflit, pourtant elles appliquent, elles appliquent à la lettre les consignes et là elles sont en conflit avec la hiéra… avec l’AS régionale. Nous qui n’appliquons pas certaines consignes, on va plutôt être en bons termes, donc c’est, je trouve que c’est intéressant à analyser ça.

C’est par exemple le point soulevé par Alexandra, conseillère en économie sociale et familiale qui souligne la nécessité de se positionner tout en s’inscrivant dans une logique de mission:

Alexandra : j’ai eu la possibilité de dire non, de me positionner, mais je savais que, enfin… avec l’espoir que mon supérieur me suivrait et c’était le cas, et puis le groupe de travailleurs sociaux était d’accord avec moi. Effectivement, je tiens au maximum de mes possibilités. Maintenant, je suis comme tout le monde, j’ai un supérieur qui… je dépends, j’ai des missions, à suivre enfin donc maintenant je suis obligée de suivre les directives, mais dans la mesure des mes possibilités, si je peux dire non, et l’argumenter, je le fais. Parce que c’est ça aussi le travail social, c’est qu’on a à défendre un travail, à défendre une façon de voir les choses,

Cependant, comme le fait remarquer Zygmunt Bauman à la suite des lectures de Théodor W. Adorno, « (…) les créateurs de culture ont besoin des gestionnaires s’ils souhaitent (c’est le cas de la plupart d’entre eux, décidés à « améliorer le monde ») être vus, entendus et écoutés, s’ils veulent avoir une chance de mener à bonne fin leur tâche/projet. Autrement, ils encourent la marginalité, l’impuissance et l’oubli. Les créateurs de culture n’ont d’autre choix que de vivre avec ce paradoxe. Ils ont beau protester avec véhémence contre les prétentions et l’ingérence des gestionnaires, ils doivent chercher un modus co-vivendi avec l’administration, au risque sinon de sombrer dans l’inadaptation. Ils ont le choix entre des gestionnaires poursuivant des buts différents et qui rognent la liberté de création culturelle selon diverses intentions – mais certainement pas entre accepter ou rejeter l’administration en tant que telle. Pas de façon réaliste en tout cas. Tout cela parce que le paradoxe en question provient du fait que, malgré toutes les médisances mutuelles, les créateurs de culture et les gestionnaires sont destinés à partager la même maisonnée et prendre part à la même aventure. Leur rivalité est fraternelle »[39]. Autrement dit, l’émergence de ces pratiques ne peut se faire concrètement sans la « complicité » administrative, sinon, c’est la « sanction », c’est ce qui arrivé à Myriam, éducatrice spécialisée:

Myriam : on avait fait une exposition d’art dans notre projet, ça ne rentrait pas dans le moule, donc on nous a un peu démontés quoi.

Enquêteur : dans le moule, dans lequel ?

Myriam : dans le moule de l’institution quoi, dans le projet type.

Aussi, bien que les éléments que nous venons de soulever permettent de montrer les conduites artistiques sous un angle quelque peu subversif, notons néanmoins que ce n’était pas une volonté systématique de la part des travailleurs sociaux que nous avons interviewés. La dimension du plaisir dans le travail fut particulièrement prégnante dans le cadre de ces conduites artistiques. Ainsi, à titre d’exemple, nous citerons Aristide, éducateur spécialisé, souligne le caractère indéfinissable de l’émotion ressentie:

Enquêteur : vous avez parlé d’émotions artistiques, pour vous c’est quoi une émotion artistique, de votre point de vue ? Vous avez parlé de ça à propos de ce qu’on fait les autres enfants, par rapport à la peinture, par rapport aux autistes ?

Aristide : oui oui oui et puis aussi par rapport aux enfants avec lesquels j’ai travaillé à l’extérieur. Euh… c’est difficile à définir, j’ai le souvenir d’objets, de photographies d’objet qui sont restés comme ça où finalement avec assez peu de moyens… matériels, il y avait quelque chose qui se dégageait de l’objet produit quoi, quelque chose de tout à fait unique… oui une émotion qui n’était pas… qui était vraiment lié à l’objet quoi, l’objet, en tout cas ce que ça représentait, aussi bien au niveau de la forme que du… ouais, je peux vous envoyer une photo…

En conclusion

La question du rapport entre travail social et art nécessite à notre sens d’être abordé dépendamment des transformations de l’intervention sociale. Ces dernières sont liées aux évolutions politiques et économiques de ces trente dernières années. En effet, les politiques néolibérales influent largement sur la manière d’accompagner l’usager, rendu désormais responsable de sa situation et qu’il va falloir « mettre au travail » à travers des politiques d’activation que les travailleurs sociaux doivent mettre en application. Bien qu’il ne s’agisse pas de savoir si ces politiques sont « efficaces », nous avons fait le constat qu’elles heurtaient l’éthique professionnelle des travailleurs sociaux. Dans ces conditions, le recours aux pratiques artistiques pourrait assurer une double fonction pour les professionnels: celle d’un échappatoire et en même temps d’une réappropriation du travail social qui leur permettrait d’accompagner autrement les usagers.

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Notes

[1] Docteur en sociologie et attaché de recherche à l’Institut Régional du Travail Social de Franche-Comté, auteur d’une thèse sur les conduites artistiques des travailleurs sociaux en milieu professionnel.

[2] Eric Pol-Simon, « Perte de vue, prise de vue. L’acte photographique: support dans l’accompagnement d’adultes atteints de cécité », Le sociographe, n°6, septembre 2001, p.33-46

[3] Sylviane Compan, « Expression créatrice, émergence de l’être », Le sociographe, n°7, septembre 2001, p.54

[4] Nous ne rentrerons pas pour l’instant sur le glissement sémantique de la dénomination des personnes qu’accompagnent les travailleurs sociaux.

[5] Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Éditions de Minuit, 1984, p.19-36

[6] Gérard Creux, Pour une analyse des conduites artistiques des travailleurs sociaux en milieu professionnel, Doctorat de sociologie, Université de Franche-Comté, 18 décembre 2009

[7] Christophe Pittet, Les arts de la scène dans le champ de l’insertion professionnelle, soutien à l’expression ou support de normalisation, in L’observatoire, « L’art peut-il être utile au social ? », n°70, 2011, p.56

[8] Jean Duvignaud, Sociologie de l’art, Paris, Éditions PUF, 1984, p.22

[9] cité par Emmanuel Daydé, «L’art brut ou la fête des fous », Dada, n°128, avril 2007

[10] Pascal Nicolas-Le Strat, Une sociologie du travail artistique: artistes et créativité diffuse, Paris, Éditions L’harmattan, 1998, p.24

[11] Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, op. cit., p.224

[12] Michel Chauvière, L’intelligence sociale en danger. Chemins de résistance et propositions, Paris, La Découverte, 2011, p.211

[13] Max Weber, Économie et société, Tome 1, Les catégories de la sociologie, op. cit., p.55.

[14] Ibid.

[15] Max Weber, Le savant et le politique, op. cit., p.120.

[16] Jean-Marie Domenach, Patrick Giros, Hubert Lafont, Philippe Meyer, Paul Thibaud, Paul Virilio, « Le travail social, c’est le corps social en travail », Esprit, n°4-5, avril-mai, 1972, p.795.

[17] Pierre Bourdieu, Contre-feux I, Paris, Éditions Raisons d’agir, 1998, p.9

[18] Pierre Bourdieu, « La sociologie est un sport de combat », documentaire de Pierre Carles, 2001

[19] Michel Autes, Les paradoxes du travail social, Paris, Éditions Dunod, 1999, p.72

[20] François Aballéa, « Crise du travail social, malaise des travailleurs sociaux », Recherches et Prévisions, n°44, 1996, p.11-22, p.21

[21] Theodor W.Adorno, Théorie esthétique, Paris, Éditions Klincksieck, 1974, p.77.

[22] Ibid.

[23] Ibid.

[24] Herbert Marcuse, Eros et civilisation, Paris, Éditions de Minuit, 1963, p.131.

[25] Herbert Marcuse, Contre-révolution et révolte, Paris, Éditions Seuil, 1973, p.152.

[26] Herbert Marcuse, La dimension esthétique: pour une critique de l’esthétique marxiste, Paris, Éditions Seuil, 1979, p.45.

[27] Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel, Paris, Éditions de Minuit, 1968.

[28] Version numérique 2008.

[29] Précisons que Jean Duvignaud s’intéresse essentiellement au théâtre occidental.

[30] Jean Duvignaud, Les Ombres collectives: sociologie du théâtre, Paris, Éditions PUF, 1965, p.566.

[31] Notre recherche repose sur un travail empirique construit à partir d’une enquête par entretien auprès de 22 travailleurs sociaux (diplômés d’Etat) ayant des conduite artistiques dans le cadre de leur profession et d’une enquête par questionnaire construit sur la base d’un échantillon de 668 travailleurs sociaux (diplômés d’Etat) dont 60%ayant des conduites artistiques dans le cadre de leur profession.

[32]

[33] Irene, assistante de service social à la Sécurité Sociale note que « c’est quand même une institution réputée assez rigide. (…) faire ça sans l’aval de sa hiérarchie, ça me semble assez difficile ».

[34] Nous renvoyons sur ce point à Seymour Lieberman, « Les effets des changements de rôles sur les attitudes » in Henri Mendras et Marco Oberti, Le sociologue et son terrain: trente recherches exemplaires, Paris, Éditions Armand Colin, 2000, p.218 à 229.

[35] Nous avons remarqué lors de cours auprès des étudiants en travail social, notamment auprès des éducateurs spécialisés ou d’assistants de service social, qu’ils n’étaient pas dupes de ce formatage. Aussi, pouvons-nous penser qu’actuellement le niveau scolaire actuel des étudiants est bien souvent supérieur au niveau de diplôme qu’ils acquerront ; ils ont souvent déjà eu une expérience professionnelle ou scolaire dans l’enseignement supérieur qui leur permet d’acquérir un capital culturel utile pour la compréhension du jeu et l’enjeu de la formation.

[36] Cloé nous apportera un exemple d’acte de « résistance ». Son employeur, le Conseil Général a tenté d’imposer un « tableau de bord » afin de contrôler l’activité des travailleurs sociaux. On retrouve ce genre d’outil dans d’autres institutions, notamment le secteur médical avec le PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information). L’objectif selon l’assistante de service était de quantifier l’intervention auprès des usagers. Elle note: « Ils sont obsédés par ça, obsédés par ça, par ce qu’on fait, par ce qu’on ne fait pas, ils veulent, alors c’est vrai que les élus sont hyper-présents à toutes les strates maintenant, c’est épouvantable, et alors ils veulent absolument maîtriser ce qu’on fait et c’est obsédant pour eux, donc ils ont fait cet outil qui n’était pas plus mal que d’autres que j’ai vus, mais c’est impossible, c’est quelque chose d’impossible je crois, bâtir un outil, je crois que c’est impossible. Il fallait compter à la fois le type d’intervention qu’on faisait et la nature, alors quand on sait ce que c’est un entretien social, déjà le qualifier par nature c’est très difficile, et après, ils voulaient quantifier le temps qu’on passait sur le logement, c’était impossible, c’est impossible donc on foutait n’importe quoi, tout le monde disait qu’on mettait n’importe quoi, donc finalement ils ont renoncé. Mais au départ, ils nous l’ont alors c’est qu’il y en a qui ont fait de la résistance. On ne le remplissait pas. Donc il n’y a pas eu de sanction, il y a eu des menaces de sanction, mais bon… »

[37] Un peu à la manière de Raymond Bourdon quand il parle des « bonnes raisons », nous nous aventurerons pas sur une définition de ce que peuvent être de « bonnes relations »…

[38] Ce n’est pas sans rappeler cette affirmation de Pierre Bourdieu à propos des univers sociaux,  « plus on comprend comment il fonctionne, plus on comprend aussi que les gens qui le font fonctionner sont manipulateurs autant que manipulés, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne manipulent pas et souvent ils manipulent d’autant mieux qu’ils sont eux-mêmes manipulés et inconscients de l’être », in Pierre Carles, « La sociologie est un sport de combat », documentaire vidéo, 2001.

[39] Zygmunt Bauman, La vie liquide, op. cit., p.74-75.

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