au campus Galileo (EPHEC) – Schaerbeek
La maltraitance sur les enfants et les jeunes est d’abord le fait de leur entourage, de la famille proche et du cercle des habitués qui gravitent autour d’elle. Il reste un travail considérable à accomplir pour conscientiser l’opinion, le grand public et les décideurs afin de participer activement à la prévention de ces violences. Comment faire participer dans ce cadre l’enfant à la recherche de solutions ?
À l’initiative de l’équipe du Délégué général aux droits de l’enfant, les récits de huit personnes adultes ont été recueillis. Sur les huit témoins qui se sont présentés spontanément sur « simple » demande d’un vécu de violence intrafamiliale – qui englobe harcèlement moral, gifles, négligences, cris, punitions abusives, etc. –, six d’entre eux font part de violences sexuelles intrafamiliales et un d’abus sexuels en dehors du système familial. Sept sur huit. Le passé n’était pas passé. Il suintait dans leurs mots, dans leur persévérance à faire advenir un sens, mais aussi dans celle d’être entendus, reconnus dans ces traversées tragiques de l’enfance. L’inceste étant l’expression d’une violence extrême, les autres violences exercées semblent tapies dans l’ombre. Il ne faut pour autant pas minimiser l’impact des insultes ou de la privation de nourriture qui sont autant d’actes violents qui impactent le devenir d’un enfant.
En tant que service d’éducation permanente, le Grain souhaite contribuer à ouvrir un espace de parole autour de ce sujet douloureux.
A l’occasion de la sortie de son livre « Faire taire le silence », Isabelle Seret et deux témoins nous parleront de leur vécu de violences intrafamiliales. A partir de leurs terrains respectifs, Pascale Jamoulle, docteure en anthropologie, et Sophie Tortolano, psychologue, aborderont ce que sont ces violences et les manières d’accompagner et de restaurer le pouvoir d’agir des personnes qui les subissent.
programme
14h00 – Introduction par Isabelle Seret,
intervenante en sociologie clinique et auteure de « Faire taire le silence ».
Histoire d’un livre suivi d’un brin de méthodologie
Comment comprendre les silences qui enrobent la souffrance des enfants victimes d’inceste ? Au vu du triste pourcentage révélé par les récits collectés, l’interdit de l’inceste sera le premier questionnement. Au silence de l’incesté s’ajoute celui du cercle familial qui s’inscrit dans un système sociétal qui l’enrobe d’autres silences. Si les personnes victimes d’abus de violence ont transformé ces dernières années des récits liés à l’intime en question sociale et politique, il reste que la violence à l’égard des enfants et particulièrement l’inceste reste murée dans l’inconcevable.
14h15 – Gaëlle, témoin
Un enfant, il ne comprend pas ce qui se passe. Il sait que ça ne va pas. Il sait que ça fait mal, que c’est traumatisant. Il comprend, sans même qu’on lui dise, qu’il ne peut pas parler.
La relation de Gaëlle à l’incesteur est complexe, amalgamée à des sentiments divers. À cela s’ajoutent les menaces et la culpabilité de faire du mal aux siens si le secret n’est pas tenu et la peur de les perdre, de leur faire du mal. Honte et culpabilité sont des symptômes qui ne parlent pas.
14h30 – Pascale Jamoulle, docteure en anthropologie et auteure de « Je n’existais plus. Les mondes de l’emprise et de la déprise »
Prononcés par des personnes qui se sont longtemps tues, ces mots – Je n’existais plus – résument les effets d’anéantissement et de dépersonnalisation. Pour mieux cerner et comprendre ce fait social contemporain qu’est l’emprise, l’enquête de terrain menée par Pascale Jamoulle durant sept années montre les parcours de personnes auparavant libres de penser et d’exister par elles-mêmes, devenues dépendantes d’un prédateur ou d’un système prédateur, charismatique. L’auteure explore et cherche à élucider les systèmes d’emprise, les passages d’une emprise à une autre, ainsi que les dynamiques d’émancipation qui permettent de s’en libérer.
15h30 – Échanges avec la salle et l’ensemble des intervenants
15h55 – PAUSE
16h15 – Isabelle Seret, intervenante en sociologie clinique et auteure de « Faire taire le silence »
À relire les huit témoignages d’adultes recueillis, nombreux sont ceux qui ont coupé les liens une fois majeurs et « libres » de relations prescrites et institutionnalisées. Le second questionnement de la recherche concerne la parenté. Nombre des intervenants rencontrés – SRG, SROO, CPMS, etc. – sont en faveur de la sauvegarde des liens de parenté. Est-ce la peur de mal faire ou de faire mal ? Il reste que maintenir la relation semble encore à ce jour plus vital que la prise en compte de la parole de l’enfant et de la préservation de ses droits.
16h25 – Do, témoin
Malgré tout, on insiste pour qu’il y ait toujours des retours en famille. Qu’est-ce qu’il faut ? Qu’il y ai un mort ?
Do a un parcours d’enfant placée, déplacée, ballotée avec des retours fréquents en famille. Son incompréhension reste quant au maintien de la relation avec les siens. À présent éducatrice spécialisée, elle dit avoir été bourrée de symptômes susceptibles d’attirer l’attention. Son récit pose la question des prises en charge et de ce que sont les liens de parenté.
16h40 – Sophie Tortolano, psychologue au Service de Santé Mentale, équipe infanto-juvénile, et auteure d’« Accompagner les situations de vulnérabilité : clés pour une posture professionnelle »
Comment entendre l’inaudible ? Les professionnels de l’enfance sont confrontés à l’accompagnement de situations de vulnérabilité et de danger qui mettent à mal leurs capacités d’empathie, de résonance émotionnelle et d’actions raisonnées. Cependant, écouter et mettre des mots sur les plaintes, permet de poser les jalons d’une prise en charge adaptée aux besoins de l’enfant et de la famille.