Cet article est issu d’une recherche participative auprès de professionnels chevronnés de la santé mentale et de l’aide sociale et commanditée par la Fondation Roi Baudouin en 2014 au Département d’Etudes et d’Actions Sociales de l’Umons. Recherche réalisée en collaboration avec Pascale Jamoulle, Luc Van Huffel et Silvia Mesturini.
« Il est un âge où l’on enseigne ce que l’on sait ; mais il en vient ensuite un autre où l’on enseigne ce que l’on ne sait pas : cela s’appelle chercher. Vient peut-être maintenant l’âge d’une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l’oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l’on a traversées. Cette expérience a, je crois, un nom illustre et démodé, que j’oserai prendre ici sans complexe, au carrefour même de son étymologie : Sapientia : nul pouvoir, un peu de sagesse, un peu de savoir et le plus de saveur possible »
Roland Barthes (extrait de la Leçon inaugurale prononcée au Collège de France, le 7 janvier 1977)
Les fonctionnements de nos sociétés postmodernes précarisent-elles la santé mentale des populations ? Elles la questionnent en tout cas. Ce « mal-être » augmenterait d’année en année[2]. Le pourcentage de la population présentant une psychopathologie probable nécessitant une prise en charge professionnelle serait plus élevé chez les personnes de milieu défavorisé.[3]
Quels sont les liens entre le mal être psychique et les nouvelles questions sociales, entre les atteintes psychiques, les précarisations et les désaffiliations contemporaines ?
L’approche psychiatrique dite « traditionnelle » tend à distinguer les manifestations de souffrance psychique liées à l’exclusion sociale d’une part et les « maladies mentales » d’autre part. Pourtant, sur le terrain, de nombreux intervenants psycho-sociaux observent la grande complexité des liens entre les précarisations et certains troubles de santé mentale. Les professionnels soulignent les contraintes de métiers amenés à devoir composer avec de nouvelles situations, ou des situations existantes mais qui se sont à terme fortement dégradées.
Ces mêmes intervenants, aux prises avec les maladies mentales et les effets de la souffrance sociale exprimée par les bénéficiaires de leurs actions, disent eux-mêmes être pris dans une précarité de langage pour décrire et analyser ce qui se passe pour eux. Ce faisant, ils se tournent vers les experts de la santé mentale qui, sans se ressentir incompétents, se retrouvent eux aussi en désarroi tant les situations sociales des personnes orientées sont le fruit d’une accumulation de problèmes divers et aigus.Nous observons, en amont, les processus de précarisation produits par les contextes sociaux, et en aval, la façon dont les souffrances psychiques peuvent dégrader les liens sociaux et mettre au ban les personnes qui les vivent.
Souffrances sociales, maladies mentales, des lieux de résistances ?
L’insécurité sociale et l’effritement de la solidarité dans un contexte d’hyper-individualisme sont des portes d’entrées par lesquelles passe l’exclusion pour précariser les personnes. Celle-ci survient au terme de trajectoires individuelles au cours desquelles se cumulent et se renforcent un certain nombre de « dé privations » et de ruptures spécifiques, qui s’accompagnent de mécanismes de stigmatisation, de mise à l’écart et de rejet (Destremeau, Salam, 2002).
Liens souffrants
La souffrance psychique d’origine sociale produit un déficit de confiance en soi, en l’autre et en l’avenir (Furtos, 2007), et des effets handicapants pour les personnes concernées, tant sur le plan de leur vie privée que sur celui de leur insertion sociale et professionnelle, et de leurs relations aux institutions (Bertolotto in Joubert, 2003). L’usure sociale, de par sa dimension subjective, est difficile à mesurer sauf à en observer les effets sur la vulnérabilité des personnes et remarquer que celle-ci s’aggrave en même temps que progresse la dégradation du tissu social. Dans le secteur psychiatrique hospitalier et selon les psychiatres consultés lors de cette recherche, les troubles de l’attachement concerneraient près de la moitié des hospitalisations.Ces troubles sont en effet souvent associés à des assuétudes sévères dans la vie des sujets.
Que sont les troubles de l’attachement ?
« La théorie de Bowlby sur l’attachement décrit l’importance de la relation précoce qui se développe entre le nourrisson et le principal donneur de soins. Ce lien affectif appelé attachement constitue la base du développement social, affectif et même cognitif ultérieur. Les relations d’attachement continuent à influencer les pensées, les sentiments, les intentions et les relations intimes tout au long de la vie. La recherche montre que l’attachement sécurisant est un facteur de protection qui entraîne des résultats développementaux plus optimaux, alors que les enfants dont l’attachement est non sécurisant sont plus enclins à avoir des problèmes sociaux et d’inadaptation. Quant à ceux dont l’attachement est désorganisé, ils courent davantage de risques de psychopathologie et de mauvais résultats. »[4]
Lorsque la qualité des liens est altérée, le trouble intervient comme expression d’une forme de discontinuité de l’être au monde. La relation d’aide en est le signe et souffre elle-même de la pénurie d’ajustement à l’autre. Les personnes qui présentent des troubles du lien sont dans une alternance de demande et de rejet de l’aide, liée à l’angoisse de s’attacher par peur d’être déçu, rejeté. Dans la relation binaire de confiance au médecin, au travailleur social, on assiste à des oscillations constantes dans la qualité du lien, voire à des ruptures.
Les professionnels de l’aide et du soin constatent la prévalence des troubles de santé mentale en contexte social de rue. Des études font le constat que près de 30 % de personnes dites sans-abri présentent des troubles psychiatriques sévères[5]. On assiste à une fragilisation conjointe du tissu social et de la santé mentale des individus avec pour conséquence une capacité d’ajustement au contexte social qui fait défaut. En effet, les personnes ont si peu de ressources qu’elles se retrouvent en dilemmes permanents : « Quand vous êtes en pauvreté, la question de se soigner ou de manger est toujours là » (Manu Goncalves, SSM Le Méridien).
Différents groupes d’individus vivent des formes d’exclusion majeures. Ils disent être pris dans une forme de lente agonie qui touche autant à leurs capacités à développer des ressources pour y faire face qu’à la capacité à se remettre en lien avec autrui. Certaines personnes semblent plus touchées que d’autres par les effets de la dégradation du social. Elles sont considérées par les intervenants comme particulièrement vulnérabilisées par les effets de l’exclusion qu’elles expriment par des formes d’errance, de conduites à risques, de violences qu’elles ont capitalisées (Nicolas in Jamoulle, 2014), de rapport à soi et aux autres pour le moins pathogènes. Dans les différents lieux où le social se voit confronté à ses fragilités et à ses propres tremblements, on voit apparaître des lignes de faille qui scarifient la santé mentale en contexte social.
La pénurie de transmission secourable[6] crée une difficulté à faire résistance, à être dans le savoir sur soi, tant la répétition les conduit à devenir, comme le dit Patrick Declerck, des exilés de leur propre historicité (Declerck, 2001). A défaut de pensée, ils ont tendance à se soumettre à un système de l’agir. Parler, dire sa réalité, verbaliser – et donc structurer – devient impossible. Par capillarité, l’indicible se marque donc dans le corps.
Si les conduites à risques sont massivement des conduites d’appel qui manifestent les souffrances sociales vécues, les désaffiliations lentes et les « échouages à la rue»[7] sont un second ordre de manifestations des souffrances sociales contemporaines. La désaffiliation, la rupture des liens essentiels peut conduire à la grande exclusion les personnes qui disposent de peu de ressources et de réseaux.
Souffrance au travail
Une autre dimension qui allie souffrance psychique et exclusion sociale est la dimension de la souffrance au travail. Celle-ci se manifeste selon trois axes : le travail comme entité de valeur, le travail comme source d’un mieux-être, le travail comme processus identitaire dans le social. Une série de symptômes liés à la souffrance au travail arrivent quotidiennement dans les services de santé mentale et dans les structures hospitalières sous des formes d’expressions diverses que sont le burn-out, des consommations abusives de psychotropes dopants pour faire face aux cadences infernales, l’usure à ne pas trouver un emploi, ajoutée à une perte importante de confiance en soi… Dans La société d’hyperconsommation (Lipovetski, 2006[8]) où la valeur de l’existence se mesure à l’aune du pouvoir de consommation, les personnes expérimentent la misère symbolique (Stiegler, 2013)[9]. Elle s’augmente d’une misère matérielle quand le pouvoir de consommation est devenu si faible qu’il n’arrive plus à sécuriser, à produire de l’estime de soi. Le poids de la honte est particulièrement fort pour ces personnes amenées à devoir composer avec l’effondrement de leurs croyances et projets. Les personnes disent utiliser davantage d’énergie pour ne pas paraître trop abîmées, trop stigmatisées par ce changement radical dans leur vie, que pour se mettre en projet.
La souffrance au travail se présente alors comme la souffrance de la personne dans sa dimension intime et sociale, dans sa capacité à trouver sa juste place dans le social et à se réaliser avec et au travers de celui-ci.
Les plans d’activation à l’emploi sont une autre facette de la réalité souffrante liée au travail. Cette situation peut sembler paradoxale. Comment l’insertion sociale par le travail peut-elle produire une souffrance ? C’est le déficit de confiance dans le système de protection sociale quand il impose aux allocataires sociaux de « se réinsérer à tout prix » par le travail qui crée la souffrance. L’injonction et les menaces d’exclusion à la clé peuvent être perçues comme des violences de fait. Pour de nombreux professionnels de l’aide psycho-médico-sociale, les politiques d’activation, quand elles sont appliquées de manière rigide et standardisée, ne prennent pas toujours la mesure de la situation des personnes en ruptures sociales, que des parcours chaotiques et de longues périodes de désemploi ont atteintes sur les plans physique, psychique et relationnel. Les personnes les plus éloignées du marché du travail subissent la pression de devoir rentrer dans le rang alors que, jusque-là, elles en étaient exclues. Face à cette nouvelle donne, elles sont dans l’incompréhension la plus totale mais restent néanmoins conscientes qu’elles vont subir encore une série d’exclusions et d’aggravations rapides de leur situation. Car le phénomène de l’étiquetage (Becker, 1985)[10] vient renforcer les mécanismes de l’exclusion proprement dits.
D’un autre côté, orienter vers la santé mentale des bénéficiaires peu « activables » dédouane certains activateurs, d’autant plus s’ils se sentent jugés sur le critère d’obligation de résultats. Quand ces deux processus se croisent, on assiste à une orientation massive vers le champ de la santé mentale de bénéficiaires d’allocations sociales. Des services sont submergés de demandes de ce type. La pression faite sur les personnes en situation de fragilité semble énorme. Elles estiment être mises dans une position intenable, sommées d’accomplir quelque chose d’irréalisable, ne pouvant répondre aux attentes formulées par les institutions qui leurs demandent d’agir. L’exclusion sociale produit ou renforce les effets des fragmentations sociales et psychiques tant chez les personnes fragilisées que chez les personnes qui sont considérées comme « malades mentales ». Les sujets évoquent la difficulté à trouver une place dans une société dont ils estiment qu’elle ne les désire pas autant qu’eux la désirent. Ils subissent les effets multiples de cette exclusion, elle aussi multiple, présentant des symptômes de leur mal être dans le corps et le psychisme. L’identité se voit effractée par la violence réelle et symbolique des liens à soi, à l’autre. Ces symptômes sont aussi des lieux d’appel aux changements, des formes de transmission d’un espoir indicible et une invitation à plus de considération sociale.
Souffrance mais résistance
On l’a dit, les atteintes aux liens se manifestent par l’émergence de symptômes psycho-sociaux comme l’errance, les toxicomanies, les tensions dans les rapports de genre et une série de troubles qui mettent à mal la qualité du lien à soi et aux autres. La santé mentale et l’exclusion sociale sont toujours davantage associées entre elles par les dynamiques du lien et du social. Plus encore, ce qui les inter-agit est la souffrance dans ses différentes dimensions, physique, psychique, familiale… Qu’elle soit liée ou non à une vulnérabilité intrapsychique, l’exclusion – et ce qu’elle produit comme effets sur la santé mentale – interroge les capacités d’adaptation en contexte social, les capacités de résistance face à un environnement qui insécurise et empêche les projections dans l’avenir.Le champ de l’intervention psycho-médico-sociale est un lieu d’observation et de réflexivité propice à un débat sur les liens entre exclusion sociale, souffrances psychiques et maladies mentales[11] .
Face aux manifestations de souffrances psychiques d’origine sociale (conduites à risques, désaffiliations, souffrances au travail …), les personnes vulnérables et les intervenants qui travaillent avec elles activent de multiples débrouilles pour ouvrir de nouvelles potentialités. Lorsque l’activation est douce, adaptée au rythme des personnes, elle produit des évolutions en capitalisant la confiance en soi, en l’autre et en l’avenir et ce, à plus long terme. Les tactiques et stratégies de résistance aux malheurs sont toujours à réinventer, en contexte social direct, dans l’urgence de la survie, à partir des ressources locales. Nous les abordons dans une seconde analyse intitulée : La clinique du lien face à l’exclusion sociale. Perspectives d’un développement durable en santé mentale. 2. Injonctions paradoxales dans le système de soin et pratiques sociales de résistance.
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Notes / Références
[1] Emmanuel Nicolas est intervenant social, thérapeute systémique et anthropologue auprès des « habitants de la rue », consultant et formateur au STICS et professeur à la HELHa. Il co-anime le Certificat Santé Mentale en Contexte Social (UCL) et le Certificat « Pairs aidants » (UMons).
[2] Les résultats de l’enquête de santé 2013 montrent qu’en Belgique, une personne sur trois (32%) âgée de 15 ans et plus manifeste des difficultés psychologiques, telles que se sentir stressé(e) ou tendu(e), être malheureux(se) ou déprimé(e) ou ne pas pouvoir dormir à cause de ses soucis.
Cela représente une tendance à la hausse puisque entre 2001 et 2008, 25% à 26% de la population exprimait alors cette condition. Source : Enquête de santé 2013, Rapport 1 santé et bien-être, Institut scientifique de santé publique, p.19
[3] L’enquête de santé menée en 2011 auprès d’un échantillon représentatif de la population belge a mis en évidence le fait que le pourcentage de la population présentant une psychopathologie probable nécessitant une prise en charge professionnelle est en augmentation par rapport aux années précédentes ; il est plus élevé en Wallonie (20%) qu’en Flandre (16%) ; et plus élevé chez les personnes de milieu défavorisé (28%).
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[4] Voir Juffer F, Bakermans-Kranenburg MJ, van IJzendoorn MH. Soutenir les familles pour former des liens d’attachement sécurisant : commentaires sur Benoit, Dozier, et Egeland. In: Tremblay RE, Barr RG, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [sur Internet]. Montréal, Québec: Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants; 2005:1-7. Disponible sur le site: http://www.enfant-encyclopedie.com/documents/JufferFRxp.pdf. [Page consultée le 7 septembre 2015].
[5] Chiffres issus de l’étude conjointe réalisée à Paris par l’INSERM et le Samu Social (2009). Les différents membres de la FEANTSA (Fédération Européenne des Associations Travaillant auprès des Sans Abri) développent des évaluations quantitatives et qualitatives de cette problématique. La Belgique tente d’affiner ces chiffres dans une recherche globalisée en matière de Santé Mentale chez les Sans-Abri, recherche coordonnée par la Plateforme en Santé Mentale.
Cependant, notons que la récolte des données intervient au départ des opérateurs, de leur grille d’analyse. Toute une frange de la population dite « sans-abri » n’a pas ou peu de contact avec les services sociaux et sort d’un éventuel recensement. Par ailleurs, certains recensements sont réalisés au départ de grilles orientées vers le « pathologique ».
[6] Par transmission secourable, nous désignons ici l’opportunité de communiquer vers un autre individu (aidant, soignant…) une version verbalisée de notre souffrance. Une transmission secourable produit en effet un savoir alternatif à la violence subie.
[7] Les personnes disent avoir le sentiment d’échouer en rue.
[8] Le bonheur paradoxal. Essai sur la société d’hyperconsommation, par Gilles Lipovetsky
Ed. Gallimard, 2006, 378 p., 21 euros.
[9] Pour comprendre ce qu’est la misère symbolique, voir les textes repris sur le site http://www.arsindustrialis.org/ comme celui-ci : « Cette misère symbolique, ne peut donc ni se sentir, ni se penser ; en revanche elle peut se rencontrer, par hasard, d’un seul coup, comme on fait une mauvaise rencontre. Quelle est-elle alors ? Est-ce qu’on peut la ramener dans le champ ontologique et la caractériser à l’aide des feux puissants de la pensée rationnelle ? Non, bien sûr, se serait en faire une chose évaluable, un nouvel objet de croisades… La misère symbolique n’est pas une maladie ! Est-ce cela alors la misère symbolique que l’on ne puisse pas dire ce que c’est ? Non plus. Elle n’entre pas dans une définition positive. Cherchons-la dans le négatif. Cherchons-la non pas dans l’existence mais dans la consistance. C’est là que nous la rencontrerons. Je parlais d’une mauvaise rencontre ; oui et non, ce n’est pas si simple, c’est paradoxal, car aussitôt rencontré, le mauvais cesse. La question devient alors : comment faire une rencontre ? (qu’elle soit bonne ou mauvaise, peu importe !), Et comment faire pour que cette rencontre reste une rencontre, se prolonge dans la rencontre, qu’elle ne soit pas juste un point d’intersection entre deux lignes de vie ? »
[10] « Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants ». L’alcoolisme, par exemple, n’est pas une déviance par nature. Les seuils à partir desquels on considère la consommation d’alcool comme une maladie changent selon les contextes. Ils changent parce que certains groupes sociaux (ligues de vertu, députés…), que Becker nomme les« entrepreneurs de morale », se mobilisent pour les faire évoluer et pour que les alcooliques soient reconnus (et se reconnaissent) comme déviants. Source : http://www.scienceshumaines.com/outsiders_fr_13013.html
[11] Grâce à l’aide de la Fondation Roi Baudouin, nous avons pu inviter et réunir en tables rondes des professionnels des secteurs de la santé mentale et de l’intervention sociale reconnus pour leur expertise et leur ancrage en Région Wallonne et à Bruxelles. Nous les avons choisis comme interlocuteurs pour leur capacité à transmettre et à réfléchir leurs cliniques respectives.Parallèlement, nous avons réalisé une démarche ethnographique (récits de pratiques, observations,…) dans des initiatives qui expérimentent des modes de travail interdisciplinaires innovants, en matière de santé mentale et d’inclusion sociale. Ce qui nous a permis d’affiner nos observations et de mieux analyser les liens entre santé mentale et exclusion sociale. Nous avons également pu nous rapprocher et décrire ces cliniques émergentes et leurs référentiels. Ces initiatives déploient des pratiques de proximité. Elles s’appuient sur la collectivité comme support social de subjectivation des individus en souffrance, confrontés au risque social comme événement qui compromet la capacité des individus à assurer eux-mêmes leur indépendance sociale (Castel, 2003). A chaque étape de l’écriture, chacun des professionnels qui a participé à cette recherche a pu s’exprimer pour nuancer les propos produits, souligner les « blancs » persistants du texte en construction, apporter des précisions.