Du bon usage du fichier d’expression
Comme expliqué dans le texte sur le Jeu du Mobile Social présenté ailleurs sur le site, ce jeu se veut une prise de conscience des phénomènes vécus à l’école et dans l’éducation. Au-delà de l’analyse des mécanismes structurels à l’œuvre à l’école, il vise aussi à faire comprendre comment est vécue subjectivement cette phase de la vie des jeunes. Cette dimension est traitée par des activités d’expression présentées ci-dessous. Elles ont pour but de faire découvrir de l’intérieur des réalités sociales et scolaires en rapport avec le personnage que chaque joueur est censé être dans le jeu (en fonction des cartes tirées au départ) et en rapport avec les différentes étapes du cursus scolaire.
Le fichier d’expression constitue un volet fondamental du Jeu du Mobile Social. Cette série d’activités expressives va, en effet, permettre aux joueurs de percevoir de l’intérieur les inégalités sociales auxquelles le jeu veut sensibiliser. Le fichier d’expression permet donc d’approfondir l’identification des joueurs à leur rôle, en leur faisant vivre concrètement des situations clés de la vie de leur personnage. Car ce jeu ne peut être réellement efficace que si chaque joueur rentre totalement dans la peau du personnage qui lui est attribué.
Le Grain a retravaillé et actualisé ce fichier d’expression afin de le proposer également comme outil d’animation autonome. Il est possible, en effet, d’adopter certaines de ces démarches de manière ponctuelle, dans le cadre d’une animation plus large, comme outil d’approfondissement de tel ou tel aspect de la réalité scolaire et éducative du jeune. Grâce à sa portée identificatrice, le fichier peut être exploité en vue de donner l’occasion à un groupe de jouer une série d’épreuves illustrant comment un enfant ou un adolescent vit telle ou telle étape de son parcours social, scolaire et personnel. Cela n’implique pas nécessairement de pratiquer le jeu dans son intégralité, ce qui demande beaucoup de temps et d’implication pour l’animateur et les joueurs.
Dans cette perspective plus « légère », il suffit d’attribuer à chaque joueur un ensemble de caractéristiques lui permettant d’entrer dans la peau d’un autre et de choisir l’une ou l’autre étape du parcours, celle qui correspondra le mieux aux besoins et objectifs de l’animation avec un groupe donné. On choisira donc au hasard, en tirant dans les cartes du jeu, un profil socio-économique (origine sociale, professions des parents), psychoaffectif (environnement familial, traits de caractère) et physique (apparence, santé) différent pour chaque participant.
Une fois le portrait-robot de chaque joueur ainsi dressé, on choisira l’une ou l’autre étape du fichier d’expression et l’on réalisera l’épreuve d’expression proposée. Soit, par exemple, on choisira l’étape 0-2 ans et chacun illustrera la journée d’un enfant en bas âge en trois tableaux à l’aide de crayons de couleur et de papier à dessin, en faisant bien attention de se mettre dans la peau de son personnage. Soit encore, on choisira de s’attarder à l’image de l’école primaire en lançant le débat sur la vision de l’école idéale, ou, autre exemple encore, on pourra jouer avec un public d’adolescents la période de demande d’inscription dans l’enseignement supérieur ou, le cas échéant, la demande d’emploi à la fin de la filière scolaire, etc.
Outre les différentes caractéristiques de base évoquées plus haut, il sera intéressant de faire survenir d’autres faits de vie (par exemple, en s’aidant des cartes chance du jeu) afin de mettre en évidence les évènements qui orientent inégalement l’évolution scolaire et personnelle de chacun. L’essentiel est d’imaginer un éventail de situations très variées.
Ce genre d’épreuve sera l’occasion pour chaque participant d’exprimer ses sentiments par rapport à la petite enfance et à l’école. En permettant à chacun de prendre du recul par rapport à sa situation, aux choses vécues, on pourra mettre à jour les non-dits, les ressentis qui peuvent avoir été intériorisés, à l’égard de la sélection arbitraire de l’école et des inégales conditions d’éducation.
Si la projection identificatrice fonctionne et permet de prendre conscience des inégalités sociales, économiques et culturelles, il sera d’autant plus intéressant de poursuivre la sensibilisation en jouant l’ensemble du Jeu du Mobile Social.
Voici à présent les deux premières épreuves d’expression, correspondant au parcours d’un enfant de 0 à 6 ans dans le Jeu du Mobile Social.
ÉTAPE: 0-2 ans Une journée en 3 tableaux
Objet de l’analyse permise par l’activité
Cette activité permet de montrer comment, dès la plus tendre enfance, les conditions de vie et d’éducation varient entre les enfants des différentes catégories sociales.
Matériel
Crayons de couleur ou feutres de couleur, ainsi que du papier à dessin.
Animation
Il est essentiel, pour réaliser cette tâche, de rentrer dans la peau de son personnage, attribué par les trois cartes de départ (moment de silence…).
En tenant compte de sa position sociale, chaque participant représente en 3 tableaux schématiques, les moments caractéristiques de sa journée de très jeune enfant, chaque tableau essayant de contenir les caractéristiques données par les cartes de départ.
Mise en commun et interprétation
Une fois les dessins terminés, les participants se regroupent et expliquent chacun leurs différents tableaux.
Puis on dégage les points communs et les divergences entre les dessins et on essaie de les mettre en rapport avec les caractéristiques de la catégorie sociale du joueur, ainsi qu’avec ses caractéristiques affectives.
Suggestions
Si les participants éprouvent quelques difficultés à se représenter le stade de développement d’un enfant de 2 ans (ce qui peut être le cas chez des adolescents notamment), on peut envisager une préparation préalable par la lecture d’un texte, par exemple…, ou par le visionnement d’extraits de films vidéo rendant compte de la vie de jeunes enfants dans des milieux variés.
ÉTAPE: 3-6 ans L’enfant qui ne veut pas aller à l’école maternelle
Objet de l’analyse
Ce jeu de rôle permet de faire apparaître la nature des relations qui s’installent entre l’adulte responsable de l’enfant et ce dernier, en les reliant aux contraintes qui pèsent sur les adultes. · Il permet également de révéler les valeurs des adultes qui guident leurs conceptions de l’éducation, les attitudes qui en découlent, ainsi que la variation des systèmes de valeurs selon la culture de la catégorie sociale à laquelle on appartient. (Cette analyse peut être facilitée par la lecture de certains chapitres du livre Culture Mosaïque, Dominique Grootaers (dir.), Chronique Sociale/Vie Ouvrière)
Matériel
Un local suffisamment spacieux.
Animation
On choisit un meneur de jeu. La scène à jouer doit représenter un enfant qui refuse d’aller à l’école (ou d’y rester quand on l’y conduit) alors que sa mère doit (ou non) s’absenter (travail, obligations diverses ou maîtrise de son temps personnel, …), selon la condition sociale de l’enfant.
Le jeu de rôle doit montrer les réactions de l’entourage (membres de la famille qui conduisent l’enfant à l’école, institutrice, d’autres parents, …).
Le meneur choisit son rôle et attribue d’autres rôles de son choix aux participants qu’il désigne.
Ces rôles doivent correspondre à la position de départ du meneur (Cfr. les trois cartes). Une fois les rôles répartis, le jeu commence directement.
Les non-joueurs seront observateurs. Ils seront particulièrement attentifs à ce qui est exprimé de manière verbale ou non verbale.
Mise en commun et interprétation
Le jeu terminé, le meneur organise une discussion à partir des réactions des observateurs (les membres du groupe qui n’ont pas joué), puis de celles des acteurs.
Suggestion
En cas de blocage sur le plan de l’expression corporelle, il s’est révélé utile dans la pratique, de passer d’abord par un stade écrit : on ébauche seul ou à plusieurs, un scénario.
Les épreuves suivantes couvrant le parcours d’un jeune de 6 à 18 ans sont présentées dans l’article : » Le fichier d’expression (II) »